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Victimes des inondations, ils/elles racontent : «Un choc terrible», «j’ai vu la mort», «j’ai tout perdu»

20 mars 2022

Les familles d'Ali, de Yousuf (sur le toit), de Venesie et de Stacy se remettent de ces moments difficiles.

Des trombes d’eau. Et la panique au creux du ventre. En quelques secondes, le monde de Venesie Joliecoeur a basculé au fil de cette eau boueuse qui s’est infiltrée chez elle et a anéanti tous ses efforts. Le dimanche 13 mars, elle est assise avec ses proches et entend la mélodie douce d’«enn ti lapli» : «Nous n’y avons pas fait attention.» L’histoire commence ainsi pour de nombreuses familles qui ont tout perdu lors des inondations de ces derniers jours. Une semaine difficile rythmée par les alertes de fortes pluies et les critiques envers la station météorologique de Vacoas. Des voix ont également dénoncé l’absence ou l’inefficacité du système de drains et une construction qui aurait provoqué la montée des eaux spectaculaire à Vallée-des-Prêtres.

 

Tout a donc commencé par le son de la pluie. De l’insouciance. Puis, c’est le drame. «J’ai eu un choc terrible», confie Venesie. Enceinte d’un peu plus de sept mois, cette habitante de Cité La Cure se retrouve piégée dans sa maison avec sa fille et son petit-enfant de 17 mois. La police et les pompiers ne répondent pas : «Heureusement que des voisins inn vinn tir nou.» L’eau, «pli ot ki enn latab», a tout emporté. Machine à laver, réfrigérateur et meubles, «tou inn abime», se lamente-t-elle. Elle n’a plus de matelas. Et la layette achetée pour son enfant à naître est irrécupérable : «J’avais acheté petit à petit, il ne reste plus rien. J’ai tout perdu.» Les jours d’après, elle les a vécus dans le centre social de la région, dans des conditions difficiles, et après une visite à l’hôpital, le médecin a conseillé de la garder à cause de son état. Mais Venesie n’a pu accepter : «Mo pa pou kapav kit mo zanfan ek mo tizanfan. Si lapli repran, ki zot pou fer ?»

 

Depuis ce dimanche-là, elle vit dans l’angoisse d’un autre épisode pluvieux. Le regard tourné vers le ciel, elle espère que les nuages gris ne s’amoncèleront pas et tente de se reconstruire malgré tout : «Je n’ai même pas de vêtements ni de vivres. Me enn-de vwazinn pe ed mwa.» À Vallée-des-Prêtres, c’est aussi le vide dans la maison et le garage de Yousuf Goolamgooskhan. La crainte qu’il pleuve à nouveau languit dans les esprits. Vous avez certainement vu la vidéo buzz des deux voitures emportées par les flots devant une maison ; elles appartiennent au chauffeur de taxi et à son épouse. «En deux minutes, l’eau est montée comme un tsunami», confie Yousuf. Il l’avoue : «Monn trouv lamor devan mwa.» Dans une vidéo filmée par une caméra de surveillance voisine qu’il nous a fait parvenir, on le voit être emporté par la vague boueuse que rien ne peut arrêter. Il s’accroche, in extremis, à une colonne…

 

Quelques secondes plus tôt, face à l’éboulement de roches, de tôles et de gravats, il avait pu aider ses enfants à grimper sur l’auvent du garage afin qu’ils puissent gagner le toit de la maison. Des instants de cauchemar qu’il n’oubliera jamais : «Zame monn pas par enn zafer koumsa.» Et après le choc, le réveil est difficile. Yousuf a tout perdu (son outil de travail est total loss). Mais pas son courage. Sa famille est saine et sauve. Et le Taxi Operators Welfare Fund a promis de l’aider. Son frère Mohammad Ali (ils vivent dans la même cour) sait que cette journée d’inondation aurait pu avoir des conséquences bien plus graves. Il se dit soulagé que son frère, sa belle-sœur et leurs enfants aient échappé au pire. Ce dimanche-là, lui n’était à la maison. Avec les siens, il était en visite chez sa belle-famille à Quartier-Militaire. Il a fallu d’un coup de fil de sa belle-sœur pour qu’il prenne conscience de ce qui se passait : «Elle était en larmes. Je ne comprenais pas exactement l’ampleur des dégâts.» Il a alors décidé de rentrer : «J’ai appelé les voisins, ils me disaient : pa desann, ena lamor ladan.»

