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Yannick Cornet, militant écologiste : «Allons-nous vers un autre scandale du type amiante ?»

24 février 2015

L’éco-ciment (35 % de cendre de charbon, 10 % de chaux et 25 % de ciment) devrait débarquer à Maurice si l’entreprise qui la commercialise obtient tous ses permis. Qu’en pensez-vous ?

 

Pour se prononcer, il faudrait avoir plus d’informations sur le projet. Utiliser la cendre de charbon est quelque chose qui se fait à l’étranger. Néanmoins, il y a beaucoup de mesures de contrôle mises en place. C’est une opération faite avec beaucoup de rigueur. Car il ne faut pas oublier que la cendre de charbon contient des métaux lourds tels que le plomb, l’arsenic, le mercure et de l’uranium radioactif. Ces substances ne sont pas complètement éliminées. Elles sont présentes, mais à un niveau acceptable.

 

À ce jour, nous n’avons pas suffisamment de retour d’expérience dans ce domaine. Comment alors répondre à cette question ? Allons-nous vers un autre scandale du type amiante ? Si la quantité des métaux lourds présente est acceptable, est-ce que le danger existe lors d’une exposition permanente aux substances ? Autant de questions auxquelles la science devra trouver des réponses dans les années à venir.

 

Quelles sont les raisons pour lesquelles la présence de la cendre de charbon dans le ciment utilisé pour construire une maison, n’est pas forcément une bonne idée ?

 

Le fait qu’il y ait des métaux lourds dans ces cendres et une possibilité de radioactivité, laisse penser qu’il y a un danger pour la santé humaine, car les occupants des maisons y seront exposés en permanence. Si le promoteur peut fournir un rapport d’analyse qui prouve que les cendres utilisées contiennent un taux de charbon bien inférieur à ce qu’autorise la loi environnementale, il est impossible de contester son utilisation. L’entreprise sera dans les normes. Mais je suis d’avis qu’il serait plus sage d’éviter l’utilisation du charbon dans les maisons, car le risque zéro n’existe pas. Dans les bâtiments qui utiliseront ce genre de matériaux, une série d’analyses devront être effectuées sur une longue durée afin de surveiller les émissions produites par ce ciment. Mais est-ce que ce sera le cas ?

 

En mode «think green», le recyclage du charbon serait une bonne chose, estiment des chercheurs de l’université de Nouvelle-Galles du Sud. En intégrant les cendres de charbon dans les matériaux de construction, cela permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre, associées au secteur du bâtiment à 20 %, selon leurs conclusions. Cela en vaut-il la peine ?

 

Le recyclage du charbon est nécessaire, car on se retrouve, aujourd’hui, avec d’immenses bassins de stockage de cendres à travers le monde. Et il existe des risques pour l’environnement s’il y a rupture du bassin de rétention. Le recyclage permettrait donc de résoudre la problématique de stockage des cendres, tout en réduisant la consommation de ciment traditionnel. Par conséquent, celle de la consommation énergétique globale de l’industrie du ciment. C’est la seule alternative envisageable. Aucune étude ne vient dire que l’usage de la cendre de charbon n’est pas bon. Néanmoins, il faut que toutes les conditions soient réunies afin que la dangerosité du produit soit contrôlée.

 

Du ciment de cendre de charbon à la brique de cendre de charbon, il n’y a pas qu’un pas. Elle est déjà utilisée dans plusieurs pays. Quels en sont les risques – s’il y en a ?

 

Les risques sont identiques à ceux de l’utilisation du charbon comme additif au ciment. 

 

Si le danger zéro n’existe pas, ne peut-on pas recycler le charbon autrement ?

 

Il n’existe pas beaucoup de façons de recycler les déchets du charbon. La solution la plus verte reste de l’utiliser comme additif au ciment et ses produits dérivés.

 

Même si vous craignez un «autre scandale du type amiante» ?

 

Il n’y a pas d’autre choix. Et les écologistes sont obligés de s’en accommoder, même s’ils exigent que l’utilisation de la cendre de charbon se fasse de façon rigoureuse.

 

De plus en plus de pays abandonnent le charbon comme source d’énergie. Pensez-vous que Maurice prend la même direction ?  

 

Maurice a démontré une politique de transition énergétique dans le discours-programme. Il est question d’encourager un mélange d’énergies vertes et de technologies de combustibles fossiles propres. Ce serait un grand pas pour le pays ! Il faut rappeler que notre île est un état insulaire et qu’une utilisation maximale de nos ressources internes aiderait à diminuer notre dépendance aux énergies fossiles.

 

Quelles sont les autres énergies auxquelles nous pourrions faire appel ?

 

Le soleil, le vent et les marées sont des énergies dont le pays dispose en abondance et qui peuvent être utilisées à grande échelle. Maurice pourrait utiliser l’expérience acquise par nos voisins réunionnais dans ce domaine pour l’adapter à notre contexte.

 


 

Bio express

 

Il est incollable sur les questions environnementales ! Yannick Cornet, ingénieur-maître en électronique et instrumentation, a longtemps lutté aux côtés des membres de la Plateforme citoyenne dans le combat contre l’utilisation du charbon pour produire de l’électricité. Cette formation éco-citoyenne a vu le jour suite au projet de centrale à charbon de CT Power à Pointe-aux-Caves. Ce militant écologiste, qui a rejoint les rangs du PMSD avant les dernières législatives, estime que cette centrale ne verra pas le jour.

 

 


 

Ma semaine d’actu

 

Quelle est l’actualité locale qui a retenu votre attention ?

 

Le décompte du contenu des coffres-forts et valises trouvés chez l’ancien Premier ministre. Cela soulève de nombreuses interrogations sur la provenance de cet argent et pousse à une réflexion plus profonde. 

 

Que lisez-vous actuellement ?

 

Je lis les journaux et/ou les magazines d’actualité nationaux et internationaux. Pas de livre.

 

Quel événement international retenez-vous depuis le début de l’année ?

 

Les attentats de Paris m’ont extrêmement choqué, car l’on s’est attaqué à l’un des piliers de la société française : sa liberté d’expression. Même si celle de Charlie Hebdo était «limite», cela ne donnait pas le droit à quiconque de tuer. Si on n’est pas d’accord avec les prises d’opinion de quelqu’un, il y a d’autres choses à faire.

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