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Par Yvonne Stephen
18 avril 2016 02:48
Quelque chose dans sa manche ? Des lapins blancs dans une casserole, des foulards dans sa baguette, des documents compromettants dans sa pochette… Mais que peut bien détenir le magicien du moment, Vishnu le magnifique, pour s’assurer encore une place au sein du gouvernement ? Nombreux sont ceux qui se posent la question. Abracadabra !
Les coups d’éclat du ministre des Finances devenu celui des Affaires étrangères (et étranges !) sont des rendez-vous de passe-passe hebdomadaires : un affidavit à tomber à la renverse, des propos encore plus abracadabrants à l’égard de son ennemi du jour (le ministre de la Bonne gouvernance Roshi Bhadain), des congés prolongés, mais une présence accrue sur les réseaux sociaux (merci à la cape d’invisibilité) pour déverser des paillettes de messages subliminaux…
Malgré tout, Vishnu Lutchmeenaraidoo est encore là, scotché à son maroquin ministériel, alors que Raj Dayal, lui, a été éjecté suite à une incantation de sir Anerood Jugnauth. Le trublion, empêcheur de tourner en rond du gouvernement du moment, aurait-il une armure indestructible afin de contrer les mauvaises vibesde sa bande (qui semble, néanmoins, revenir à de meilleurs sentiments le concernant) ? Une potion de bravoure – recette : un coco, deux morceaux d’asphalte venant d’une croisée et beaucoup d’amour propre ravalé – pour persister et signer (encore et encore) ? Un membre du MSM n’est pas tout à fait de cet avis. Pour lui, il s’agit surtout et avant tout d’une question de bon sens : «Il n’est inculpé de rien, alors pourquoi devrait-il démissionner ? Il faut attendre. Le moment venu, si cela est nécessaire, le Premier ministre lui indiquera la voie à prendre.»
Des rendez-vous à l’Independent Commission Against Corruption (ICAC), avec en supplément des interrogatoires under warningconcernant le prêt en euros contracté auprès de la State Bank of Mauritius (SBM), qui devront se poursuivre cette semaine. La demande de SAJ que le commissaire de police et le directeur des poursuites publiques prennent les actions nécessaires au moment venu dans cette affaire (sans oublier la déclaration du Premier ministre insistant que certaines informations de l’affidavit de son ministre étaient fausses). Les allégations de corruption autour du projet de smart cityà Pailles de la société chinoise Yihai International Investment Management Ltd (projet qui a été gelé)… Un conte de méfaits dont Vishnu Lutchmeenaraidoo doit se dépatouiller en ce moment.
Dans son entourage, on affirme qu’il ne va pas se laisser faire. «Il sait ce qu’il vaut. Il a son honneur et sa fierté. C’est pour ça qu’il a décidé de répliquer. Mais il le fait avec intelligence. Il en fait beaucoup, mais pas trop pour qu’il n’y ait pas de raisons apparentes pour le faire partir définitivement», confie un de ses proches. Pour l’instant, il n’abat pas toutes ses cartes. Dans un jeu de dupe, il s’assurerait d’avoir des munitions jusqu’à la fin. «Il sait des choses sur l’affaire BAI. Il a des documents en sa possession qui sont, à mon avis, assez compromettants pour faire taire sir Anerood Jugnauth pendant un temps. Et puis, le Premier ministre, comme tout le monde le sait, ne veut pas d’une partielle», explique un ancien membre du MSM, prêt à balancer à tout va.
La «punition» de passer des Finances aux Affaires étrangères n’a pas laissé Vishnu Lutchmeenaraidoo de marbre. Néanmoins, ce dernier aurait décidé de ne pas s’apesantir sur ce changement notable pour œuvrer sur un autre front : «S’il tombe, il veut entraîner Roshi Bhadain dans sa chute. Selon lui, si le Premier ministre ne tranche pas en sa faveur, son ennemi ne devrait pas s’en sortir non plus.» Un parti pris visiblement dangereux, surtout que sir Anerood Jugnauth semble ne pas vouloir lâcher le ministre de la Bonne gouvernance.
