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Victime de violences conjugales, elle diffuse une vidéo choquante - Sarah, 32 ans, raconte ses années de coups, d’injures et d’humiliation

23 octobre 2023

Sarah s'est retrouvée avec la lèvre fendue, le visage enflé et le bras plâtré après avoir été rouée de coups.

Elle n’a pas toujours tout accepté sans broncher. Au cours de ces dernières années, Sarah, 32 ans, a souvent dénoncé la violence physique et morale subie au sein de son couple à la police. «J’ai consigné tellement de dépositions contre lui qu’à chaque fois que je me rendais au poste, les officiers me disaient “linn rebat ou ankor” avant même que j’ouvre la bouche», confie-t-elle. Malgré les nombreux avertissements, les Protection Orders et l’arrestation de son bourreau Steeve, 38 ans, celui-ci a toujours su faire bonne figure devant l’entourage de sa victime. Après un séjour d’un mois en prison parce qu’il l’avait menacée avec un sabre et tabassée en mai dernier, Sarah raconte, amère, que c’est sa mère qui l’a poussée à retourner avec lui : «Elle m’avait demandé de lui pardonner son geste parce qu’il m’avait présenté ses excuses, de lui donner une chance parce qu’il m’aimait, mais aussi de penser à nos enfants. Elle en avait fait de même plus jeune lorsqu’elle était victime de violences conjugales. Je l’ai écoutée en pensant qu’elle était de bon conseil mais voilà où j’en suis aujourd’hui. Dan monn rod pardone, li ti kapav touy mwa!» Le bras plâtré, la lèvre fendue et le visage enflé après une autre agression, elle a dû se rendre une nouvelle fois à l’hôpital et a été admise.

 

Durant les 12 dernières années, Sarah a subi coups, injures, infidélités et humiliations, avec des passages à tabac de plus en plus violents à chaque prise de bec. «Mon compagnon s’acharnait sur moi comme s’il pensait que je ne ressentais pas la douleur. J’avais l’impression d’être un objet sur lequel il tapait.» N’en pouvant plus du calvaire vécu, elle a beaucoup réfléchi avant de prendre une décision : «J’ai fait le choix de diffuser la vidéo de ma dernière agression sur les réseaux.» Sur ces images accablantes, choquantes, qui donnent froid dans le dos – une scène filmée par son aînée de 14 ans, issue d’une première union –, on voit Steeven la gifler, tenter de l’étrangler, la tirer par les cheveux, tout en l’insultant et en la menaçant de mort ; une agression remontant au samedi 14 octobre. On peut aussi entendre une voix d’enfant implorer en arrière-plan : «Pa... arete... aret fer sa !» Sarah poursuit son pénible récit : «Ce n’est qu’après avoir vu cette scène que les membres de mon entourage ont compris la gravité de toutes les agressions que j’avais déjà subies. Se zis depi sa video-la ki zot inn koumans dir mwa kit li ek pa retourne. Zot inn anfin kompran seki mo ti pe sibir.»

 

Lorsqu’elle revient sur cette soirée fatidique où elle a cru que sa dernière heure était arrivée, Sarah se souvient que la violente bagarre avait, cette fois, éclaté parce qu’elle lui avait demandé de baisser le volume de la radio. Une chose en entraînant une autre, dit-elle, «il a aussi commencé à m’accuser d’infidélité pendant qu’il me frappait parce que je discute souvent avec un ami de ma soeur pour lui faire part des problèmes au sein de mon couple». Si elle est toujours en vie aujourd’hui, estime-t-elle, c’est grâce à ses voisins qui sont intervenus en entendant ses hurlements. «Il lui ont demandé d’arrêter et ont alerté la police.» Lorsque les forces de l’ordre sont arrivées sur place, Steeve était, toutefois, introuvable. Les policiers ont alors emmené Sarah à l’hôpital pour qu’elle se fasse soigner avant de la conduire, avec ses quatre enfants – elle en a eu trois autres avec son bourreau ; une fille de 10 ans et deux fils de 7 et 2 ans –, chez sa mère. Elle a dû retourner à l’hôpital quelques jours plus tard pour y être admise.

