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30 novembre 2015 13:19
Enfin libre ! Dans les rues de Port-Louis en cet après-midi du jeudi 26 novembre, Aurore Gros-Coissy savoure sa liberté retrouvée. Marchant aux côtés de sa mère Séline et de sa meilleure amie Manon Forrat, la Française de 28 ans affiche son plus beau sourire alors qu’elle converse avec celles qui, durant quatre longues années, se sont battues pour qu’elle soit libérée. Mais pas seulement, car au-delà de leur combat personnel, c’est également toute une campagne d’information et de sensibilisation que Manon Forrat et Séline Gros-Coissy ont mené en France sur le trafic de Subutex entre la France et Maurice pour éviter que d’autres jeunes Français se fassent piéger.
Vêtue d’un pantalon noir et d’un chemisier rouge, coiffée d’une queue de cheval, c’est d’un pas assuré qu’Aurore se dirige vers la Chancery House où se trouve le bureau de son avocat, Me Rama Valayden. Dans l’ascenseur, de nombreux regards sont braqués sur la jeune femme qui ne se laisse pas décontenancer. Au contraire. La tête haute et le menton relevé, elle sourit légèrement en attendant que l’ascenseur s’arrête au sixième étage. Installée dans la salle d’attente et une fois les présentations faites, Aurore Gros-Coissy avoue d’emblée qu’elle a du mal à réaliser qu’elle est enfin libre. Libre !
«Je m’étais préparée au pire. Car des fois je me disais aussi que je n’allais jamais sortir de cette prison. Même si paradoxalement, j’ai gardé la foi et rêvé du jour où je mettrais les pieds dans un avion et m’envolerais pour la France, auprès des miens. Mais après le verdict prononcé en janvier me condamnant à 20 ans de prison, j’avais toujours cette crainte d’échouer une deuxième fois», explique-t-elle, la voix remplie d’émotion.
Alors que son destin se joue en cour d’appel le mercredi 25 novembre, Aurore Gros-Coissy est entre les murs de la prison, suspendue à une décision qui va déterminer son avenir. «J’étais anxieuse car je ne savais pas ce qui allait se passer. Puis, tard dans l’après-midi, mes copines m’ont annoncé la bonne nouvelle. Elles avaient écouté la radio, contrairement à moi. Je ne voulais pas y croire jusqu’à ce que j’aie la confirmation», lance-t-elle en se jetant dans les bras de sa mère.
En effet, le 25 novembre, la cour d’appel, composée du Senior Judge Eddy Balancy et des juges Ah-Foon Chui Yew Cheong et Gayatree Jugessur-Manna, a renversé le verdict de la cour d’assises prononcé par le juge Bobby Madhub le 30 janvier 2015, condamnant Aurore Gros-Coissy à 20 ans de prison pour trafic de Subutex. «Ma libération est un vrai miracle. C’est presque surréaliste. Mes prières ont été exaucées», dit-elle haut et fort en serrant de toutes ses forces le crucifix qu’elle porte autour du cou.
«Après mon arrestation, raconte-t-elle, une fille que je ne connais pas a approché ma mère en France et lui a demandé de me remettre ce crucifix. Depuis, je l’ai toujours autour du cou. À la prison, la foi m’a aidée à tenir bon. La prison m’a aidée à mieux me connaître et à connaître les autres. J’étais très engagée au niveau de la chorale, je participais à plusieurs activités, j’ai même appris le créole. Malgré tout, c’est une belle expérience humaine que j’ai vécue.»
Et lorsqu’on lui demande ce qu’elle prévoit pour la suite, Aurore précise que durant ces quatre années, son pays lui a terriblement manqué, surtout ses beaux paysages. Et pour rattraper le temps perdu, elle n’a qu’une idée en tête. Trouver du travail, mais pas n’importe lequel ! «Je veux devenir conductrice de train. Il n’y a pas meilleur moyen de voir du paysage. Mais d’abord je vais devoir suivre une formation. Dès que je serai en France, je vais me renseigner et me lancer dans cette voie», confie-t-elle.
Pour rappel, Aurore Gros-Coissy a été arrêtée à l’aéroport SSR le 19 août 2011 en possession de 1 673 cachets de Subutex. La Française avait soutenu qu’elle n’était pas au courant de la présence de ces comprimés dans ses bagages. Elle aurait été «piégée» par un ami de la famille, Tinsley Cornell, qui aurait dissimulé les cachets dans deux paquets de biscuits destinés à sa mère Giantee Ramchurm, chez laquelle la jeune femme devait séjourner à Maurice. Cette dernière a également écopé de 20 ans de prison dans cette affaire et a fait appel du verdict.
Séline, la mère d’Aurore fait ressortir que le plus important dans le combat qu’elle a mené durant ces quatre dernières années est que l’histoire de sa fille a eu un côté instructif en France. «Avant l’arrestation d’Aurore, on ne parlait pas du trafic de Subutex entre la France et Maurice. En France, le Subutex est un médicament alors qu’à Maurice, c’est considéré comme une drogue, souvent détournée de son usage premier. Après les campagnes d’information et de sensibilisation menées sur le sujet, la France est maintenant consciente du problème. Les jeunes ainsi que les adultes prennent beaucoup plus de précautions avant de voyager et vérifient leurs effets personnels», explique Séline Gros-Coissy. Elle ne veut conserver, dit-elle, que l’aspect positif de sa longue lutte pour que sa fille soit libérée. Une libération qui est «le cadeau de Noël de la famille».
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