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Vidya Charan : «Les Mauriciens doivent procréer avec responsabilité…»

1 septembre 2015

Vidya Charan : «Les Mauriciens doivent procréer avec responsabilité…»

Que signifie le terme «vieillissement de la population» ?

 

Le vieillissement de la population, c’est quand un pourcentage important de celle-ci a dépassé l’âge de la jeunesse et se situe maintenant dans la tranche d’âge de 60 ans et plus. Une proportion importante de la population est donc en train de se glisser dans cette tranche d’âge. Les personnes qui ont atteint cet âge commencent généralement à avoir des problèmes de la vision, de surdité, et arrivent difficilement à avoir le même rythme de travail. Certaines commencent aussi, à cet âge, à avoir des problèmes de gériatrie. Donc, économiquement parlant, la productivité commence à baisser. C’est pour cela que la retraite est généralement recommandée à cet âge.

 

D’où vient ce constat ? Pouvez-vous nous avancer quelques chiffres ?

 

En 1950, nous avions 205 millions de personnes âgées de 60 ans et plus dans le monde et, en 2012, le chiffre est passé à 810 millions. Maurice n’est pas passée à côté, car nous faisons le même constat. D’après les chiffres publiés par le ministère de la Santé et de la qualité de la vie dans son Family Planning & Demographic Year Book, les personnes ayant moins de 15 ans tournent autour de 20,3 % et la population ayant 60 ans et plus tourne à 13% et atteindra la barre de 30 % en 2050.

 

Qu’est-ce qui explique cela ?

 

Nous avons une baisse dans le taux de fertilité, qui est à 1,4 %. Donc, le nombre de naissances a diminué comparativement à 1962, quand le taux était de 5,86 %. L’espérance de vie s’est améliorée, car une femme peut vivre jusqu’à l’âge de 77 ans et un homme jusqu’à 70 ans. L’espérance de vie a augmenté parce que nous avons un service de santé gratuit à la portée de la population. L’État a continué à soutenir la population en termes d’État-providence et donc la nourriture est accessible. L’éducation gratuite l’est aussi. Et la pension de vieillesse est dispensée. 

 

Quels sont les dangers du vieillissement de la population ?

 

Une population vieillissante représente des défis pour le bon fonctionnement de l’économie. Cela peut avoir une répercussion sur la croissance. On peut constater également des problèmes d’ordre social par rapport à la stabilité et l’équilibre démographique, ce qui aura un impact direct sur l’individu et la famille. Une société vieillissante a besoin d’autres types d’attentions. Ces personnes seront à la recherche de réconfort et d’accompagnement. L’organisation de notre système de transport devra alors être revue. Les vieilles personnes ont des problèmes pour être accommodées dans le transport public, surtout aux heures de pointe. Comment le pays va-t-il soutenir la pension universelle s’il n’y a pas suffisamment de personnes qui travaillent et qui contribuent à l’épanouissement de l’économie ?

 

Comment faire pour renverser cette tendance ?

 

Il faut comprendre que le vieillissement, c’est un processus naturel et tout le monde doit passer par là. Il faudrait ainsi revoir notre politique de planification familiale pour ramener le taux de fertilité, qui tourne autour de 1,4 %, à un taux de remplacement à 2,1 %. Il faudra inciter les couples qui sont en bonne santé et qui ont les moyens de concevoir à avoir des enfants. Je précise bien que c’est un conseil et on ne peut pas forcer quelqu’un à avoir plus d’enfants. Mais il faut bien comprendre qu’il faut toujours deux personnes pour concevoir. Or, si tout le monde commence à ne pas avoir d’enfant ou seulement un enfant, qu’adviendra-t-il de la famille et de la société ? Cela dit, on n’encourage pas les gens considérés comme vulnérables et pauvres, et qui ont déjà plusieurs enfants, à en avoir plus. Je pense que le message est clair.

 

Il faut aussi qu’on prépare la population à comprendre les effets de la population vieillissante et quelle est sa responsabilité. On doit impérativement revoir notre politique de migration également. Toute personne ayant bénéficié de l’État-providence, de l’éducation et de la santé gratuite, et ayant émigré, devrait retourner aux pays, au moins pour un certain temps, afin de pouvoir soutenir les autres membres de la famille. La pension universelle doit être maintenue pour pouvoir donner une meilleure qualité de vie aux personnes âgées.

