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Violences domestiques

29 juin 2015

Elle a dû subir une délicate intervention chirurgicale après son agression.

Elle vit l’enfer. Elle s’appelle Tania, elle a 24 ans, elle est enceinte d’un mois et a été  sérieusement brûlée sur plusieurs parties de son corps, dont le décolleté, les seins, les bras, le ventre et les pieds. Elle ne sait même pas si l’enfant qu’elle porte survivra à cette agression dont elle dit avoir été victime de la part de son compagnon qui l’aurait aspergée d’un produit inflammable avant de craquer une allumette et de la lancer sur elle. Pour l’instant, la jeune femme se bat pour s’en sortir, pour elle, pour ses deux jeunes enfants, pour le bébé qu’elle porte en son sein. Consciente qu’elle aurait pu y laisser la vie. Comme beaucoup de femmes avant elles à Maurice.

 

Car oui, elles sont nombreuses à avoir péri de la sorte dans notre petite île, brûlée par leur conjoint. Il y a eu notamment Zarina Goolamgoskhan, Shirley Doobraz et Alissa l’Aiguille, pour ne citer que celles-là. Presque chaque année, au moins une femme meurt suite à ce genre de barbarie dans l’île. Avant de succomber, quelques victimes arrivent à désigner leur agresseur et à raconter le drame à la police. Mais tel n’est pas le cas pour toutes celles qui subissent ce genre d’attaque. Car certaines plongent aussitôt dans un état comateux après leur agression, avant de rendre l’âme.

 

Dans ce cas de figure, surtout en l’absence de témoin susceptible de faire éclater la vérité et par manque de preuves scientifiques, le coupable ne paye pas pour son crime. Toutefois, pour celles qui s’en sortent, la reconstruction physique et psychique relève parfois du domaine de l’impossible pour diverses raisons. Parmi, le regard des autres et la peur d’être vues comme des monstres, car elles sont souvent complètement défigurées.

 

«Par amour»

 

Force est de constater que les raisons qui poussent les agresseurs à commettre ces violences envers les femmes sont souvent les mêmes, dont les plus courantes sont le refus d’accepter une séparation ou un simple soupçon d’infidélité. Comme en témoigne hélas le cas de Tania. C’est la gravité de son état de santé qui l’a, cette fois, encouragée à porter plainte contre son agresseur. Car Tania affirme qu’elle était une femme régulièrement battue, mais qui «par amour» n’a jamais fait de déposition contre son bourreau.

 

Assise sur son lit aux unités des grands brûlés de l’hôpital de Candos, Tania tremble de tout son être. Vêtue d’une robe de chambre fleurie qui laisse entrevoir le tube de sa sonde urinaire, la peur se lit sur le visage de la jeune femme, tant elle est traumatisée par ce qui lui est arrivé. Les cheveux tressés et ramenés en arrière, elle fixe du regard la porte d’entrée de la salle où elle est admise. «J’attends mes proches», dit-elle timidement, la voix entrecoupée de sanglots. «J’ai mal partout. Mon compagnon m’a brûlée et a détruit ma vie» Dans la nuit du 30 mai, elle a cru que sa dernière heure était arrivée.

 

Lors d’une dispute avec son concubin, Saul Létendrie, un habitant de Cité Vuillemin, Quartier-Militaire, âgé de 32 ans, celui-ci l’aurait aspergée d’un produit inflammable avant de lancer une allumette sur elle. Transformée en torche vivante, Tania sort en courant de la maison et se jette dans une flaque d’eau boueuse pour éteindre les flammes qui la consument. Hurlant de douleur, elle supplie son compagnon de la conduire à l’hôpital. «Mais il se moquait de moi. Il me disait qu’il m’avait brûlée pour voir ma réaction. Au même moment, son cousin qui vit dans la même cour a entendu mes appels à l’aide et est venu à mon secours. C’est lui qui a sollicité l’aide de quelqu’un pour me conduire à l’hôpital», raconte la jeune femme.

 

Menaces

 

À l’hôpital, poursuit Tania, son compagnon aurait affirmé au médecin chargé de l’examiner qu’il s’agit d’une brûlure accidentelle. «Il m’avait menacée de me faire encore plus de mal si je disais la vérité. J’avais tellement peur que je l’ai laissé raconter ce qu’il voulait. Ce n’est que plus tard que j’ai pu dire ce qui s’était réellement passé à la police.» Car cette fois, c’en est trop pour la jeune femme. Saul Létendrie a été arrêté et accusé provisoirement de tentative de meurtre. Il demeure en détention policière.

 

Tania, elle, continue de se battre pour sa survie à l’hôpital et a même subi une délicate intervention chirurgicale. Même si elle s’en sort, elle sait qu’elle gardera toujours les traces physiques et psychologiques de son agression et de toutes celles qui l’ont précédée. Car il y en a eu d’autres, assure-t-elle. Beaucoup d’autres, qu’elle a tues «par amour». «Nous nous sommes connus il y a un an et nous nous sommes mis en ménage trois mois après notre rencontre. Au début, tout allait bien. Mais au bout de quelques mois, il m’a montré son vrai visage et a commencé à me battre violemment. Mais je n’ai jamais porté plainte. Il me demandait à chaque fois pardon et me disait qu’il n’allait pas recommencer. Mais il recommençait toujours», relate Tania.

 

Son calvaire se poursuit de plus belle. «Il me giflait, me donnait des coups de pieds, des coups de poings très violents. Je restais chez moi durant des jours, le temps que les bleus disparaissent. Heureusement, je ne travaillais pas, donc je pouvais me terrer à la maison.» Mais le 30 mai, Tania a failli perdre la vie. Et cela a agi comme une douche froide. «Jamais je n’aurais cru qu’il irait si loin», lâche-t-elle, l’air hébété.

 

Les coups pleuvent…

 

Elle revient avec peine sur les circonstances du drame. «Ce soir-là, il me reprochait d’entretenir une relation intime avec son neveu de 12 ans. Mais ce n’est pas vrai. J’ai beau lui dire, les coups ont commencé à pleuvoir. Puis à un moment, il est allé prendre une bouteille qui contenait de la benzine. Il m’a aspergée et a craqué une allumette.»

 

Dans l’entourage de Saul Letendrie, les compliments sont quasi absents à son égard. «Il est très violent, pas qu’avec cette femme, mais avec pratiquement tout le reste de la famille», témoigne une proche sous le couvert de l’anonymat. La mère de l’adolescent de 12 ans, que l’homme soupçonnait d’entretenir une relation intime avec Tania, nous a, quant à elle, déclaré que toute cette histoire n’est que pure invention. «Mes enfants vont à l’école, sont respectueux et fréquentent des amis de leur âge. Ils n’ont pas le temps pour ce genre de choses.» Nous avons aussi rencontré le cousin de Saul Létendrie, celui-là même qui a porté secours à Tania. «J’ai juste entendu des cris et des appels au secours. Quand je suis arrivé, Tania était dans un état que je ne peux pas décrire. Je l’ai transportée à l’hôpital. Mais je n’ai rien vu de ce qui s’est vraiment passé.»

 

Tania, meurtrie physiquement et moralement, revoit, elle, chaque jour, comme dans un cauchemar, l’horreur qu’elle a subie. Dans son regard, un océan de tristesse témoigne de la douleur qu’elle ressent au plus profond de son coeur.

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