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Vallée de Ferney : le dernier rempart du kestrel

3 juin 2022

La MWF a installé plusieurs nest boxes dans la forêt pour permettre aux kestrels de se reproduire.

11h30. C’est l’heure du «Pepito show». Le kestrel est fidèle au rendez-vous en ce mardi matin. Et Sergio, l’un des guides en poste à la Vallée de Ferney, est aux anges. Cela faisait trois jours, confie-t-il, que ce mâle solitaire manquait à l’appel. Perché sur un arbre, le «zwazo nasional», qui fait environ 30 cm de long avec des ailes déployées de 45 cm, est aux aguets. Il observe tous les faits et gestes de ceux présents, avant de se lancer vers un autre arbre pour prendre la pose.

 

L’oiseau prédateur se livre ensuite à un véritable ballet aérien pour venir récupérer une souris morte des mains de son bienfaiteur. Cela fait plusieurs années que ces deux-là sont complices, pour le plus grand bonheur des visiteurs. Et la perte de sa femelle Pepita a davantage rapproché Pepito de Sergio. Après avoir récupéré son mets, bien serré entre ses pattes, la star du jour disparaît dans la réserve forestière et animalière située dans les montagnes Bambou, au nord de Mahébourg.

 

À ce jour, Pepito et ses pairs seraient environ 70 à 80 à habiter la Vallée de Ferney, gérée par La Vallée de Ferney Conservation Trust. Ce type d’oiseau aime la forêt sèche, les hautes terres et la montagne. C’est la raison pour laquelle, il est chez lui dans cette partie du pays. C’est aussi pour cette raison que la MWF vient de reprendre un «intensive conservation management plan» pour éviter à cet oiseau emblématique de l’île de connaître l’extinction, à l’instar du Dodo ou de la Poule Rouge.

 

La population de kestrels était au plus bas en 1974, avec uniquement une femelle pour trois mâles. À l’époque, ce même plan avait permis au seul oiseau prédateur mauricien de continuer à survoler les Gorges de la Rivière-Noire et la Vallée de Ferney. Il y en a aussi quelques-uns à Bel-Ombre où la MWF a une antenne d’observation. Le déclin de cette espèce est dû à plusieurs facteurs : les attaques de singes, de rats et autres prédateurs, l’utilisation des pesticides, mais le plus gros souci demeure la perte de son habitat et la dégradation de l’environnement. À ce jour, il n’y a plus que 1,3 % de forêt endémique à Maurice. Ce qui est très inquiétant pour notre faune et notre flore.

 

Pour permettre au kestrel de subsister, la MWF a pris plusieurs mesures à travers le plan de conservation intensif au fil des années, dont le sauvetage des œufs et une manœuvre d’embrayage avant de faire l’élevage à la main et en captivité. Grâce à cela, la population de kestrels est passée à 167 de 1984 à 1994 dans l’Ouest, à 120 de 1987 à 1994 dans l’Est et à 40 de 1990 à 1992 à Moka.

 

Ce plan a également permis à la population d’être stable. La MWF a repris le projet en 2007 après une pause de neuf ans suite à un survey. Raison : une population en chute libre avec la perte de son habitat et la dégradation continue de l’environnement. Le nouveau plan de relance a aussi permis aux personnels de l’ONG de revoir la conception des «nest boxes» – qui sont maintenant en PVC ou en plastique – pour pallier le manque de nids naturels. Cette technique est sur une bonne lancée après avoir fait ses preuves dans le passé. La restauration de certaines plantes fait également partie du plan.

 

Sion Henshaw, responsable de l’équipe qui est aux petits soins pour le kestrel, explique que le manque de productivité est également un gros problème. «Sur 50 œufs récoltés, uniquement 15 ont survécu.» Donc, il y a encore du travail : «L’idée de faire du kestrel l’oiseau national est une très bonne chose mais il faut absolument sensibiliser les gens. L’idéal serait d’avoir une population de 1 000 oiseaux.»

 

Si les autorités s’engagent comme il le faut dans ce projet, l’éco-tourisme peut devenir un atout important pour l’économie. Les amoureux de la nature sont d’ailleurs nombreux à visiter la Vallée de Ferney tous les jours. Mais le projet d’une autoroute dans cette région importante pour notre faune et notre flore fait une fois de plus polémique. Tous pensaient qu’il avait été mis aux oubliettes mais tel ne serait plus le cas. La menace est persistante. Et de ce fait, l’avenir du kestrel est sérieusement menacé.

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