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7 juin 2022 19:29
L’inspecteur Derochoonee et ses hommes, qui étaient alors affectés à la Criminal Investigation Division (CID) de Terre-Rouge, figurent sur l’une des vidéos ayant circulé sur les réseaux sociaux durant la semaine écoulée. On les voit infliger des décharges électriques à Christopher Pierre-Louis, nu sur une chaise, les mains menottées dans le dos. «Toultan sa inspekter-la ti koumsa. Se pa premye fwa ki mo gagn bate avek li», allègue la victime. «Il m’avait déjà arrêté auparavant, alors qu’il était affecté dans une autre unité. J’avais reçu des gifles, des coups de poing mais là, c’était la première fois que je recevais également des décharges électriques.»
En effet, l’inspecteur Derochoonee cumule les frasques. En août 2021, il avait été arrêté par les limiers de la brigade anticorruption, qui l’avaient dans le viseur depuis plusieurs années. Il avait alors déjà été transféré à la Special Mobile Force (SMF). Il est soupçonné d’avoir réclamé des pots-de-vin à des suspects qu’il devait arrêter afin de faire étouffer l’affaire. Plusieurs plaintes ont été enregistrées contre lui. Son arrestation par l’ICAC, cependant, relève du fait qu’il aurait réclamé Rs 100 000 et en aurait obtenu Rs 25 000 après avoir négocié avec deux suspects qu’il était censé appréhender en septembre 2019 pour une affaire d’agression.
Lorsqu’il a porté plainte pour brutalités policières et torture, Christopher Pierre-Louis a également déclaré à la police que l’inspecteur Derochoonee lui aurait réclamé de l’argent. «Je suis en possession de preuves et d’enregistrements. Il m’avait réclamé Rs 40 000 et je lui avais déjà remis la moitié. Se bann zafer ki bizin arete. Les policiers corrompus doivent être sanctionnés. Ils ne doivent plus exercer ce métier. Sa bann ki finn arete-la, zot ki bat pli boukou. Selman, zot pa ti tousel», soutient Christopher Pierre-Louis. «J’espère que la police fera le nécessaire au plus vite.»
Ce qui laisse perplexe, c’est qu’une clé USB contenant lesdites vidéos avait été remise au Central Criminal Investigation Department en 2019 mais les enquêteurs n’ont jamais donné suite à cette affaire.
Cette arme est prohibée sur le sol mauricien, même si certains membres de la force policière en ont fait fi. Contactée à ce sujet, la cellule de communication de la police (PPO) est restée injoignable. Toutefois, le responsable du PPO, l’inspecteur Shiva Coothen, a confirmé, dans une déclaration faite à la presse, que l’utilisation du Taser par la police est interdite et n’est pas inscrite dans les Standing Orders de la police.
Ainsi, selon le Firearms Act de 2006, le fait d’être en possession d’un Taser constitue un délit et est passible d’une forte amende et d’une peine d’emprisonnement. D’où une enquête pour savoir où les policiers figurant dans les vidéos de torture en circulation se sont appropriés des Tasers, même si certains laissent entendre que les officiers de la CID de Terre-Rouge accusés dans cette affaire de torture avaient saisi 138 Tasers en 2018, à bord d’une voiture.
De quels outils de travail la police dispose-t-elle ? Quand peut-elle faire usage de la force ? «Le tonfa baton, le revolver, qui d’ailleurs nécessite une signature pour qu’un policier l’ait en sa possession, et les menottes, sont les outils dont disposent les policiers dans l’exercice de leurs fonctions. Les armes comme le Taser sont formellement interdites à Maurice et ne font pas partie des armes de la police locale. De plus, dans nos diverses formations, il est toujours clairement stipulé que la police doit user au minimum de la force. Les tortures sont interdites. Même l’utilisation du revolver, c’est pour des situations précises», précise un ancien membre de la force policière, qui compte plus de 20 ans de service. «Ces vidéos sont désolantes et j’espère que l’enquête sera menée à bien car cela entache l’image de la police alors qu’elle doit non seulement faire respecter la loi mais aussi agir de sorte à avoir la confiance de la population.»
Textes : Elodie Dalloo et Valérie Dorasawmy
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