Citoyens et syndicats ne baissent pas les bras

Des Mauriciens se sont à nouveau rassemblés ce samedi 5 juillet au Plaza pour montrer leur désapprobation face à la réforme de la pension universelle. Entre une pétition qui a circulé et les différents discours des intervenants, des appels ont été lancés aux autorités pour qu’elles fassent marche arrière...

Ils sont en mode résistance. Et la mobilisation s’accentue... Malgré l’annonce du Premier ministre, ce vendredi 4 juillet, d’une nouvelle mesure dans le sillage de la réforme du système de la pension universelle, qui préconise qu’à partir du 1er septembre, les personnes qui auront 60 ans pourront bénéficier, sous certaines conditions, d’un income support de Rs 10 000, des citoyens et des syndicalistes ne décolèrent pas. En sus de continuer de contester l'allocation de la Basic Retirement Pension (BRP) aux Mauriciens à partir de 65 ans et le maintien de cette décision par le gouvernement, tout en décriant l’income support qu'ils qualifient de mesure de ciblage, les opposants insistent sur le fait que les autorités doivent revoir leur position sur le sujet.

Et ce samedi 5 juillet, après les deux marches du 21 juin dans les rues de Rose-Hill et de Port-Louis, des Mauriciens ont à nouveau fait entendre leur voix pour contester cette mesure qui ne cesse de faire des vagues. Une nouvelle mobilisation a ainsi eu lieu ce samedi 5 au Plaza, à Rose-Hill. Et après avoir donné de la voix lors des deux marches de contestation il y a deux semaines, Linda Lam était à nouveau au front ce samedi. La fondatrice des collectifs No Covid Vax for Kids, Nou pa bann cobayes et Pa tous nou SIM card a soutenu le rassemblement des membres de la plateforme Pa touss nou pension 60 ans (lintere sitwayen avan tou) et du regroupement syndical à Rose-Hill, ainsi que l’initiative de faire circuler une pétition pour contester la mesure gouvernementale qui fait débat. «La pétition est une façon formelle de faire entendre sa voix sur le sujet de la pension à 65 ans. C’est un moyen pour s’exprimer contre les autorités sur un droit acquis et qui va être enlevé», nous confie Linda Lam, qui était présente lors du forum des syndicats au Plaza.

Elle a invité les Mauriciens, tout comme la plateforme citoyenne et le regroupement des syndicats, à signer la pétition. «La réforme des retraites à Maurice n’a jamais fait partie des programmes partisans annoncés lors des élections nationales de novembre dernier. Au contraire, renouveau, confiance et dignité ont été promis. Augmenter sans aucune consultation ni annonce préalable l’âge légal de la retraite de 60 à 65 ans est à la fois une trahison gouvernementale terrible et une triple erreur (sociale, médicale et économique) énorme. C’est aussi la remise en cause illégale et anticonstitutionnelle d’un droit acquis par le peuple mauricien depuis 1958 : la pension à 60 ans est un droit. La pension à 60 ans n’est pas une option. C’est un acquis social fondamental de notre société», fait état la pétition citoyenne.

Cri du coeur

Pour ceux qui contestent la mesure du gouvernement, «la réforme de la pension (BRP) doit être soumise à un référendum au plus vite», et parmi leurs revendications : prioriser l’intérêt du peuple, pas celui des dirigeants ; baisser immédiatement le train de vie du gouvernement, des députés, des advisers ; et trouver des alternatives pour financer les pensions dès 60 ans. Alain Ricaud a lui aussi tenu, en tant que citoyen, à soutenir le mouvement de contestation. «J’y ai participé pour continuer à mettre la pression sur le gouvernement», nous déclare-t-il. Comme lui, il y avait aussi dans l’assistance Pravin, un autre citoyen qui a joint sa voix à ceux qui sont contre le BRP à 65 ans. «Il suffit de faire un tour dans les rues de l’île pour entendre et voir le cri du cœur de la population, le cri de colère et de haine envers ce présent gouvernement contre certaines injustices depuis le dernier Budget présenté, surtout pour ceux qui ont travaillé très dur comme les maçons et autres employés du secteurs de la construction, les laboureurs, les chauffeurs de poids lourds, , les éboueurs, etc., et qui, à la veille de leur retraite, se retrouvent face à cette bombe de pension à 65 ans», souligne Pravin, qui réclame aussi une marche arrière par rapport à cette mesure.