Toutefois, une donnée non négligeable semble faire pencher la balance magique des politiques : le soutien de Pravind Jugnauth au Lutchmeenaraidoo de sa vie (ou plutôt, selon certaines langues pas sympa, contre le ministre de la Bonne Gouvernance). Le père et le fils ont visiblement choisi deux camps différents. Et le leader du MSM, qui pendant son congé forcé s’occupe à rallier ses troupes en vue d’une prochaine aventure à la tête du gouvernement, n’a pas que sa voix de fils à faire entendre. «Il est le chef de file du parti. Il a son mot à dire. Je pense que SAJ le sait et ne veut surtout pas provoquer une autre crise au sein du MSM», poursuit le membre de ce parti.
Difficile d’imaginer qu’un parti du soleil déjà fragilisé – comme le gouvernement – souffre d’autres bourrasques : «C’est pour ça que le Premier ministre préfère wait and see. Si Lutchmeenaraidoo est inculpé, les choses seront différentes. Il n’y aura pas de discussions possibles. Je ne crois pas qu’il fasse pression sur SAJ.»
En attendant, le ministre des Affaires étrangères tient bon… comme par magie.
Il y était aussi ! Où ça ? À la Commission anticorruption, bien sûr. L’ex-ministre de l’Environnement y a fait un petit tour le vendredi 15 avril pour compléter sa déposition dans le cadre d’une enquête après les allégations du businessman Patrick Soobhany. Il est accusé provisoirement de bribery by public official en vertu de l’article 4 du Prevention of Corruption Act. Il a déclaré que la vérité finira par éclater et que la preuve de son innocence sera faite. Depuis le début de cette affaire et sa démission en tant que ministre à la demande de SAJ, Raj Dayal se dit victime d’un complot.
Tout est… all right ! Les ministres, à la sortie du Conseil des ministres du vendredi 15 avril, le disent. Lors de leurs différentes «activités» d’élus, à l’instar de Nando Bodha lors d’une fonction à la CNT, c’est le même discours. Pourtant, cette semaine était le prolongement de celles qui viennent de s’écouler, avec des échanges à distance entre Vishnu Lutchmeenaraidoo et Roshi Bhadain. Néanmoins, hier, samedi 16 avril, le ministre des Affaires étrangères a changé de ton et a parlé d’amour. Lors du séminaire que son nouveau ministère a organisé au Sofitel Imperial, il s’est fait tout doux : «J’ai beaucoup d’amour en moi. On ne peut pas avoir d’amertume si on a de l’amour en soi. L’amour est basé sur la compassion, le pardon, le fait que nous sommes tous un. Vous avez remarqué une chose : je ne juge pas, je ne critique pas et je ne condamne pas.»
Un changement drastique pour celui qui accuse son collègue du gouvernement de complot et de méthodes dignes du KGB ! La zen attitude de Roshi Bhadain à la sortie du Conseil des ministres, le vendredi 15 avril, l’aurait-il influencé ? Peut-être, peut-être pas. Le ministre de la Bonne gouvernance avait déclaré : «Critiquer un collègue ministre, c’est une façon de manquer de respect au Premier ministre.»Il a également parlé de collective solidarity,tout en envoyant une pique : «Mo pena problem mwa, mo pann pran loan.»
Le jeudi 14 avril, les propos étaient plus pimentés. À son arrivée à l’ICAC, pour la suite de son interrogatoire, Vishnu Lutchmeenaraidoo a lancé : «Roshi Bhadain a voulu prendre ma place et me tuer politiquement. Linn pran enn ros ek linn pil li lor mwa kan mo ti malad.» Le principal concerné n’a pas tardé à répliquer sur son compte Facebook, de retour de son voyage en Inde : «On the flight back, I came across this interesting quote from Barack Obama : “In the face of impossible odds, people who love this country can change it.” This is so true for us also. We have been elected to work hard for our beloved country and this we shall do.»
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