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La minute légale avec… Aurélien Oudin, juriste

Construire ou rénover : droits, précautions et recours face aux abus

17 juillet 2025

Vous avez contracté un emprunt et vous y avez mis toutes vos économies ! Vous rêviez de cette construction ou de cette rénovation, c’était le projet d’une vie ! Malheureusement, vous êtes tombé.e sur un «contracteur» peu scrupuleux. Ayo ! Autre cas de figure : vous allez entamer des travaux et vous ne souhaitez pas vous retrouver face à un chantier «mal fini» ou abandonné… Le juriste Aurélien Oudin (BSc, LL.B, MBA) vous donne de précieux conseils sur comment vous préparer et/ou comment réagir si vous avez été floué.e. Il met l’accent sur l’importance d’un cadre légal pour protéger le.la client.e, mais aussi celui.celle qui entreprend les travaux (et qui peut aussi être lésé.e).

Dans un contexte où les projets de construction ou de rénovation de maisons se multiplient à l’île Maurice, les litiges entre «contracteurs» et propriétaires deviennent malheureusement fréquents. D’un côté, certains entrepreneurs disparaissent après avoir encaissé des acomptes, de l’autre, certains clients refusent de payer le solde convenu. Il devient impératif de mieux encadrer ces relations pour éviter que les deux parties ne soient lésées.

•⁠ ⁠Le cadre légal des travaux de construction ou de rénovation

Toute construction ou rénovation doit se faire conformément aux lois mauriciennes, notamment :

•⁠ ⁠Le Local Government Act pour les permis de construire ;

•⁠ ⁠Le Building Control Act ;

•⁠ ⁠La Planning and Development Act.

Toute construction illégale (sans permis, sans conformité aux règlements d’urbanisme) est susceptible d’être démolie sur ordre des autorités.

•⁠ ⁠L’importance du contrat écrit : rôle du juriste

Trop souvent, les travaux sont engagés sur de simples promesses verbales. Ce flou est une porte ouverte à la fraude. Un contrat écrit rédigé ou vérifié par un juriste protège les deux parties. Il doit prévoir :

•⁠ ⁠La description détaillée des travaux à effectuer ;

•⁠ ⁠Le calendrier de réalisation (planning) ;

•⁠ ⁠Le montant global et le calendrier de paiement ;

•⁠ ⁠Les pénalités en cas de retard ou d’abandon ;

•⁠ ⁠Les obligations d’assurance et de conformité.

Le juriste agit comme garant de l’équilibre contractuel et peut, au besoin, intervenir en médiateur en cas de litige.

•⁠ ⁠Escroqueries courantes : comment les éviter ?

Voici quelques signaux d’alerte à connaître :

•⁠ ⁠«Contracteur» non enregistré ou sans adresse fixe ;

•⁠ ⁠Demande de paiement intégral avant le début des travaux ;

•⁠ ⁠Absence de devis ou de facturation écrite ;

•⁠ ⁠Retards répétés, abandon de chantier.

Conseils :

•⁠ ⁠Toujours vérifier l'enregistrement du «contracteur» auprès du CIDB (voir plus bas).

•⁠ ⁠Ne jamais payer la totalité d’avance.

•⁠ ⁠Exiger un contrat signé et des reçus de paiement.

•⁠ ⁠L’implémentation du CIDB (Construction Industry Development Board)

Le CIDB est une autorité légale créée sous le Construction Industry Development Board Act. Il vise à :

•⁠ ⁠Réguler les acteurs du secteur de la construction ;

•⁠ ⁠Établir un registre officiel des «contracteurs» agréés ;

•⁠ ⁠Imposer des normes de qualité, de sécurité et de compétence ;

•⁠ ⁠Gérer les plaintes contre les «contracteurs» frauduleux.

Avant d’engager un «contracteur», il est fortement conseillé de consulter le registre du CIDB afin de s’assurer qu’il est en règle.

•⁠ ⁠Les droits du «contracteur» : éviter les abus du client

Un «contracteur» a lui aussi droit à la protection juridique. Un contrat solide lui permet de réclamer :

•⁠ ⁠Le paiement progressif selon l’avancement ;

•⁠ ⁠Des intérêts en cas de retard de paiement ;

•⁠ ⁠La possibilité de suspendre les travaux si le client ne respecte pas ses engagements.

Le contrat rédigé par un juriste assure également au «contracteur» une preuve légale en cas de litige devant les tribunaux.

Propriétaires comme «contracteurs» : protégez vos droits avec un contrat bien rédigé et construisez sur des bases solides.

•⁠ ⁠Que faire si vous êtes victime d’une arnaque par un «contracteur» ?

Lorsque vous êtes confronté à une situation où un «contracteur» vous a fraudé – par exemple en abandonnant le chantier après encaissement ou en livrant des travaux non conformes –, vous disposez de plusieurs recours légaux à Maurice.

1.⁠ ⁠Plainte à la police :

Déposez une plainte formelle au poste de police le plus proche. Mentionnez tous les faits, joignez les preuves (contrat, paiements, échanges de messages, photos). Une enquête peut être ouverte pour «embezzlement» ou escroquerie (sous le Criminal Code).

2.⁠ ⁠Réclamation civile en Cour de district ou Cour suprême :

Vous pouvez entamer une procédure civile pour réclamer le remboursement des sommes versées ou des dommages-intérêts. Cela nécessite généralement l’assistance d’un homme de loi (avoué et avocat). Les délais varient de 12 à 24 mois en fonction de la complexité de l’affaire.

3.⁠ ⁠Réclamation auprès du CIDB :

Si le «contracteur» est enregistré auprès du CIDB, une plainte administrative peut être déposée. Le CIDB peut suspendre, radier ou sanctionner le «contracteur» fautif. Il peut également orienter vers une médiation professionnelle.

4.⁠ ⁠Procédure de médiation ou conciliation :

En amont du procès, une tentative de conciliation peut être proposée devant les instances ou via un médiateur privé, permettant souvent un règlement plus rapide.

Références jurisprudentielles

•⁠ ⁠Cawassamy v Rughoonundun & Ors 2016 SCJ 214 :

La Cour Suprême a ordonné le remboursement complet à un client dont la maison a été laissée inachevée par un «contracteur» malgré réception des paiements.

•⁠ ⁠Munisami v Appadoo 2021 SCJ 35 :

Affaire illustrant la responsabilité contractuelle stricte dans les prestations de construction et le droit à des dommages-intérêts compensatoires.

•⁠ ⁠Seetohul v Tardieu 2023 SCJ 92 :

La cour rappelle l’importance d’un contrat écrit clair pour engager la responsabilité du «contracteur» et justifier une procédure d’urgence pour dommages.

Conclusion pratique

Construire ou rénover un bien est un investissement lourd et sérieux. Il ne doit jamais être engagé sans cadre légal clair. La présence d’un juriste permet de garantir l’équilibre, la transparence et la sécurité du projet pour les deux parties. Grâce au CIDB, les consommateurs disposent désormais d’un outil pour filtrer les professionnels fiables. Face à une fraude ou à un manquement contractuel d’un entrepreneur, il est crucial d’agir vite, de documenter tous les éléments et de se faire assister par un juriste. Les recours existent et les juridictions mauriciennes ont démontré leur rigueur pour protéger les consommateurs victimes d’abus dans le secteur du bâtiment.

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