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Projet de conservation

Anou sov l’île de la Passe

28 mai 2025

Photos : Jean Marie Gangaram

Cet article, réalisé le jeudi 22 mai dans le sillage de la Journée mondiale de la biodiversité, officiellement appelée Journée internationale de la diversité biologique, pourrait paraître cliché si la préservation de plusieurs espèces de reptiles, d’oiseaux et de plantes menacés qui se trouvent uniquement à Maurice n’était pas un must. La Mauritian Wildlife Foundation (MWF), qui milite sans relâche pour que notre faune et notre flore ne disparaissent pas comme le Dodo, a organisé une visite guidée sur l’Île de la Passe, en collaboration avec le Media Trust, pour marquer le coup.

Il se prélasse fièrement au soleil sur l’un des vestiges du passé militaire de l’île. La présence humaine ne le dérange guère en ce jeudi matin. Cet animal à sang froid profite des rayons du soleil après une nuit et une matinée bien arrosées. Ce scinque de Bojer, un petit lézard endémique 100% mauricien couleur marron doré, avec des taches noires, possède des griffes qu’il utilise pour parcourir l’île de la Passe, son territoire, en compagnie de ses congénères. La population de ce reptile est estimée à 500-600 sur cette petite île du Sud-Est. Les travaux de conservation sur cette espèce ainsi que d’autres font partie du projet Islands Restoration qui a débuté en 2006. La MWF a par la suite entamé des efforts de conscientisation sur place à partir de 2017, tout comme sur d’autres îlots de cette région, à travers un projet éducatif intitulé «Anou protez nou bann zil».

L’île de la Passe a joué un rôle très important jadis. Elle a été utilisée comme base militaire par les Français durant la Bataille de Vieux-Grand-Port en août 1810. Comme l’île aux Aigrettes, elle a aussi servi de position stratégique aux Anglais pendant la Seconde Guerre mondiale. Les ruines toujours présentes sur place témoignent encore de ces épisodes militaires. Aujourd’hui, ces deux petites îles ainsi que leurs voisines, l'île au Phare aussi connu comme l’Ile aux Fouquets, l'îlot Vacoas et l'île Marianne sont devenues les terres promises de plusieurs espèces menacées de reptiles, d’oiseaux et de plantes endémiques (espèces qu’on retrouvent uniquement à Maurice) et indigènes (espèces qui se sont naturellement établies ici).

Les bâtiments anciens sont des vestiges des épisodes militaires qu’a vécus l’île.

Parmi les espèces qu’on peut apercevoir sur les îlots du sud-est : le fameux cardinal de Maurice, l’oiseau à lunettes de Maurice, le pigeon Rose, le paille-en-queue à brins blancs, le fouquet, le Marianne (Lesser Noddy), le petit lézard vert, le gecko de Gunther et la tortue géante d’Aldabra. On y trouve également le scinque de Telfair, le petit gecko de nuit (Lesser night-gecko), le scinque de Bouton et le scinque de Bojer, entre autres. Tous ces lézards sont 100 % Mauriciens. On y retrouve aussi une communauté d’oiseaux marins – des oiseaux qui dépendent entièrement de la vie marine pour se nourrir, et de ces îlots pour y pondre leurs œufs. Poussent également sur ces îles plusieurs plantes endémiques et indigènes. Sur l’Ile aux Aigrettes, 32 espèces de plantes mauriciennes sont menacées d’extinction. L’une d’entre elles, le vacoas Pandanus vandermeerschi, a d’ailleurs été introduite sur l’île de la Passe. Ailleurs, on trouve le bois matelot, le veloutier vert, l’herbe bourrique et le baume de l’île Plate. L’île de la Passe est accessible au public par voie maritime. Elle n’est pas décrétée réserve naturelle bien qu’elle soit un site historique protégé. Et c’est là que le bât blesse, car les pique-niques et les campings sauvages de nos compatriotes sur place causent des dégâts considérables à la faune et la flore alors que ces îles ont une forte valeur écologique, souligne la MWF.

Ces images témoignent de la bêtise humaine qui ne respecte pas cette nature précieuse et fragile.

Les bouteilles en plastique et autres déchets humains agressent, d’ailleurs, le regard et l’environnement naturel sur l’île de la Passe. Les feux allumés par les campeurs, majoritairement locaux, causent également des dégâts considérables sur place alors que l’île est l’ultime refuge d’un écosystème fragile abritant des communautés rares de la faune et de la flore qui comprend une végétation native et endémique côtière et sèche. Il y a aussi la menace des plantes invasives ainsi que d’autres dangers réels causés par les humains et certains types d’animaux. Il y a, entre autres, le piétinement de la végétation par les visiteurs ou encore le problème de chiens et de chats errants – qu’on abandonne même sur ces îlots. Des rats, des corbeaux ou encore des tangs causent également des dégâts énormes à l’écosystème des îlots du sud-est.

À ce jour, la MWF a entrepris plusieurs campagnes de sensibilisation dans la région. L’organisme avance que plus de 80% des opérateurs touristiques qui fréquentent les lieux ont déjà été sensibilisés. La MWF Education Team se tourne désormais vers d’autres partenaires, dont les opérateurs hôteliers ainsi que les law enforcement agencies, afin de toucher davantage de personnes avec la précieuse collaboration du Forestry Service, du National Parks Conservation Service, du National Heritage Fund et de la National Coast Guard, en sus du soutien financier de la Mauritius Commercial Bank et soutien technique du Durrell Wildlife Conservation Trust. Le maître-mot reste la conservation des South East Islets. La MWF Education Team exhorte ainsi les Mauriciens à respecter quelques consignes précises.

Ricardo Lalande, Chairman du National Heritage Fund, évoquant la valeur historique des lieux.

Ceux qui visitent l’île de la Passe pour faire des pique-niques ou du camping sont invités à ramasser leurs ordures après leur visite. Ils doivent également s’assurer que des lézards ne se retrouvent pas piégés dans des sacs poubelles en inspectant ceux-ci et leurs sacs et autres effets personnels. Les visiteurs sont aussi priés de marcher uniquement sur les sentiers pour ne pas écraser les nids d’oiseaux dans les herbes. La MWF Education Team demande par ailleurs aux pique-niqueurs et aux campeurs de ne pas allumer des feux pour réduire le risque de catastrophe écologique. Pour cause : une bonne partie de l’île voisine, l’île au Phare, a souffert d'un incendie il y a quelques années lorsque des pique-niqueurs avaient jeté du charbon encore chaud de leur barbecue dans une poubelle en plastique.

Un œuf de fouquet dissimulé sous un veloutier.

Les visiteurs sont également invités à faire attention aux plantes endémiques car elles mettent du temps à pousser. Il ne faut pas les couper ou couper leurs branches. Ceux qui se rendent sur l’île de la Passe ou sur l’île au Phare doivent aussi respecter l’habitat des oiseaux en évitant de les nourrir, de les toucher ou d’aller les voir de près car ils font des nids par terre et dans des falaises qui sont très dangereuses. De plus, MWF Education Team conseille aux visiteurs d’éviter d’emmener des animaux de compagnie sur place car ils représentent un véritable danger pour l’écosystème des South East Islets. L’île aux Vacoas et l’île Marianne ne sont pas concernées par toutes ces recommandations car elles sont fermées au public. L’accès à l’île aux Aigrettes se fait, elle, via visite guidée uniquement.

Un Scinque de Bouton profitant du soleil.

L’île accueille en son sein plusieurs plantes endémiques.

En arrière-plan, l’île au Phare dans toute sa splendeur.

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