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22 juin 2015 01:20
15h44, le vendredi 19 juin à l’hôpital de Candos. Jessica* est autorisée à rentrer chez elle après cinq jours d’hospitalisation. Dans la salle où elle a été accueillie, elle complète les dernières formalités auprès des infirmières qui sont les seules à connaître son lourd secret. Car pour les autres femmes admises dans cette même salle, Jessica est une patiente comme les autres, qui garde le sourire malgré le drame qui l’a conduite à l’hôpital.
Vêtue d’une petite robe grise qui lui arrive au genou et les cheveux humides ramenés sur le côté, elle laisse échapper un petit rire gêné lorsqu’elle croise le regard de sa mère. Cette dernière, venue récupérer sa fille, semble abattue par les récents événements. «Je n’en peux plus», lâche-t-elle les larmes aux yeux. Jessica, elle, perdue dans ses pensées, ne quitte pas des yeux son petit frère qu’elle n’a pas vu depuis plusieurs jours. Une dizaine de minutes plus tard, elle accepte de rompre le silence et de revenir sur les circonstances de son agression sexuelle.
C’était le dimanche 14 juin. Aux alentours de midi, elle quitte le domicile familial dans les hautes Plaines-Wilhems, en compagnie de sa cousine âgée de 14 ans, pour aller acheter des glaces à la boutique du coin. En cours de route, les deux jeunes filles auraient croisé le chemin de Mervin Rughoo, 22 ans. «Je le connais de vue. Il n’habite pas très loin de chez ma cousine qui était avec moi ce jour-là. Il nous a invitées à faire une balade et on l’a suivi sur les berges d’une rivière de la localité. Sur place, il nous a donné quelque chose à fumer et juste après, j’ai perdu connaissance. À mon réveil, j’étais partiellement nue et il y avait du sang sur mes sous-vêtements», raconte Jessica qui éclate en sanglots et se jette dans les bras de sa mère.
Quand elle se réveille, elle se rend compte que sa cousine est également inconsciente. «Je l’ai alors réveillée. Contrairement à moi, elle avait tous ses vêtements sur elle. On est ensuite rentrées sans rien dire à personne.» De retour chez elle, Jessica se mure dans le silence et se jette sur son lit, complètement épuisée. Sa mère, qui était allée à sa recherche durant sa longue absence, la questionne en la voyant dans un drôle d’état. Mais l’adolescente ne dit pas un mot.
«Je l’ai une fois de plus interrogée le lendemain matin sur son absence qui avait duré au moins trois heures et demie. Et elle a fini par me raconter ce qui s’était passé. Son père a aussitôt alerté la Child Development Unit qui a enclenché toutes les procédures», soutient-elle. La jeune fille a été examinée par le médecin de la police qui a confirmé l’agression.
Extrême pauvreté
Mervin Rughoo a été arrêté peu après et est maintenu en cellule policière. Il nie toutefois les faits qui lui sont reprochés. Selon nos recoupements d’informations, il serait connu des services de police pour des délits à caractère sexuel. La cousine de Jessica a, elle aussi, été entendue par les enquêteurs le vendredi 19 juin.
Pour Jean*, le père de Jessica, c’est un nouveau coup du sort qui s’abat sur sa famille et sa fille en particulier. «Ma fille est anéantie. Elle n’aurait pas dû vivre un tel calvaire. C’est une très bonne fille. Mais elle est malchanceuse», confie-t-il, le regard vide. Comme dans un vilain jeu de miroir, ce nouveau drame lui fait revivre celui qui s’était produit chez lui en 2013. Victime de harcèlement sexuel, Jessica avait fini par poignarder le responsable, Jocelyn Veerasamy, un ami de son père qui vivait avec eux. Après une enquête judiciaire initiée par le directeur des poursuites publiques, il a été décidé récemment qu’aucune charge ne serait retenue contre Jessica dans cette affaire. «Elle était très affectée après ce drame. Elle a vécu chez sa tante après cet épisode, puis chez sa grand-mère. Il y a environ sept mois, elle est revenue vivre avec nous et était en même temps suivie par un psychologue de la CDU», explique Jean.
Pour lui, tous ces malheurs qui s’abattent sur sa famille s’expliquent aussi par le fait que celle-ci croule sous le poids de la pauvreté et n’a pas un lieu pour vivre en sécurité. N’ayant pas d’endroit fixe où habiter, les siens et lui ont trouvé refuge dans une vieille maison abandonnée, sans vitres aux portes et aux fenêtres. Dans la cour, des déchets jonchent le sol alors que l’intérieur de la maison fait tout aussi peine à voir. «Moustik manz nou aswar», confie Jean qui est également père de trois autres enfants de 9, 5 et 3 ans. Pour faire vivre sa famille, il ne peut compter que sur une aide sociale mensuelle de Rs 7 400.
Pourquoi ne pas chercher du travail ? Jean, ancien footballeur, affirme qu’il s’était blessé au bras lors d’un match de football. «On m’a posé des vis au bras. Avant, j’étais porteur au marché, mais je ne peux plus faire ce métier à cause de mon état de santé.» Et son épouse ? «Elle doit veiller sur les enfants.»
Ce père dit souhaiter par dessus tout offrir à sa famille un toit décent, convaincu que c’est la solution à ses problèmes. «Des proches du nouveau gouvernement m’ont rendu visite et ont promis de m’aider.» Il garde l’espoir que sa situation va bientôt s’améliorer.
* Prénoms modifiés
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