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Par Elodie Dalloo
1 mars 2020 23:25
Un beau gâteau d’anniversaire, des bougies et de la bonne humeur… C’est en substance la surprise que les proches de Yannick Permal avaient prévu de lui faire le mardi 25 février, à l’occasion de son 28e anniversaire. Mais c’est finalement à des fleurs qu’il a eu droit ce jour-là, déposées à l’endroit où il a poussé son dernier soupir deux jours plus tôt, à l’intersection des rues Pope Hennessy et Mandela, à Barkly, Beau-Bassin. À cause d’un drame survenu en une fraction de seconde, ce qui devait être un moment festif et joyeux pour sa petite famille et lui s’est transformé en une journée de deuil et de recueillement.
Voilà déjà une semaine que Benjamin Permal vit un cauchemar éveillé. Sa douleur est indescriptible, insurmontable. Le dimanche 23 février, sa vie a été complètement chamboulée par le départ tragique de Yannick, son unique fils, dans un accident de la route, 13 ans jour pour jour après le décès d’une de ses demi-sœurs – ses parents sont séparés et sa maman a eu d’autres enfants d’une autre relation. Depuis, c’est avec beaucoup de difficulté que ce papa tente de reprendre le cours de sa vie, tout en gérant sa douleur et les multiples responsabilités qu’il partageait, jusque-là, avec son petit protégé. «Il cumulait des petits boulots et m’aidait avec les dépenses à la maison. Maintenant qu’il n’est plus là, tout est devenu beaucoup plus dur à gérer. Ce n’est pas évident pour moi de me retrouver seul du jour au lendemain.»
L’appel téléphonique qu’a reçu Benjamin il y a exactement une semaine résonne encore dans sa tête. «J’étais à la maison ce soir-là lorsque la demi-sœur de Yannick m’a appelé pour me demander s’il était déjà rentré. Cela m’avait laissé perplexe. Je lui ai répondu qu’il n’était pas là et lui ai demandé pourquoi elle se faisait du souci. Elle m’a expliqué avoir appris qu’un accident impliquant le métro s’était produit à Beau-Bassin et qu’elle voulait s’assurer que Yannick allait bien.» Sans perdre de temps, Benjamin a essayé de joindre son fils sur son cellulaire, en vain. Il s’est alors rendu chez sa petite amie, dans la localité, pour en avoir le cœur net. «Ler monn get zot figir, monn fini konpran kinn arive. Mo garson ti fini kit mwa.»
Depuis le drame, Benjamin est un homme meurtri et brisé. Ce qui rend les choses encore plus dures, c’est que son fils et lui s’étaient beaucoup rapprochés suite au décès de la mère de celui-ci, il y a cinq ans. «Li ti revinn rest avek mwa. Nou ti koumadir de kamarad. Je m’étais arrangé à l’avance pour prendre un jour de congé pour son anniversaire afin qu’on puisse faire la fête ensemble, d’autant qu’il s’agissait du mardi gras, mais nos projets sont tombés à l’eau brutalement. Je n’étais pas préparé à ce qu’une nouvelle pareille me tombe dessus», raconte-t-il. D’une voix cassée par l’émotion, il lâche : «Il existe des moments comme ceux-là où il nous est impossible de rester forts et de ne pas pleurer. Tout l’or du monde ne me ramènera pas mon enfant. C’est dans des moments pareils que nous nous rendons compte que la vie ne tient qu’à un fil.»
Des projets, cet amoureux de grosses cylindrées en avait des tonnes, comme tous les jeunes de son âge. «Sa petite amie m’avait fait part de leur intention de se marier. Il voulait également entamer la construction de sa maison. C’était quelqu’un de très ambitieux», confie son père avec une pointe de fierté. Christelle, sa cousine, ne tarit pas non plus d’éloges à son égard. «Il était gentil, jovial, poli et toujours prêt à aider. Il n’a jamais refusé de rendre service. Que la responsabilité de cet accident lui incombe ou pas, la douleur reste la même pour nous. C’était un bon vivant, nous n’étions pas préparés à le perdre ; surtout dans ces circonstances.»
C’est avec le cœur lourd que la famille Permal a accompagné jusqu’à sa dernière demeure, ce lundi 24 février, celui qu’ils ne verront plus, une laisse à la main, allant promener son chien Igor, son meilleur ami, comme il le faisait habituellement tous les matins. Afin de commémorer comme il se doit son souvenir, ses amis et proches ont déposé des gerbes à l’endroit où il a trouvé la mort le jour de son 28e anniversaire, le mardi 25 février. Le cœur lourd de l’avoir perdu trop tôt.
