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Artistes : L’ailleurs est-il la voie de la reconnaissance ?

11 novembre 2015

Sandra Mayotte, D-Truth, Bruno Raya et Alain Ramanisum offrent des pistes pour une meilleure reconnaissance des artistes dans leur pays.

Toute l’île Maurice jubile encore. Le sacre de Jane Constance au concours de chant The Voice Kids a mis la population en émoi, politiciens et artistes compris. Ce succès remporté par la jeune aveugle en France l’a rendue précieuse au regard de ses compatriotes, dont beaucoup ne la connaissaient pas auparavant. Mais faut-il pour autant que nos artistes brillent à l’étranger pour être reconnus par nous ?

 

Beaucoup d’entre eux luttent encore pour devenir populaires, alors que d’autres y sont parvenus à force de trase et triange. Certains reviennent sur le sacre de Jane Constance et nous disent si, selon eux, il faut impérativement remporter le succès sous d’autres cieux pour avoir la reconnaissance locale. L’un des artistes qui se sont faits le plus connaître ici et ailleurs, c’est Alain Ramanisum. Très populaire à Maurice et à La Réunion, il a aussi fait une belle tournée en Europe avec son Li Tourné 2013, alors que ses fameux Nissa la monté et Zom Palab cartonnent toujours.

 

Pour l’artiste, qui vient de sortir son nouvel album intitulé I lov u, il faut deux choses pour obtenir la reconnaissance artistique : «Effectivement, il ne faut pas attendre qu’un artiste kas pake à l’étranger pour que le public et les autorités lui accordent la reconnaissance qu’il mérite. Je suis sûr qu’il y a énormément de talents dormants ici, il faut les réveiller ! D’un autre côté, les artistes doivent faire preuve de plus d’ambition et ne pas se contenter d’un petit succès, comme par exemple devenir un disque de l’année. C’est très bien mais il faut voir plus loin, il faut avoir une grosse volonté d’élargir ses horizons.» 

 

«Il faut foncer !»

 

On se souvient également qu’en 2002, une autre Mauricienne avait reçu une récompense à l’étranger : Sandra Mayotte est détentrice du Kora Award de la Meilleure artiste d’Afrique de l’Est. La chanteuse des fameux Kayambo et Makalapo estime qu’il faut un changement de mentalité : «Les autorités avaient pris un certain temps avant d’organiser quelque chose pour me féliciter d’avoir eu le Kora Award. Donc, des fois, même quand on brille à l’extérieur, la reconnaissance n’est pas au rendez-vous. On dit souvent que “nul n’est prophète en son pays”, et c’est une mentalité qu’il faut changer, que ce soit du côté du public ou des autorités.»

 

La reconnaissance locale et internationale, Stephen Bongarçon l’a aussi obtenue en 2009 en remportant une médaille d’or en tant que chorégraphe aux Jeux de la Francophonie. Depuis, c’est un nom connu et souvent sollicité. Il regrette toutefois que la vraie reconnaissance ne soit arrivée qu’à ce moment-là :  «Cela fait plus de 30 ans que je pratique la danse et ce n’est qu’en 2009 que je suis devenu quelqu’un de “reconnu” par le public. C’est dommage, mais c’est tout un système qu’il faut changer, surtout pour les générations à venir. C’est bien de récompenser Jane Constance, mais il faut aussi penser à ceux qui viennent derrière avec tout autant de talent. C’est pour cela qu’il faut saluer des initiatives comme l’école Breathe Again de Linzy.»  

 

Persévérance. C’est un mot que connaît bien Bruno Raya. Issu du coaltar, il a, depuis ses débuts avec le groupe OSB, écumé pas mal de scènes à Maurice et en Europe et a fait venir pas mal de grosses pointures (Pierpoljak, Tiken Jah Fakoly et Alpha Blondy, entre autres) via le festival Reggae Donn Sa. Bref, avec ses nombreux potes et partenaires, il s’est fait un nom incontournable dans le milieu de l’événementiel musical. Tout est une question d’efforts pour lui : «Je pense que la reconnaissance vient à force de détermination et de persévérance, il ne faut pas avoir peur de foncer, de prendre de gros risques parfois, ou attendre de l’aide de qui que ce soit, il faut juste foncer ! C’est un conseil. Je suis fier et super content pour Jane, mais pour que son rêve continue, il faudra qu’elle persévère elle aussi.»  

 

Il y en a qui continuent leur petit bonhomme de chemin ici, contre vents et marées, en quête de cette fameuse reconnaissance du grand public. Andy Roméo, nom de scène D-Truth, est de ceux-là. L’ancien membre du groupe Black Outlaws a envoyé quelques-uns de ses clips sur Noot TV, a pris des années pour sortir son dernier album, mais a eu une belle petite visibilité en signant une chanson et en tenant un petit rôle dans le court-métrage mauricien intitulé Boutik.

 

Le jeune homme garde les pieds sur terre, en attendant des jours meilleurs : «Ce qui arrive à la petite Jane, c’est tant mieux. Je suis très content pour elle. Mais je pense aussi à ceux qui, comme moi, luttent depuis un moment pour avoir la reconnaissance du public. Une partie de la solution réside en un changement de mentalité de ce même public. Cela pourrait venir de cette éclosion actuelle de plusieurs festivals à travers l’île, qui donnent enfin un peu plus de visibilité aux artistes d’ici.» 

 

Être reconnus par leurs compatriotes sans avoir obligatoirement besoin de se faire voir à l’étranger… Voilà ce que veulent nos artistes. Et si le succès sous d’autres cieux est au rendez-vous, ce n’en est que mieux. Comme la cerise sur le gâteau.

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