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22 mars 2016 12:37
Cesont «les cinq années les plus dramatiques de (ma) vie». Robert Duvergé s’assoit, pense, regarde le grand tableau de son fils parti et se replonge dans ses souvenirs. Pour donner vie à Il est parti, le journal intime qu’il a tenu pendant les cinq ans où son fils Jean-François luttait pour sa survie.
Ce dernier, alors âgé de 36 ans, fait un terrible accident le 1er janvier 2007, le laissant avec 4 % de chance de survie. Il est alité, subit des opérations et une rééducation lourde. Mais ses proches le soutiennent, s’arment de patience (sans oublier d’innombrables concerts de levée de fonds) et, petit à petit, son état s’améliore. Jean-François bouge lentement la tête, les membres, dit même quelques mots, avant de décéder le 24 décembre 2011. Il est parti, c’est tout ça.
Robert Duvergé, 70 ans, animateur sur Music FMles dimanches matin, connu pour son amour pour les chansons françaises et ses innombrables soirées un peu rétro, où il côtoie toujours sa petite bande de jeunes et moins jeunes tous aussi passionnés que lui, nous parle de la forme du livre : «Lorsque j’ai parlé à Alain Gordon-Gentil (NdlR : Il est parti est publié chez Pamplemousses Éditions, la boîte de Gordon-Gentil) de la publication du livre, il a eu l’idée d’en faire quelque chose de plus romanesque. Mais lorsque j’ai parlé à Alain du journal, il m’a dit que tout était là, alors pourquoi pas ! Tout réécrire allait finalement prendre plus de temps et allait bénéficier d’un travail beaucoup plus rigoureux.»
N’empêche, il y a du boulot et notre interlocuteur, toujours aidé de sa famille (ses deux sœurs, Ivy d’Auteuil et Eileen Bontemps, et sa nièce Christine Duvergé, ancienne athlète qui a publié en 2015 le roman Camp Agonie), se lance dans une année de correction qui n’a pas été de tout repos. «Je leur ai dit d’être très sévère, nous avons enlevé beaucoup, corrigé beaucoup. C’était une année intense où j’ai aussi beaucoup pleuré. Il y a eu de grosses émotions quand je relisais plusieurs passages. Et je pense que, même après 15 ans, ce sera toujours la même douleur (…) Perdre un enfant, c’est une absence lourde, une douleur tenace et récurrente. Vous imaginez comment c’est chaque 24 décembre et 1er janvier», souligne-t-il, tout en disant qu’il n’avait aucunement peur du fait que le lecteur puisse entrer autant dans l’intimité d’une famille.
«Être artiste, c’est aussi être un peu exhibitionniste, dans le sens où l’on donne et expose beaucoup de soi… Et puis, c’est un partage qui peut faire réfléchir, surtout sur les accidents, de plus en plus récurrents à Maurice», dit-il. Un exercice intense, comme il le dit, et qui semble lui avoir un peu donné de la suite dans les idées. «Il faut préciser que je ne suis pas un romancier. Il est parti est un livre de tendresse, le livre d’un papa on va dire. Bon, j’ai toujours quelques idées, quelques chapitres d’histoires pour un probable roman, mais avant tout, ma grande passion reste la chanson», dit l’artiste.
Le chanteur, également papa de Valérie, qu’il décrit comme «l’amour de sa vie», se dit plus «à fleur de peau» depuis les tristes événements de 2007, et va revenir justement à sa grande passion cette année, avec la sortie de son nouveau disque qui a pour titre Le dernier train. Il nous donne plus de détails : «Attention, ce n’est en aucun cas le dernier album de ma carrière. J’ai juste trouvé que la chanson était appropriée comme titre de l’album qui parle de beaucoup de choses. Le dernier train, je l’ai composé lorsque j’ai été touché par les pensionnaires d’un homeoù j’avais été invité à chanter il y a un an (…) Il y aura aussi la chanson Ode à l’environnement, où j’ai réuni tous mes amis chanteurs pour un morceau choral, où il y aura même du rap en kreol morisien. On verra plusieurs styles de musique, comme la variété française, du blues, du funk et de la country.»
Et, à la télévision, on le verra presque sûrement pour les festivités françaises du 14 juillet sur la MBC. En attendant, il regarde le tableau de son fils, sourit et nous dit qu’après la sortie du livre, «(j’)étais comme aéré.» L’hommage, la preuve d’amour et de solidarité, est fait.
Pendant près de 350 pages, il se livre. Une thérapie, un journal. Oui, l’on sent que Robert Duvergé s’est lâché. Ses joies, ses victoires, ses tristesses, tout est là. De ce livre pas toujours parfait (le style est répétitif, les mots et les événements se répètent souvent, bref, c’est l’impression d’un quotidien, vu que c’est aussi un journal intime), mais d’où ressort une émotion très forte, se dresse ce combat universel, celui de ceux qui luttent pour leurs proches malades ou blessés. Beaucoup s’y retrouveront, beaucoup seront submergés par l’émotion. Et si, en plus, Il est parti peut conscientiser sur ce qu’un accident peut apporter de plus dévastateur pour une famille, on ne peut que vous le conseiller.
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