Motus et bouche cousue. Gowtun Bhoodun, le Train Captain qui conduisait le métro impliqué dans l’accident ayant coûté la vie à un motocycliste, à Beau-Bassin, le dimanche 23 février, n’a pas souhaité faire de commentaire. «No comment», nous a-t-il seulement déclaré, précisant qu’il a reçu des directives de la direction de MEL dans ce sens. Cet homme de 34 ans, habitant Bambous, a été arrêté sous une accusation d’homicide involontaire. Il est passé en cour le lundi 24 février et a dû payer une caution et signer une reconnaissance de dette pour recouvrer la liberté conditionnelle. Dans sa déposition à la police, il déclare qu’il venait de quitter Cité Barkly et se dirigeait vers Rose-Hill lorsque le métro est entré en collision avec la moto pilotée par Yannick Permal, à une jonction avec la rue Maingard. Gowtun Bhoodun souligne qu’il a respecté toutes les procédures d’usage ce soir-là. Il précise qu’à aucun moment il n’a vu venir la motocyclette qui, semble-t-il, venait de brûler un feu rouge. C’est après avoir entendu un bruit assourdissant qu’il a appliqué ses freins mais il était trop tard. L’enquête se poursuit pour faire la lumière sur cette affaire.
Dans un communiqué émis par MEL, le public est avisé que les feeder buses ne sont plus gratuits depuis ce matin, dimanche 1er mars. Tous les passagers – adultes, enfants et étudiants – l’utilisant pour se déplacer devront ainsi payer un tarif uniforme de Rs 15. Toutefois, les passagers du métro ne paieront, pour leur part, que Rs 10 mais devront présenter leur MECard au conducteur de la navette pour bénéficier du rabais. Le public est également prévenu que depuis le samedi 29 février, les Ticket Inspectors sont présents dans le métro afin de traquer les fraudeurs. En vertu du Light Rail Act de 2019, un contrevenant pris en flagrant délit est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à Rs 10 000.
Plusieurs jours se sont écoulés depuis l’accident qui a coûté la vie à Yannick Permal. Ce motocycliste de 28 ans a été fauché par le métro alors qu’il circulait en direction de Mont-Roches. Depuis, il est impossible pour les habitants de la localité de passer à l’angle des rues Pope Hennessy et Mandela, à Barkly, Beau-Bassin, sans se rappeler la tragique nuit du dimanche 23 février. D’autant que les gerbes déposées sur le lieu où le jeune homme a poussé son dernier souffle sont toujours présentes.
Bien que les souvenirs de cette nuit fatidique soient encore palpables, plusieurs personnes empruntant cette route déplorent que l’attitude des usagers de la route n’ait pas changé depuis. «La situation est toujours la même. Il y a toujours autant d’imprudence. Les gens brûlent toujours les feux rouges», indique Krishna, un habitant de la localité qui voit tous les jours le métro circuler de son domicile. Mais les conducteurs sont-ils à blâmer ? Ils ne le pensent pas tous. Car pour Davina, qui habite Résidence Barkly, «les feux de signalisation sont le principal problème, aussi bien pour les conducteurs que pour les piétions».
À cette intersection et aux alentours, environ cinq feux de signalisation ont été installés depuis que le métro est en activité. Depuis, ceux qui empruntent cette route s’emmêlent facilement les pinceaux. «Ils ont été mal positionnés. C’est la raison pour laquelle autant de véhicules grillent toujours les feux rouges. La distance entre les feux est tellement minime et ne laisse pas aux conducteurs un temps de réaction approprié», ajoute Davina. Kader, un habitant d’Albion empruntant régulièrement cette route, met également la faute sur l’infrastructure routière. Il estime, pour sa part, que les feux de signalisation ne sont pas suffisamment visibles et que c’est la raison pour laquelle les usagers de la route sont constamment à risques.
À chaque intersection, des policiers sont mobilisés. Certains d’entre eux, rencontrés à l’endroit où est survenu l’accident fatal quelques jours plus tôt, ne cachent pas non plus leur mécontentement. «Les piétons nous sollicitent toujours pour traverser car les feux ne fonctionnent pas correctement. Leurs indications ne sont pas claires et les habitants s’en plaignent auprès de nous. Beaucoup de choses sont à revoir. Sans oublier que certains des feux installés sont à peine visibles à cause des arbres et d’autres se trouvent beaucoup trop loin du tracé du métro. Et nous nous étonnons que des accidents surviennent ?» déplorent-ils. Ils affirment également que «l’arrêt d’autobus se trouvant à quelques mètres du tracé nuit complètement à la circulation».
Depuis le drame, chacun a sa propre idée sur comment venir à bout des problèmes qui surviennent en ces lieux. Pour Kader, «il serait primordial que la Road Development Authority fasse couper les branches dissimulant l’un des feux de signalisation. Il serait aussi impératif de faire construire un obstacle pour éviter les accidents». Krishna estime, quant à lui, qu’«il aurait été plus approprié de faire construire un flyover à cette intersection, aussi bien qu’au rond-point de Gool, où circulent beaucoup de véhicules». Le temps qu’une alternative soit trouvée aux nombreux problèmes qui affectent les usagers de la route en raison de l’avènement du Metro Express, tous espèrent juste que d’autres victimes ne seront pas à déplorer.
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