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20 octobre 2015 17:07
Vêtu d’une chemise blanche et d’un pantalon noir, il tente tant bien que mal de cacher son visage avec ses mains, alors que les photographes de presse le mitraillent. C’est aux alentours de 12h30, le vendredi 16 octobre, que Dominique Ghislain Mathieu, entouré de quelques policiers, fait son entrée en cour de Bambous. L’air fatigué, le visage fermé, l’homme, âgé d’une cinquantaine d’années, vient de passer sa première nuit en cellule.
Il a été arrêté la veille pour avoir écrit le mot «voleuse» sur le front de sa nièce avant de l’envoyer à l’école. C’est l’institutrice de la fillette qui en a informé le maître d’école avant que l’affaire ne soit référée à la Child Development Unit et à la police. Mais alors que les autorités concernées complètent les formalités nécessaires en vue de l’arrêter, Dominique Ghislain Mathieu débarque dans les locaux d’une radio privée, accompagnée de sa nièce de 9 ans. Là, il traite la fillette de multirécidiviste et avoue être celui qui a écrit le mot «voleuse» sur son front. Cela, parce qu’il la soupçonnait d’avoir fait main basse sur un montant d’environ Rs 6 000, qui était rangé en coupures dans un coffre.
Suite à sa comparution en cour de Bambous, où une charge provisoire de maltraitance sur enfant a été logée contre lui, Dominique Ghislain Mathieu a retrouvé la liberté après avoir fourni une caution de Rs 10 000 et signé une reconnaissance de dette de
Rs 50 000. La magistrate a tenu à souligner la gravité de cette offense. Plusieurs conditions sont ainsi attachées à la remise en liberté du ressortissant français. Ce dernier devra notamment se présenter au poste de police le plus proche de sa localité deux fois par semaine.
Dominique Ghislain Mathieu s’est jusqu’ici muré dans le silence. Mais un de ses proches le défend bec et ongles, et parle de lui comme d’un homme au grand cœur. «Cela fait cinq ans qu’il vit à Maurice. Il est marié à une Mauricienne. La fillette en question est la nièce de cette dernière, soit la fille de sa sœur», explique notre interlocuteur, sous le couvert de l’anonymat. Selon nos recoupements, la mère de la fillette a eu des démêlés avec la justice. Durant cette période, son fils, âgé de 14 ans, et la fillette de 9 ans avaient été placés dans un abri pour enfants en difficulté. «Dominique leur rendaient visite et a pris les enfants sous sa charge. Il a un grand cœur et voulait les aider. Il n’a jamais eu l’intention de leur faire du mal.»
Dominique Ghislain Mathieu a retenu les services de Me Jamil Mosaheb qui nous a fait la déclaration suivante : «Mon client va collaborer pleinement avec la police et respecter les conditions qui sont attachées à sa remise en liberté. On va laisser l’enquête suivre son cour.» De son côté, la Child Development Unit a également ouvert une enquête (voir réaction d’Aurore Perraud en hors-texte). La fillette a, elle, de nouveau été placée dans un abri pour enfants en difficulté.
Une fillette de 10 ans tente de se suicider dans un shelter. Une autre est contrainte par son oncle à se rendre à l’école avec le mot «voleuse» écrit sur le front. Ces deux cas n’ont pas laissé Aurore Perraud de marbre. D’ailleurs, une enquête est en cour et son ministère, celui du Développement de l’enfant, y travaille également. «La situation des enfants à Maurice m’inquiète. Depuis que je suis en poste, j’ai reçu plusieurs courriers dans lesquels on fait état de maltraitance dans certains abris qui sont sous la responsabilité de mon ministère. J’y ai fait des visites surprise. Les infrastructures de certains d’entre eux laissaient à désirer et j’ai pleuré à chaque visite, car je ne savais pas que ces enfants vivaient dans de pareilles conditions», soutient la ministre. Depuis, dit-elle, des travaux de rénovation ont été entrepris dans ces shelters.
Qu’en est-il du personnel ? «Je mise sur la formation pour une meilleure qualité de service. Nous n’avons pas suffisamment d’abris pour accueillir les enfants en détresse. Paradoxalement, mon but n’est pas de construire des abris supplémentaires. Mais de les désemplir, car les abris sont surpeuplés», explique-t-elle. Un système de parents d’accueil serait une solution parmi d’autres, dit-elle. Il faudrait également redynamiser l’école des parents, renforcer les liens qui existent entre les ONG et le ministère du Développement de l’enfant, mais aussi la participation des citoyens en général. «Les parents doivent prendre leurs responsabilités. Mais s’ils ne sont pas formés, ils ne pourront pas accomplir leur devoir», précise Aurore Perraud.
Par ailleurs, ceux qui commettent des offenses envers les enfants doivent aussi bénéficier d’un encadrement psychologique, ajoute-t-elle : «Cela n’existe pas à Maurice. Il est temps de faire quelque chose en ce sens.»
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