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Par Elodie Dalloo
31 mai 2022 03:30
Semaine après semaine, c’étaient surtout des cas d’agression entre adultes qui étaient rapportés. Mais depuis peu, une recrudescence inquiétante d’actes de violence graves chez les mineurs a aussi été constatée. Ces agressions surviennent essentiellement dans les établissement scolaires autrefois considérés comme des sanctuaires protégés au service de l’épanouissement et de l’éducation des enfants. En l’espace de deux semaines, pas moins de cinq parents s’en sont remis aux autorités après que leurs enfants, agressés par leurs camarades, ont subi de graves blessures. Certains ont même dû subir une intervention chirurgicale. Entre stress, colère et inquiétude, ces parents tourmentés et dépassés ne savent plus à quel saint se vouer pour assurer la sécurité de leur progéniture.
Le cas de Krish*, 16 ans, interpelle. Le dimanche 22 mai, sa mère s’est rendue au poste de police de leur localité pour porter plainte car il avait été agressé deux jours plus tôt dans son collège. L’anxiété s’entend dans le ton de la voix de cette trentenaire, que nous avons contactée. «Zordi li mo zanfan me demin li kapav ariv ninport ki», lâche-t-elle, encore sous le choc. «Nous, parents, envoyons nos enfants à l’école pendant que nous travaillons en les pensant en sécurité. Mo garson inn al lekol an bonn sante, pou ki apre li vinn dir mwa ki linn gagn 25 kout sez dan so latet ! Mon fils a failli y laisser la vie ! Où se trouvaient ses enseignants lorsqu’il a été agressé ?» s’interroge-t-elle. Plus d’une semaine après son agression, Krish n’a pas encore repris l’école. «Je n’ai pas envie qu’il s’y rende. Je ne sais pas s’il y sera en sécurité à l’avenir.»
L’agression de cet étudiant remonte à la matinée du jeudi 19 mai. «Je me préparais pour me rendre au travail lorsque mon époux m’a appelée pour me dire que notre fils s’était blessé. Il l’avait appris de ses enseignants. Je me suis immédiatement rendue sur place vu que j’habite à côté.» Une fois là-bas, c’est le choc : «Monn trouv bann profeser pe tini li. Li ti ena plin disan lor so linz. Je me suis approchée et j’ai constaté qu’il avait de graves blessures à la tête. Je les ai questionnés et ils m’ont appris qu’il y avait eu une bagarre. Je n’ai pas compris pourquoi aucun enseignant n’était présent à ce moment-là. Cela s’est pourtant produit pendant ses heures de classes.» Elle s’est d’abord rendue à l’hôpital, accompagnée d’un membre du personnel de l’établissement. «Zot inn dir mwa ki so lezo inn kase kot so nene. Disan pa ti pe aret koule. Il a reçu cinq points de suture à la tête et je l’ai ensuite conduit à la clinique. Li ti bizin opere parski so lezo ti kase an trwa bout.»
Ce n’est qu’au bout de deux jours que l’adolescent a pu rentrer chez lui. Ce lundi 23 mai, un officier de la brigade criminelle l’a rencontré, en présence de ses parents, pour recueillir son témoignage. «Ils nous ont expliqué que la Brigade pour la protection des mineurs et la Child Development Unit nous contacteraient pour la suite de cette affaire, mais nous sommes toujours dans l’attente.» Elle déplore également que son fils n’ait toujours pas bénéficié d’une rencontre avec un psychologue suite à son agression. Entre-temps, son époux a rencontré le recteur de l’établissement scolaire concerné pour des explications. «Ils nous ont assuré qu’un comité disciplinaire se rencontrerait pour décider de la marche à suivre mais nous n’avons toujours pas été informés de ce qui a été décidé. Cet élève sera-t-il sanctionné ? Sera-t-il transféré ? Il y va là de la sécurité de nos enfants ! S’ils ne prennent pas les dispositions nécessaires, à l’avenir on me demandera de venir récupérer le cadavre de mon fils !»
Cette agression, dit-elle, est survenue pour une raison banale. «Mon fils m’a dit que son ami lui a lancé un morceau de papier au visage et que cela lui a déplu. Il l’a menacé de lui balancer son sac s’il ne s’arrêtait pas. Mon enfant est ensuite sorti de sa classe et en revenant, il a constaté que son camarade avait vidé son sac et éparpillé ses effets personnels dans la salle de classe. Il a dit à son ami qu’il allait en faire de même avec son sac et pendant qu’il ramassait ses affaires, celui-ci est venu derrière lui et l’a agressé à la tête avec une chaise en métal.»