Ce samedi au Plaza, donc, les messages de colère ont résonné et le Premier ministre Navin Ramgoolam, le Deputy Prime Minister Paul Bérenger, et Ashok Subron, ministre de l’Intégration sociale, ont été vivement critiqués par rapport à la mesure concernant la pension universelle. Parlant des dangers que représente la réforme de la pension et de l’instauration de l’income support, différents intervenants se sont succédé.

Parmi ceux et celles qui ont pris la parole au Plaza ce samedi, il y avait Jane Ragoo, entre autres. «Nou pa dakor ek siblaz, nou pa dakor ki tous nou laz retret ; peyman nou pansion ki pas à 65 ans, nou pa dakor ek sa», a lancé Jane Ragoo. Reeaz Chuttoo, président de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP), a, pour sa part, expliqué pourquoi les autorités doivent revenir sur leur décision.* «Zot pe kraz baz sosial dan sa pei-la. Nou pa pe dimann sarite, se nou drwa. Sa pansion vieyes la, se enn form de reparasion parski depi lindepandans zot ine vann nou avek sekter prive. Nou pe donn zot enn sans pou zot resezi zot, sinon zot pou gagn kout pie»*, a-t-il martelé face à une assistance acquise à sa cause.

Sollicité pour nous parler de l’importance du rassemblement de ce samedi et de l’impact que de telles actions peuvent avoir, le syndicaliste nous a fait la déclaration suivante : «Tou aksion bizin fer enn pwa, me a ki moman li pou port so frwi, sa li depann de ki rapor de fors nou kapav kre pou inflians desizion politik. L’action de ce samedi est devenue une revendication populaire. Le peuple va dans le même sens. Le rassemblement de ce samedi était surtout une occasion de donner aux citoyens une plateforme pour qu’ils s’expriment. C’est un événement qui fait partie d’une série d’actions à venir», nous dit-il avant de s’attarder sur la réforme de la pension universelle.

«Avec cette mesure du gouvernement, le pays fait un recul de 75 ans en arrière. Nou pe viv an direk ek nou pe trouv enn gouvernnman a ki dimounn finn donn tou siez Parlman – seki preske inik o mond –, ek ki pe fer enn viraz 180°c, et ça c’est très dangereux. Quand un gouvernement met en avant un problème économique dans le pays, son rôle n’est pas de pénaliser des gens qui sont au bas de l’échelle. Sa mission est d’amener la croissance. C’est le rôle d’un gouvernement. Le régime en place, pour sa part, ne fait pas ça. Zot pe fer enn lexersis matematik. Normalement, on coupe avec les riches et on donne aux pauvres. Me zot, zot pe segn bann pov, e sa li pou dir.»

D’autres actions sont à prévoir pour contester la mesure qui fait débat, nous confie le syndicaliste, qui se dit aussi contre l’income support, la nouvelle mesure du gouvernement dans le sillage de la réforme du système de la pension universelle : «L'income support est une façon déguisée, et dans une forme très violente, pour que le gouvernement introduise le ciblage. Ce n’est pas une mesure généralisée qui va toucher toutes les personnes qui auront 60 ans. Il faudra se trouver parmi ceux au bas de l’échelle. C’est ça le ciblage, et nous contestons cela...» Parmi les actions contestataires autour de la réforme de la BRP, il y a aussi l’initiative «Prend 1 lundi cordonnier», soit une invitation lancée aux Mauriciens «pou ki zot rest zot lakaz» le lundi 14 juillet «pour montrer leur désaccord concernant la réforme de la pension universelle». En attendant, la mobilisation reste de mise, souligne le président de la CTSP. «D’autres actions vont suivre. La lutte doit continuer coûte que coûte», nous dit Reeaz Chuttoo, qui, avec la plateforme citoyenne et le regroupement syndical, est plus que jamais en mode résistance…