Publicité

L’affaire Nyjel Beerjeraz, arrestation musclée sous l’œil du public

Après les excuses de Nyjel, la famille réclame justice et actions concrètes

12 mai 2025

Jeanine et Georges Beerjeraz, les grands-parents de Nyjel, unis face à l’épreuve.

C’est une voix nouvelle qui s’élève dans cette affaire qui a secoué l’île le 30 avril. Après les images violentes de l’arrestation et la vague d’indignation, c’est désormais Nyjel Beerjeraz lui-même qui a brisé le silence. Dans une vidéo qui a profondément touché de nombreux internautes, il lance un cri du cœur : «Mo anvi demann publikman enn gran exkiz a mo granmer ek mo granper. Malgre tou seki monn fer zot, kantite monn kokin zot ek fini zot… zot inn fer mwa konfians ek se zot mem ki ankor pe soutenir mwa !» Une déclaration poignante que sa famille accueille avec émotion, prudence et espoir.

Au téléphone, c’est Jeanine Beerjeraz, la grand-mère au caractère affirmé, qui prend la parole. Avec lucidité, mais aussi une détermination intacte. «J’étais à ses côtés quand il a parlé. Il a dit la vérité, ce qu’il avait sur le cœur. Il a beaucoup pleuré. Il veut faire des efforts et je crois que ce qu’il a vécu a été une leçon pour lui.» Mais derrière les mots d’espoir, l’inquiétude reste palpable. Nyjel est aujourd’hui alité à la clinique Darné, incapable de marcher, incapable même de se tenir son corps. «Il a voulu s’en sortir, mais cette drogue l’a contrôlé. Il souffrait quand il était en manque et ne pouvait pas supporter la douleur», confie Jeanine.

La famille rappelle avoir tout tenté : psychiatres, centres de désintoxication, encadrement familial. «Quand il est normal, c’est un gentil garçon avec un bon raisonnement. Mais la drogue l’a transformé. C’était son échappatoire pour oublier la séparation de ses parents.» Jeanine, militante sociale de longue date, espère que le message de son petit-fils servira à d’autres : «Depuis huit ans, nous luttons. La drogue synthétique tue nos jeunes. Heureusement qu’il y a des gens comme Jameel Peerally qui portent ces combats, comme la dépénalisation du cannabis et la recherche de vraies solutions. Pendant que d’autres dorment, lui propose.» Côté santé, le bilan est lourd. «On l’a tiré du véhicule comme un chien. Heureusement qu’on l’a bien nourri. Si li ti pli frel, li ti pou mor sa! Il a le nez cassé à vie, des disques écrasés, des douleurs au dos et à la nuque. Il peut bouger mais il n’a pas de force pour tenir son corps.» Jeanine ajoute que la vidéo de l’arrestation ne lui a pas été montrée : «Il n’a pas de téléphone en ce moment. Un jour, s’il veut voir, il ira chercher…»

De son côté, le père, Cédric Beerjeraz, que nous avons joint après sa visite à la clinique, partage son soulagement mais reste prudent. «Ça va un peu, mais cette histoire nous a traumatisés à vie. C’est bien qu’il ait présenté ses excuses. Il n’est jamais trop tard pour se rattraper. Depuis près de deux semaines, il ne consomme plus de drogue. C’est déjà un bon début.» Cédric s’étonne que l’hôpital Dr A. G. Jeetoo lui ait donné sa décharge malgré son état. «Il va devoir faire des séances de physio pour sa rééducation. Il a été traîné au sol, plié alors qu’il était inconscient. Il a beaucoup de séquelles.» Sur le plan légal, la famille a pris contact avec des hommes de loi pour étudier les suites à donner à cette affaire. «Trois officiers de la National Human Rights Commission ont pris la déposition de Nyjel sur son lit d’hôpital la semaine dernière et j’apprécie cette démarche mais côté police, aucun contact !» déplore Cédric. «Qu’attend l’IPCC (NdlR, Independent Police Complaints Commission) ? Ces policiers continuent à travailler… Si c’était arrivé à un proche du gouvernement, les choses seraient sûrement autrement. Je ne me décourage pas car il y a eu une vraie tentative de meurtre envers mon enfant », accuse-t-il.

Selon la police, Nyjel était recherché pour plusieurs affaires de vol et aurait subtilisé le véhicule de son grand-père avant d’être repéré à Sainte-Croix. Durant la course-poursuite, il aurait heurté plusieurs voitures et a failli renverser un enfant. Les policiers ont porté plainte pour tentative de meurtre, affirmant que le jeune homme a délibérément foncé sur eux. À ce sujet, Cédric réagit : «Alors que mon fils était mal en point en arrivant à l’hôpital accompagné des policiers, cette dame, la mère de l’enfant, l’a ré-agressé. Son nez s’est remis à saigner. Elle a dit beaucoup de choses, mais Nyjel n’a percuté personne. C’est tout un cinéma pour rien.»

Cédric adresse un message direct aux policiers impliqués : «S’ils ont un peu de moral, s’ils ont une famille, ils auraient dû démissionner. J’espère qu’ils ont pris conscience de ce qu’ils avaient fait. Tout le monde fait des erreurs et les jeunes en font plus. Il n’est jamais trop tard dans la vie. On accepte les erreurs et de là, on recommence à vivre.»

Publicité