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Accidents de motos en hausse : À qui la faute ?

1 mars 2015

La moindre erreur peut être fatale pour les motocyclistes en cas d’excès de vitesse.

Sadeem Beekhy est entre la vie et la mort depuis plus d’un mois. Cet employé d’hôtel, âgé de 18 ans, rentrait chez lui après son service lorsqu’il a fait un terrible accident. La moto qu’il pilotait en ce lundi 26 janvier a percuté un van à la rue Royale, Port-Louis. Grièvement blessé, cet habitant de Vallée-Pitot était toujours admis aux soins intensifs de l’hôpital Jeetoo à l’heure où nous mettions sous presse et son état était très inquiétant, selon sa mère Shazia. Cette dernière prie nuit et jour pour que son fils s’en sorte (voir hors-texte).

 

Le cas est loin d’être isolé. Durant la semaine écoulée, deux motocyclistes ont connu une triste fin. Nitish Gopaul, un habitant de Belle-Mare, âgé de 26 ans, est mort après avoir percuté deux cyclistes à Poste de Flacq,  jeudi. Trois jours plus tôt, Jianeshwar Juggernath, un habitant de Pellegrin, a également péri quand son deux-roues a été fauché par un autobus (voir hors-texte).

 

Les noms de Nitish Gopaul et de Jianeshwar Juggernath se sont ajoutés à ceux de Jonathan Matadeen, Clency Potiron, Stephan José, Benjamin Sérieuse et Farhan Jamalkan sur la liste des motocyclistes décédés après un accident depuis le début de l’année. Paradoxalement, alors que le nombre d’accidents de la route a diminué depuis l’année dernière, celui impliquant des conducteurs de motos a augmenté. À la même période, en 2014, trois motocyclistes sont morts dans des accidents contre sept pour cette année. D’ailleurs, la plupart des accidents survenus sur les routes chaque année impliquent des motos. Un phénomène qui interpelle la police.

 

«Ils roulent n’importe comment»

 

La Road Safety Unit (RSU) va d’ailleurs intensifier les campagnes de sensibilisation pour encourager les motocyclistes à adopter une conduite défensive. Car la situation est alarmante. Les raisons, souligne un préposé de la RSU, sont multiples. Il y a l’attitude et l’indiscipline de certains motocyclistes. Il y a aussi, souvent, les excès de vitesse. D’autres ignorent les conditions de la route, notamment l’état des routes et l’obscurité.

 

Raffick Bahadoor, président de la Taxi Proprietors’ Union, lui, ne blâme pas tous les motocyclistes. Il met en cause uniquement ceux qui ne respectent pas le code de la route : «Plusieurs se mettent devant les voitures quand celles-ci s’arrêtent aux feux de signalisation. Sur l’autoroute, ils roulent parfois sur la fast lane.»

 

Indiscipline rime souvent avec alcool. Alain*, un motard de la police, explique que plusieurs motocyclistes, tout comme les autres conducteurs, croient qu’ils peuvent boire et conduire : «Mais le danger est toujours là.» Outre le fait qu’ils n’ont plus toutes leurs aptitudes, ces conducteurs imprudents roulent à des vitesses folles, oubliant que la limite pour les motos est de 80 km/h sur l’autoroute. «Ils roulent n’importe comment en doublant par la gauche. D’autres font des slaloms ou encore prennent  les conducteurs par surprise», souligne Alain. 

 

Les concessionnaires des motos sur le marché actuellement ont également une part de responsabilité, selon Tony Georges. Ce passionné de moto de 48 ans explique que, dans le passé, les concessionnaires vendaient des mobylettes de 50 CC. Maintenant, dit-il, les motos sont en vente à partir de 100 CC. «Elles roulent beaucoup plus vite. Le jeune qui n’a qu’un learner et qui n’a aucune formation en conduite de moto court beaucoup de risques, surtout s’il fait fi des codes de la route. L’école de formation pour les motocyclistes, proposée par le nouveau gouvernement, est une réelle nécessité», précise notre interlocuteur.

 

La qualité des motos est un autre facteur mis en cause par les usagers de la route s’agissant des accidents. David *, 22 ans, en sait quelque chose : «Mon père a une vieille Yamaha 50 CC et moi, j’ai une moto neuve en provenance de Chine. Je préfère piloter la sienne, car elle a plus de tenue de route. J’ai choisi une chinoise à cause du prix, mais la qualité et la sécurité ne suivent pas, hélas.»

 

Cet avis n’est pas partagé par un concessionnaire d’une marque japonaise très connue. Il affirme, sous le couvert de l’anonymat, que toutes les motos sont «plus safe» de nos jours et que les gens ont une mauvaise perception de celles fabriquées en Chine. Hussein Mauthoor, directeur de Bike World, importateur exclusif de la marque Mondial, abonde dans le même sens. Il avance que la marque qu’il propose est très demandée, car elle est réputée pour sa solidité. «On ne peut pas être tenus pour responsables si des têtes brûlées décident de faire des modifications sur leur moto pour participer à des rallyes illégaux», lâche-t-il.

 

Les concessionnaires ne peuvent pas non plus être tenus pour responsables, selon Sunil Dewan, directeur de Dewan Motors Co. Ltd, importateur des marques Haojue, Sym et Bajaj, «de ce que les clients font après l’expiration de la garantie». Car, dit-il, même si les motos chinoises ou indiennes sont moins chères, car leur coût de production est moins coûteux, les normes de sécurité sont les mêmes partout dans le monde.

 

Les accidents se produisent également très souvent lorsque le rider n’est pas à l’aise sur sa moto. Royco Nobin, directeur de Motor Bike Café, représentant officiel de la marque Regal Raptor, en sait quelque chose. Cette moto américaine mondialement connue se démarque des autres au niveau du poids : «Nos motos sont plus stables et il y a des freins à disques à l’avant et à l’arrière pour plus de sécurité.»

 

Pour remédier à la situation, police propose deux solutions : des campagnes de sensibilisation et l’enforcement, c’est-à-dire appliquer la loi contre ceux qui ont fauté. En espérant que les motocyclistes seront moins nombreux à laisser leur vie sur nos routes.

 

Shazia Beekhy, une mère angoissée

 

Depuis que son fils Sadeem Beekhy est admis à l’unité des soins intensifs, après son accident de moto, cette mère craint le pire. «Je suis très angoissée. Je prie nuit et jour pour qu’il s’en sorte. Cela fait plus d’un mois qu’il est dans le coma. Il a commencé à ouvrir les yeux, mais n’a pas repris connaissance», confie Shazia Bheeky.

 

Les proches de Jianeshwar Juggernath révoltés

 

 

Ce vigile de 50 ans a été mortellement percuté par un autobus le lundi 23 février, alors qu’il se rendait sur son lieu de travail à motocyclette. Aujourd’hui, sa famille veut que le coupable paye. D’autant que, selon les proches de Jianeshwar Juggernath, celui-ci serait un récidiviste. «Comment cet homme pouvait-il continuer à conduire, alors qu’il serait déjà à l’origine de deux accidents fatals ? En plus, selon nos informations, il ne s’est pas arrêté après la collision», s’insurge un membre de la famille de la victime.

 

Après l’accident, le père du conducteur de l’autobus aurait déclaré à la police que c’était lui qui était au volant. Mais les enquêteurs avaient des informations selon lesquelles c’est le fils qui conduisait l’autobus au moment du drame. L’homme a été arrêté sous une charge d’homicide. C’est la troisième fois qu’il est arrêté pour le même genre de délit.

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