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Réforme du système de pension

Des observateurs sur l’«income support» : «mesure sociale», «ciblage», «arnaque»

5 juillet 2025

Olivier Précieux et Padma Utchanah parlent de cette mesure.

Un peu de poudre (aux yeux !). Pour masquer et atténuer. C’est ainsi que de nombreux.ses Mauriciens.nes voient la mise en place de l’income support (IS) annoncé par le Premier ministre au Parlement, ce vendredi 4 juillet (voir hors-texte). Rien qu’un artifice, estiment-ils.elles. Un engagement qui ne serait que fard.

D’ailleurs, cette mesure ne vient pas adoucir la fronde populaire qui s’exprime contre l’âge d’éligibilité à la pension de retraite qui passe à 65 ans. La mobilisation ne faiblit pas et le pays a connu un autre samedi de contestation pacifique à Rose-Hill, avec plusieurs activités (voir ci-contre). Est-ce possible, néanmoins, de voir du positif dans le système d’allocation décidé par le gouvernement et qui a pour but de soutenir les familles qui en ont besoin ? Les syndicalistes et autres membres de la société civile, qui sont ancrés.es dans la lutte pour les travailleurs, s’indignent face à cette réforme des retraites et cette aide au revenu. Qu’en disent les observateurs ?

Du côté de l’économie, le report de l’âge légal de la retraite est considéré comme un allégement considérable sur les finances du pays. Si l’IS vient légèrement plomber le momentum, le gros de la réforme aura un impact positif sur l’équilibre de notre économie : «J’estime que l’IS est une bonne formule. Elle permet de venir en aide aux plus nécessiteux tout en maintenant la marche de ce gouvernement vers un système de pension plus viable. L’universalité n’est plus d’actualité. C’est une mesure sociale, même si beaucoup disent le contraire», explique un spécialiste en économique qui a préféré garder l’anonymat car «le sujet est trop sensible» et qu’il ne veut pas être traité de «chatwa» alors qu’il ne l’est pas. Dans l’ambiance actuelle de contestation, sa voix porte un message qui risque bien de ne pas faire l’unanimité.

Il ne trouverait certainement pas écho chez Padma Utchanah, du Ralliement Citoyen pour la Patrie (RCP). Quand on lui demande si elle trouve quelque chose de positif à l’IS, elle répond : «Absolument rien ! On ne peut pas dire "merci" à un voleur qui vous a pris votre bague en diamant et qui vous a laissé votre chaîne en or.» Pour notre interlocutrice, il s’agit d’une «escroquerie électorale», tout simplement. Et d’un «vol» : «Les promesses qui ont été faites pendant la campagne électorale n’ont pas été tenues. Pire, il s’agit d’un coup de poignard. Est-ce le même gouvernement qui évoquait d’augmenter la pension de vieillesse et de donner un billet d’avion gratuit aux retraités ? Aujourd’hui, ce qui se passe, c’est un vol ! Ce n’est pas quelque chose de nouveau, ce n’est pas une réforme ! On a volé ce qui était un droit pour les Mauriciens.» Et l’IS ne viendra pas temporiser cela : «Le plafond de revenus fixé pour être éligible à cette allocation de soutien est trop bas et exclut par définition la majorité, voire toutes les personnes défavorisées. Le Premier ministre a, comme à son habitude, arnaqué la population !» 

Quand on évoque une tendance mondiale (celle d’augmenter l’âge de la retraite), elle répond : «Les conditions de travail (les heures, les équipements, la dureté) et les soins médicaux dans l’île ne permettent pas aux Mauriciens d’avoir une qualité de vie comparable aux Européens. Alors, il n’y a pas matière à comparaison.» Olivier Précieux, enseignant de sociologie et observateur, est sur la même longueur d’onde que Padma Utchanah. Lui, non plus, ne voit pas de lueur d’espoir à travers l’IS : «Avec les critères pour être éligibles, très peu de personnes seront concernées. Alors à quoi ça sert ?» demande-t-il. Il a la réponse : «C’est un move de communication politique sans aucune conséquence économique. Un moyen, pour le gouvernement, de refaire son image et d’apaiser les revendications. Maintenant reste à savoir si le Changement a atteint son but.»

Rs 10 000 pour la transition

Olivier Précieux est plutôt sceptique ! Car, explique-t-il, les Mauriciens.nes ne sont pas dupes. La Basic Retirement Pension à 60 ans n’existe plus : «Il s’agit d’un ciblage. Dans leur terminologie, le gouvernement parle de "support", d’un choix du législateur de soutenir les personnes qui ont plus de 60 ans et qui appartiennent à une catégorie spécifique. Ce n’est pas une retraite. C’est une aide sociale ciblée. Cela ne peut être considéré comme le maintien d’une pension universelle pour les plus nécessiteux. Surtout que la somme proposée est bien plus basse que le salaire minimum.» Alors, pour lui aussi, ce n’est que de la poudre aux yeux. Alors que les tensions persistent, le débat reste ouvert : vrai soutien ou tentative maquillée de noyer le poisson ?

Elle était attendue cette mesure ! Et après des réunions interministérielles, le Premier ministre Navin Ramgoolam a annoncé vendredi, à l’Assemblée nationale, la mise en place d’une aide au revenu de Rs 10 000 par mois pour les personnes atteignant l’âge de 60 ans à partir du 1er septembre 2025, sous certaines conditions. Cette aide temporaire, destinée à amortir l’impact de la réforme, vise notamment les femmes au foyer, les retraités, les employés et travailleurs indépendants répondant à des critères de revenu. Pour en bénéficier, une personne célibataire ne devra pas dépasser un revenu mensuel de Rs 10 000. Pour un couple marié, le plafond est fixé à Rs 20 000. Les revenus considérés incluent salaires, revenus professionnels et pensions contributives, mais excluent les allocations forfaitaires de retraite, la pension d’invalidité et la BRP du conjoint. La Mauritius Revenue Authority (MRA) sera chargée du traitement des demandes et du versement des allocations.

Environ 7 500 personnes par groupe d’âge devraient bénéficier de cette mesure chaque année pendant cinq ans, pour un coût total estimé à Rs 8,7 milliards. Navin Ramgoolam a rappelé que cette réforme est motivée par des pressions démographiques et budgétaires croissantes : «Quand le nombre de travailleurs diminue et que le nombre de pensionnés augmente, le système devient fiscalement insoutenable», a averti le Premier ministre. Une commission d’experts sera prochainement nommée pour revoir l’ensemble du système de retraite et proposer une réforme du Fonds national de pension, qui remplacera la CSG. «Nous n’avons pas pris cette décision à la légère. Nous avons agi par nécessité, et non par choix», a conclu Navin Ramgoolam.

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