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Vanessa, l’épouse du Dr Harris Ramuth : «Il a fait son travail avec dévouement jusqu’à la mort»

14 décembre 2021

Le Dr Ramuth était très dévoué à son métier.

Il a eu un parcours exemplaire. Depuis son plus jeune âge, le Dr Harris Ramuth, âgé de 52 ans, n’a cessé de parfaire ses connaissances et ses compétences dans le domaine de la santé afin de faire progresser la médecine à Maurice. Après de longues années d’études, de formations et de recherches, il a travaillé tout dernièrement comme Senior Clinical Scientist au Biochemistry Department du Central Health Laboratory, à l’hôpital Victoria. Ce département est chargé d’effectuer le CRP Marker sur les patients atteints de la Covid-19. Très dévoué à son travail, et encore plus depuis la détection du premier cas du virus à Maurice, l’an dernier, il fait partie de la longue liste de frontliners ayant contracté le virus en exerçant son métier. Il a rendu l’âme le 5 décembre à l’hôpital ENT en succombant à une infection. Il laisse derrière lui son épouse Vanessa et leurs trois enfants, âgés entre 16 et 21 ans, très affligés par cette tragédie.

 

Le Dr Harris Ramuth a senti les premiers symptômes du virus le 14 novembre. «Il souffrait d’une légère fièvre et a eu recours a un Rapid Test Antigen, qui s’est avéré positif», confie Vanessa, son épouse. Cette dernière, également dans le domaine médical, est affectée au Virology Department du Central Health Laboratory, à l’hôpital Victoria, comme Senior Clinical Scientist. «Lorsqu’il est tombé malade, j’étais à l’étranger pour une formation sur le séquençage. Je suis rentrée le lendemain.» Durant la première semaine, dit-elle, l’état de santé de son époux était stable. «Il souffrait de légers symptômes : faiblesse et fièvre. Il prenait ses médicaments et j’ai pensé qu’il s’en remettrait assez vite. Il n’avait pas pu se faire vacciner jusqu’ici à cause des problèmes de santé.» Au bout d’une semaine, cependant, il a dû se rendre à l’hôpital Victoria car son taux de saturation en oxygène avait diminué. Les résultats de son chest x-ray ne s’étant pas avérés concluants, il a été admis à l’ENT Hospital.

 

Durant son séjour à l’hôpital, le Dr Harris Ramuth a connu des hauts et des bas. «Le Dr Catherine Gaud me donnait régulièrement un bilan de son état de santé. Elle était optimiste car son taux de saturation en oxygène avait augmenté mais au bout de cinq jours, son état s’est détérioré. Il était fatigué et avait besoin d’assistance respiratoire. Les médecins nous ont finalement dit que la seule solution aurait été de l’intuber. Au départ, il était contre, mais je lui ai dit qu’il faudrait que l’on tente le tout pour le tout et il s’est laissé convaincre. C’est la dernière fois que nous nous sommes parlés.» Elle poursuit : «Durant les deux premiers jours, son état s’était amélioré. Je pensais qu’il s’en remettrait car il était bien bâti. De plus, j’ai vu plusieurs patients guérir après l’intubation. Mais il a fini par rendre l’âme le 5 décembre. Ses derniers examens ont démontré que ses poumons étaient en bonne santé mais qu’il avait succombé à une infection.»

 

Le Dr Harris Ramuth a eu un parcours extraordinaire. Né à Rose-Hill, il excellait sur le plan éducationnel depuis son plus jeune âge. Classé 33e au Certificate of Primary Education (CPE), il a fait ses études secondaires au collège Royal de Port-Louis. Il a ensuite intégré le Central Health Laboratory en 1989. Il a suivi des cours à l’Université de Maurice et obtenu un diplôme en Medical Laboratory Technology. Persévérant, il s’est battu pour que les qualifications des technologistes soient avancées au stade de degree level. Il a ainsi fait partie des premiers à avoir obtenu un BSC en Biomedical Science en 2004 avant d’obtenir un Master’s en Molecular and Cellular Biology en 2006. Il a fait plusieurs thèses, notamment sur l’obésité et le diabète chez les enfants. Il n’a cessé de parfaire ses connaissances et a aussi suivi des cours en ligne, lui permettant d’obtenir deux autres diplômes : le premier en Méthodes en Recherche Clinique et le second en Méthodes et Pratiques en Epidémiologie, de l’Université de Victor Segalen, Bordeaux 2, France. En 2019, il a obtenu un doctorat en Philosophie des sciences médicales de l’Université de Fribourg, en Suisse. Il était également le président du Groupe des Technologistes et rédacteur en chef de l’ABA Journal.

 

«Un homme de valeur»

 

«Depuis le début de la pandémie, nous avons travaillé d’arrache-pied. Nous avons quitté notre famille tous les jours, avec la peur de contracter le virus ou de le transmettre à nos proches mais nous sommes restés dédiés à notre métier. La contribution des technologistes de laboratoires est également énorme», lâche son épouse. La voix nouée par le chagrin, elle poursuit : «Cela a été son premier et dernier métier. Il aimait ce qu’il faisait et était dévoué à son travail. C’était un homme de valeur, humble et très discret. Il a fait son travail avec dévouement jusqu’à la mort. J’ai perdu un soldat sur le front, mais je suis aussi une frontliner et je continuerai de faire mon travail car il s’agit de mon gagne-pain.» Cette épreuve, dit-elle, est la plus douloureuse qui soit. «C’est un moment déchirant. On travaillait ensemble, on rentrait ensemble, on faisait la cuisine et le ménage ensemble. On n’imagine pas perdre son père ou son mari à cet âge. J’essaie de me remettre pour mes enfants afin de réaliser tous les rêves que nous avions pour eux. Je n’ai pas seulement perdu mon époux, mais également mon meilleur ami et mon âme soeur. Je suis tout de même convaincue qu’il sera toujours à mes côtés.»

 

Vanessa Ramuth lance un appel à la population afin que, plus que jamais, elle prenne ses précautions. «Quand je vois tous ces gens qui ne respectent pas les consignes sanitaires, cela me met hors de moi. Ils ne sont pas conscients du danger. Ils doivent également se mettre à la place des proches de toutes ces personnes qui travaillent pour eux, qui sont sur le front et font leur travail avec dévouement jusqu’à en mourir, comme mon époux.» Elle tient, par ailleurs, à remercier «le Dr Sok Appadu, le Dr Catherine Gaud, ainsi que tous ces médecins, anesthésistes, infirmiers ayant pris soin de mon époux. Je remercie aussi tous ceux que j’ai connus et que je n’ai pas connus et j’ai une pensée spéciale à tous ces frontliners dévoués ayant succombé au virus».

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