 

Protection Order

 

Ce n’est que le lundi 16 octobre que les limiers ont pu mettre la main sur Steeve pour l’arrêter. Dans un live partagé sur sa page Facebook juste avant que les policiers lui passent les menottes, Steeve se justifie pour son accès de colère : «Si enn fam gagn bate dan so lakaz, se pa pou nanye. Pa kapav enn dimoun vini, li tap ou, li provok ou ek ou bizin aksepte tousala akoz li ena enn Protection Order kont ou. Mo demann mwa si akoz enn Protection Order, enn zom bizin ramas beze sa kantite-la.» Il revient, par ailleurs, sur les raisons l’ayant conduit à rouer de coups sa concubine : «Depi lontan nou pe gagn diskision ; monn dir li si li anvi al avek enn lot, mo pa anpes li, me kit mo kat zanfan. Monn dir li pa res ar mwa pou fatig mwa.» Il présente aussi ses excuses pour avoir agi de la sorte. «Mo pa kontan sekinn arive. Dimoun dir mwa mo ti bizin pa fer sa, ki mo ti ti bizin ale, me monn reste pou mo kat zenfan. Monn manz mo kou.» Il déclare aussi : «Mo leker fermal pou sekinn arive ar mo fam akoz se mama mo zanfan ; mo pa ti enn dimoun koumsa.» Le mardi 17 octobre, il a comparu devant la justice pour violence domestique avant d’être reconduit en cellule.

 

C’est de son lit d’hôpital que Sarah revient avec détails sur sa descente aux enfers car, dit-elle, «mon compagnon n’a pas toujours agi de la sorte». Abandonnée par le père de son premier enfant, elle a rencontré Steeve lorsque son aînée avait 2 ans. «À l’époque, il était doux, calme, gentil et attentionné. Mo ti pran mo letan avan mo al rest ek li. Mo ti pe dir mo mem ki tou zom sirman pa parey, me apre monn dekouver so vre vizaz.» La première fois qu’il a levé la main sur elle, relate-t-elle, «c’est lorsque j’étais tombée enceinte de ma deuxième fille. Li pann sagrin pou bat mwa mem si ti ena enn ti baba dan mo vant. Linn mem deza donn moi kout pie lor mo sikatris apre mo sezaryenn ek dir mwa li pou tir mo trip deor». Elle avait pensé qu’il ne serait plus aussi jaloux et possessif quand elle irait vivre sous son toit mais elle a vite déchanté. «Il surveillait mes faits et gestes ; j’étais devenue comme sa propriété. Depuis que je vis avec lui, il lève la main sur moi quand bon lui semble, sans avoir à craindre que quiconque soit au courant de ce que je subis. Dès qu’il en avait l’occasion, il m’humiliait, me rabaissait, me disait que personne d’autre ne voudrait de moi, et je suis restée parce que je le pensais aussi.»

 

Point faible

 

Elle reconnait, néanmoins, qu’elle a toujours voulu lui trouver des excuses. «Au début, j’ai pensé qu’il devenait violent uniquement parce qu’il était sous l’influence d’alcool, mais les agressions devenaient de plus en plus fréquentes.» Lorsqu’elle trouvait le courage de s’en aller, dit-elle, il venait la chercher en la suppliant et elle finissait par accepter de retourner avec lui : «Mo ti pe tom dan so febless ler li ti pe vinn demann mwa exkiz. Li ti pe dir mwa ki li pa kone kinn pas dan so latet. J’essayais de me convaincre qu’il agissait de la sorte parce qu’il m’aimait.» Cependant, elle avance que son plus grand point faible a été ses enfants. «Lorsque je leur parlais de me séparer de leur père et leur demandais avec qui ils choisiraient de vivre, ils m’imploraient de ne pas le quitter, me disaient qu’il voulait vivre avec leurs deux parents. Cela me fendait le coeur. Je suis restée pour ne pas leur faire de peine sans me dire qu’ils étaient bien trop jeunes pour comprendre tout ce qui se passait et sans m’imaginer qu’il valait mieux pour eux avoir des parents séparés plutôt que d’en perdre un dans des circonstances tragiques.»

 

La première fois qu’elle a réclamé un Protection Order, c’était il y a cinq ans. Elle avait, malgré tout, continué à vivre sous le même toit que son compagnon parce qu’elle pensait que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire pour ses enfants. «Je pensais que ce morceau de papier lui ferait peur, qu’il réfléchirait à deux fois avant de lever la main sur moi, mais cela n’avait rien changé», se désole Sarah. Même si elle a constamment renouvelé ses Protection Orders, son compagnon n’a jamais changé d’attitude. Dépassée et à bout, elle espère, à présent, que son témoignage permettra à toutes celles qui se reconnaissent dans son histoire de sortir de leur cauchemar. «Il est temps d’arrêter de se taire et de subir ; ce que vous vivez n’est pas de l’amour. Dénoncez votre bourreau avant qu’il ne soit trop tard.»

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