 

Arrivé dans sa rue, c’est le choc : «C’était un torrent qui circulait avec une pression incroyable. J’ai dû m’accrocher à tout ce qui me tombait sous la main afin de pouvoir arriver jusqu’à la maison.» Là, l’eau s’était engouffrée à «hauteur des reins». Le constat n’a pas tardé : électroménager, ameublements, denrées alimentaires... Tout était perdu. Heureusement, dit-il, que les députés de la circonscription n’ont pas tardé à venir rassurer et aider. Il remercie vivement Subashnee Luchmun-Roy, Joanne Tour, Joe Lesjongard mais aussi Eshan Jumun.

 

À Triolet, le jeudi 17 mars, plusieurs familles ont aussi vécu l’enfer de l’eau. Dont celle de Stacy Arthur. Aux alentours de 18h30, un flot de boue s’est infiltré dans la maison familiale où elle vit avec les enfants de sa sœur et sa grand-mère en fauteuil roulant. Un problème récurrent en cas de grosses pluies, selon les habitants de Cité Thérèsa. Mais ce soir-là, la montée des eaux a été trop rapide pour pouvoir sauver ce qui pouvait l’être : «Nous avons eu tellement peur. Nous avons appelé les pompiers, en vain. Nounn bizin pers lakaz partou, met gro trou pou ki delo ale.» La grand-mère et les enfants ont passé la nuit sur la partie haute d’un lit à étage et le reste de la famille à nettoyer, éponger et rendre la maison salubre.

 

Aujourd’hui, de nombreuses familles ont besoin d’aide pour tout recommencer et comptent sur vous (voir hors-texte). Elles prient, désormais, pour qu’il n’y ait plus de trombes d’eau qui viennent anéantir toute leur vie, tous leurs efforts, leurs souvenirs… 

 

You can help !

 

Les Rs 180 obtenues par personne par jour d’inondation n’aideront certainement pas à tout reconstruire. Mohammad Ali Goolamgookhan, habitant de Vallée-des-Prêtres, espère que le Premier ministre aura une pensée spéciale pour les familles affectées… Mais rien en ce sens n’a été décidé lors du Conseil des ministres, vendredi.

 

Pour tendre la main à ceux et celles qui ont tout perdu, vous pouvez agir. Vous pouvez contribuer en matelas, en draps, en vêtements et en denrées alimentaires en aidant les familles individuellement. Venesie Jolicoeur (5856 8688) et Stacy Arthur (5721 5918) sont joignables sur ces numéros de téléphone.

 

Vous pouvez également œuvrer à travers les ONG. La Monad Foundation fait, par exemple, un appel aux dons. Le plus simple serait de déposer vos contributions à son siège, à Eau-Coulée. Pour en savoir plus, appelez les numéros suivants : 5741 0436 et 5758 5714 (via WhatsApp).

 

Yvonne Stephen

 


 

Encore de la pluie, en attendant une amélioration vers mardi

 

Les parapluies seront encore de sortie aujourd’hui. Pour ce dimanche, nous explique un prévisionniste de la station météorologique de Vacoas, il y aura des pluies localisées sur toute l’île, «avec des averses modérées à fortes et des orages ; des pluies qui seront probablement plus concentrées dans la région Sud».

 

Une situation toutefois différente de celle de ce samedi, souligne le prévisionniste : «Hier, c’était plus des conditions humides et instables qui forment des nuages à caractère orageux. Or, ce dimanche, il s’agit plus d’un système frontal qui va occasionner des pluies localisées.»

 

Et le soleil revient quand ? «Il devrait y avoir une amélioration du temps d’ici mardi, avec certes des ondées éparses mais avec une moins forte intensité», conclut notre interlocuteur.

 

Ce samedi, à l’heure où nous mettions sous presse, la station de Vacoas avait émis un avis de fortes pluies valable jusqu’à 20 heures. La National Emergency Operations Command avait aussi émis un communiqué suite à cet avis de fortes pluies, conseillant aux Mauriciens de ne pas s’aventurer dans des zones à risques car avec la terre qui est saturée à cause des récentes grosses pluies, il pourrait y avoir des accumulations d’eau.

 

Stephane Chinnapen

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