C’est pour une raison tout aussi banale qu’une autre agression est survenue dans un autre établissement scolaire, le même jour. Alexandre*, un adolescent de 17 ans, a également dû être hospitalisé après avoir été agressé par l’un de ses camarades de classe. D’après sa mère, l’adolescent avait changé d’établissement scolaire au début de l’année et s’était adapté à son nouvel environnement. «Il s’entendait bien avec ses enseignants, ses amis ; tout se passait bien jusqu’à ce jour. Il n’avait pas rencontré de problèmes jusqu’ici.» Ce jour-là, cette maman se trouvait sur son lieu de travail lorsque son fils l’a contactée pour lui demander de venir le récupérer. «Je l’ai questionné et il m’a dit qu’il y avait eu une bagarre et qu’il devait se rendre à l’hôpital. J’ai ensuite contacté le collège pour me renseigner auprès du Section Leader. Il m’a confirmé qu’il y avait bel et bien eu une dispute mais que mon fils allait bien. Je ne me suis donc pas rendu sur place.» Dans l’après-midi, à leur domicile, notre interlocutrice raconte avoir constaté les blessures de son fils. «Il avait la mâchoire et l’oeil enflés, et avait des douleurs aux côtes.» Ce n’est, cependant, que le lendemain qu’elle l’a conduit à l’hôpital et s’est rendu compte de la gravité de ses blessures.
Il était prévu qu’Alexandre subisse une intervention chirurgicale à l’hôpital ce lundi 23 mai, mais vu qu’il avait du mal à respirer durant le week-end, ses parents l’ont conduit d’urgence à la clinique et il y a été admis. «Je me suis rendu au poste de police pour consigner une déposition et demander un PF 58 sur les recommandations du médecins», indique la mère de l’adolescent. Ce dernier a expliqué aux enquêteurs que la bagarre est survenue à cause d’un ballon de football. «Mon fils m’a dit qu’il est intervenu quand un élève s’en est pris à son ami quand celui-ci lui avait demandé d’arrêter de jouer au ballon devant leur salle de classe. Un peu plus tard, le même jour, cet élève s’est vengé et a bousculé mon fils qui est tombé au sol ; le garçon lui a alors donné des coups de pied à l’abdomen. Mon fils s’est relevé avec beaucoup de difficulté et a reçu un violent coup à la mâchoire.»
Ce mardi 24 mai, Alexandre a subi une intervention chirurgicale. Il a été autorisé à sortir de la clinique deux jours plus tard. «Il n’a pas encore repris l’école. Pour le moment, il ne peut rien avaler d’autre que de la purée.» L’adolescent devra également voir le médecin à nouveau pour les coups reçus aux côtes. «Physiquement, il va légèrement mieux mais il s’inquiète pour le retard que cela engendra dans son année scolaire. L’école lui manque, ainsi que ses amis, mais son état de santé ne lui permet pas de s’y rendre pour le moment.»
Les écoles primaires n’ont pas, non plus, été épargnées. Ce mardi 24 mai, Pallavee*, 11 ans, une élève de Grade 6, a été agressée par ses camarades. Les faits se sont d’abord produits à l’heure du déjeuner, dans sa salle de classe, jusqu’à ce que ses enseignants interviennent. Mais à la fin de la journée, ces mêmes élèves auraient suivi Pallavee dans la rue pour l’agresser. «Lorsque je suis rentré du travail, j’ai vu ma fille en larmes. Elle m’a raconté que six élèves l’avaient giflée et lui avaient tiré les cheveux», raconte le père de l’élève. Ne voulant pas aggraver la situation, il a d’abord tenté d’en parler aux parents des enfants concernés. «Certains d’entre eux ont compris la gravité de la situation, mais d’autres m’ont injurié. Je n’ai eu autres choix que de porter plainte.» Questionnée par les policiers, la fillette leur a expliqué que ses camarades de classe s’étaient disputés avec l’une de ses amis. C’est pour cette raison qu’ils s’en seraient pris à elle également. «J’ai déjà rapporté les faits auprès de l’établissement scolaire mais on ne m’a même pas indiqué si des sanctions allaient être prises. Mo tifi tromatize. Li per pou al lekol. Mo espere zot pran bann aksion ki bizin pou ki sa pa vinn pli grav.»
Leurs questions sont multiples : «Est-ce que le ministère de l’Éducation a prévu d’agir après autant d’agressions ?» s’interrogent les uns ; «Mon enfant est-il en sécurité à l’école ou dans la rue ? Que feront les autorités pour mieux les protéger ?» se demandent d’autres. Ils espèrent que le traumatisme vécu par leur enfant pourra, au moins, leur démontrer l’urgence de prendre des actions.
(*Prénoms modifiés)
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