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15 août 2021 13:17
S’il y a bien une discipline sportive qui fait parler d’elle en mal en ce moment, c’est le football. La preuve, cette semaine, avec un scandale de voyeurisme qui vient ternir l’image du pays. De plus, la coïncidence veut que des démissions s’ajoutent à la polémique, témoignant ainsi d’un malaise qui ronge ce qui, jadis, était considéré comme le sport roi. Un ou des «bay louke» sévirait/aient dans les locaux de la MFA pour épier des femmes aux toilettes. L’affaire suscite l’indignation dans plusieurs sphères et l'inquiétude dans la communauté des footballeuses (voir plus loin).
Tout commence lundi, avec une rumeur qui devient de plus en plus persistante au fil de la journée. Le secrétaire général de la Mauritius Football Association (MFA), Didier Pragassa, aurait soumis sa démission. Cet ancien journaliste avait été parachuté à ce poste par le président de la MFA, Samir Sobha, en 2014, avec la bénédiction du comité directeur de la fédération. Malgré les multiples appels téléphoniques des journalistes, la MFA ne communique rien sur cette rumeur.
La secrétaire administrative de la MFA, Mila Sinnasamy, aussi directrice administrative du développement du football féminin, s’était rendue au poste de police de Rose-Hill le mardi 10 août pour consigner une déposition. Elle allègue avoir découvert, le 30 juillet, un téléphone en mode video recording dans les toilettes des femmes se trouvant dans le bloc administratif de la MFA. Elle informe l’assistant-secrétaire général de la MFA, Nazeer Bhowud, de cet incident. Ce dernier lui demande de rédiger une plainte pour une enquête interne. Ne voyant rien venir depuis, elle consigne sa déposition pour dénoncer cette affaire de voyeurisme.
Ce scandale fait l’objet d’une réunion d’urgence du comité exécutif de la MFA, avec des membres tirés sur le volet. L’agenda du jour est : serious allegations following the discovery of a mobile phone in the women toilet at the MFA. Cette réunion a lieu l’après-midi mais aucune information n’est communiquée sur les discussions. Vers 18 heures, le même jour, la MFA sort de son silence pour émettre un communiqué, annonçant la démission de son secrétaire général, sans fournir les raisons. C’est Nazeer Bhowud qui va assumer l’intérim. Dans les médias, la MFA évoque des problèmes de santé de son ex-SG.
De fil en aiguille, on comprend que ce scandale «bay louke» à la MFA couve depuis plusieurs jours, puisque la découverte d’un téléphone dans les toilettes des femmes remonte au 29 juillet, avec des plaintes de cinq employées, tandis que le secrétaire général de la MFA avait soumis sa démission le 3 août. Selon Barlen Sengayen qui a, lui aussi, soumis sa démission le vendredi 13 août (voir en hors-texte), le président de la MFA aurait déclaré, dans une réunion en date du 10 août : «Mwin ou koze, pou pli bon pou ou.»
L’enquête policière démarre avec la version des faits de plusieurs employées de la MFA. Didier Pragassa et Nazeer Bhowud ont également été entendus par les enquêteurs. Ces derniers ont visité les locaux de la MFA en fin de semaine et l’interrogatoire du président de la fédération est à venir. Le scandale «bay louke» témoigne que la chasse d’eau mérite d'être tirée sur tous ceux qui ne sont pas dans le football pour son développement et sa promotion.
La MFA essuie un autre départ, celui de Barlen Sengayen, comme membre du comité exécutif dans le sillage du scandale «bay louke». S’il ne veut pas commenter ce départ pour l'heure, il confie que d’autres développements sont à venir dans les prochains jours. Ce serait la réunion de mardi dernier, à la MFA, qui aurait motivé son départ de Trianon. Dans un courriel adressé, le vendredi 13 août, à l'ensemble des membres de la MFA pour leur informer de sa démission, Barlen Sengayen reproche à la MFA d’avoir invité l’avocat portant les initiales A. L. et il énonce aussi plusieurs autres points qui l’ont poussé à quitter le navire.
Il déplore également cette phrase qu’aurait prononcée Samir Sobha, le président de la MFA, au début de la rencontre : «Mwin ou koze, pou pli bon pou ou. Ena enn homme de lwa isi la.» Il déplore que certains membres du comité directeur de la MFA n’ont pas été invités à cette réunion d’urgence et reproche au président Samir Sobha d’avoir fait un enregistrement audio de l’Emergency Committee à l’insu de ceux présents.
Ont-elles été filmées à leur insu dans des toilettes ? C’est la question que se posent beaucoup de footballeuses qui fréquentent les locaux de la MFA, plus précisément le centre technique. D’autant que certaines langues parlent d’un incident qui aurait eu lieu dans un passé pas trop lointain. Comme l’allèguent certains, est-ce qu’un employé de la MFA a été licencié pour attouchements allégués sur une footballeuse ? Plusieurs parents, sous le couvert de l’anonymat, sont aussi angoissés car de nombreuses footballeuses sont mineures et forment l’ossature des pré-sélections U17 et U15. Ces dernières ont été invitées à reprendre des entraînements en vue d'éventuels tournois en décembre.
Quelle mauvaise pub pour le pays ! La presse internationale s’est emparée de cette affaire, à commencer par le célèbre journal britannique The Guardian, dans sa version en ligne, qui est l’un des plus lus au monde avec quelque 150 millions de visiteurs par mois. Sous la plume d’Ed Aarons et de Romain Molina, l’affaire est relatée de long en large avec l’ouverture d’une enquête policière. L’info a ensuite été reprise par France Info, BFM TV ou encore RMC Sport. Ce n’est pas tout, puisque Romain Molina, qui est journaliste d’investigation, tout en collaborant avec plusieurs grands médias du monde, et a révélé des abus sexuels au sein de la fédération haïtienne de football, consacre une vidéo sur sa chaîne YouTube à cette affaire. Il ne ménage pas les responsables de la MFA.
Le ministre Stéphane Toussaint annonce que son ministère a initié une enquête : «Nous condamnons sévèrement ce qui s’est passé. Une enquête sera faite pour trouver les coupables. Je lance une mise en garde à la MFA et à toutes les fédérations. Ce genre de choses que nous n’allons pas tolérer ne peut arriver. J’espère de tout cœur que le président de la MFA prendra ses responsabilités.» Il annonce une rencontre avec les dirigeants des clubs cette semaine pour décider de la marche à suivre.
Même si cette affaire ne concerne pas directement ce ministère, on suit avec attention la suite des événements. C’est ce que nous a confié une source autorisée du ministère que dirige Kalpana Koonjoo-Shah. «Nous suivons cette affaire de près. Il y a une enquête policière en cours et nous allons accorder tout le soutien nécessaire aux victimes, au cas où nous sommes mandatés pour le faire», nous dit-on.
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