 

Qu’est-ce qui explique qu’il y a de moins en moins de naissances ?

 

Il y a plusieurs facteurs qui ont contribué à une baisse des naissances. Aujourd’hui, beaucoup de personnes savent utiliser la contraception. L’âge pour se marier est de plus en plus retardé. Davantage de personnes préfèrent aussi se consacrer à leur carrière avant de penser au mariage et à fonder une famille. Il y aussi celles qui ont des problèmes de santé et qui n’arrivent pas à concevoir. Et, bien sûr, il ne faut pas oublier que les femmes sont éduquées et qu’elles travaillent. Ainsi, elles ont moins d’enfants pour pouvoir répondre aux exigences de l’emploi.

 

En clair, les Mauriciens doivent faire des bébés, c’est ça ?

 

Il faut plutôt dire que les Mauriciens ont la responsabilité de bien gérer leur famille. Il ne s’agit pas seulement de faire des bébés, car ce message peut être mal interprété par certains. Les Mauriciens doivent procréer avec responsabilité pour qu’il y ait un renouvellement de la population afin de soutenir le développement familial, culturel, social et économique.

 

Beaucoup mettent en avant la cherté de la vie pour expliquer pourquoi ils n’ont pas plus d’enfants. Votre avis…

 

C’est une raison valable qu’on ne peut pas ignorer. La pauvreté est un facteur qui doit être considéré. En même temps, cela ne devrait pas devenir un argument trop facile parmi les gens aisés qui ont seulement un enfant ou qui n’en ont pas, et qui ne veulent pas prendre la responsabilité d’être parents, car ce n’est pas facile d’élever et d’instruire un enfant.

 

Que fait votre organisme par rapport à ce problème ?

 

Nous conscientisons toujours la population par rapport à sa santé sexuelle et reproductive, et nous offrons de la contraception. Nous travaillons avec d’autres partenaires pour pouvoir atteindre les gens qui vivent dans une situation précaire et qui ont beaucoup d’enfants afin qu’ils utilisent une méthode de contraception efficace pour le contrôle des naissances. Nous avons des sessions d’information et d’éducation par rapport à la sexualité et nous sommes présents dans certaines écoles pour responsabiliser les jeunes quant aux grossesses précoces. Nous aidons également les gens à réfléchir au problème de vieillissement de la population.

 


 

Bio express

 

«J’ai évolué comme Social Worker pour me professionnaliser dans le domaine. Puis je me suis lancée dans le business et, finalement, j’ai atterri à la Mauritius Family Planning & Welfare Association (MFPWA)», explique Vidya Charan, la directrice de la MFPWA en parlant de son parcours. 

 

Au fil des années, elle gravit les échelons et cumule les responsabilités. Son parcours scolaire est aussi exemplaire: «J’ai passé mon enfance dans le village de Mare-d’Albert, j’ai été à l’école primaire de la localité et j’ai fréquenté le collège Lorette de Curepipe. Depuis mon adolescence, je suis très active dans le social, notamment au niveau du conseil de mon village.» Vidya Charan fait ensuite ses études supérieures à l’université de Maurice, entre autres.

 


 

Ma semaine d’actu

 

Quelle actualité locale a retenu votre attention ces derniers temps ?

 

J’ai suivi avec beaucoup d’attention le discours du Premier ministre Sir Anerood Jugnauth par rapport à la relance économique. C’est un discours plein d’espoir et qui semble prometteur. Il faudrait faire beaucoup d’efforts pour arriver à rendre cela réalisable.

 

Et sur le plan international ?

 

J’ai suivi de près les secousses qu’a connues la Bourse de Shanghai. Ce sont des actualités qui peuvent avoir une incidence sur notre pays.

 

Que lisez-vous actuellement et pourquoi ?

 

Je lis actuellement Ageing in the 21st Century: a Celebration and a Challenge parce que c’est le domaine dans lequel j’évolue.

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