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7 mars 2016 14:22
15h30. La salle 2.3 de l’hôpital de Rose-Belle ouvre ses portes. Allongé sur son lit, dans ce département réservé aux patients souffrant de problèmes orthopédiques, Aslam Noorsing fait peine à voir. Il a les deux poignets, le tendon d’un pied et la tête recouverts de bandages. Le tôlier de 28 ans est également placé sous perfusion.
Des larmes s’écoulent sans cesse de ses yeux tuméfiés, sur son visage boursouflé par les coups qu’il a reçus. Quelques heures plus tôt, cet habitant de New-Grove a subi une délicate intervention chirurgicale visant à suturer les plaies au niveau de ses poignets. Mais il peine à rester en place sur son lit tant la douleur est intenable.
Quelques minutes plus tard, ses parents débarquent, en larmes. Nizam, le père d’Aslam, le prend dans ses bras. Son épouse se sent défaillir. D’autres proches la font s’asseoir pour qu’elle puisse reprendre ses esprits. «Zot inn bat twakouma enn zanimo. Pa per mo garson, to papa pu tuzur la mem pu twa», lâche Nizam avant de quitter la salle pour laisser éclater sa douleur sous le regard peiné de son grand frère Ameen. Les autres hommes de la famille tentent tant bien que mal de le réconforter.
Aslam, lui, ne se fait aucune illusion : il sait, dit-il, qu’il va passer le reste de sa vie à souffrir à cause d’une «histoire de vengeance». «Je suis victime d’une vendetta», lâche-t-il, grimaçant de douleur. La raison : «J’avais une liaison extraconjugale avec une coiffeuse mariée et mère de deux enfants qui tient un salon dans ma localité et qui habite un village voisin. J’avais mis fin à notre relation lorsque ses proches ont appris notre liaison. Ces derniers avaient proféré de graves menaces à mon égard.»
Séparé de son épouse, Aslam est père de deux garçons âgés de 5 et 2 ans dont il a la garde. C’est d’ailleurs ce qui l’attriste le plus : «Mo ena de zanfan. Zot ti kapav kas mo lame ou mo lipie ou kit enn mark lor mwa. Plito zot ti touy mwa sa. Kouma mo pu fer pu nuri mo de zanfan aster ?» Sa vie a basculé dans la soirée du mardi 2 au mercredi 3 mars, quand il s’est rendu à Cluny pour dépanner un véhicule en difficulté, accompagné de son ami Fadil Edoo, un salesmande 24 ans.
Nizam raconte : «Notre famille a un garage ainsi qu’un dépanneur-remorqueur. Ce soir-là, j’ai reçu un appel vers 23h14. L’interlocuteur m’a dit que son véhicule était en panne à Cluny et qu’il avait obtenu mon numéro d’un ami. Je devais le remorquer jusqu’à Rose-Belle. Je lui ai alors donné le numéro de mon fils. Aslam était déjà sorti pour remorquer une Nissan à Midlands.»
Arrivés sur place, les deux hommes sont attaqués par un groupe de personnes encagoulées et armées de sabres. Peu après minuit, la police a découvert Aslam et Fadil gisant dans une mare de sang. Le premier avait les poignets sectionnés ainsi que d’autres blessures. Le second portait de graves blessures à la tête et à une main.
C’est l’oncle d’Aslam qui apprendra la terrible nouvelle en premier : «Un policier l’a appelé vers 00h55 pour lui dire qu’Aslam était grièvement blessé et qu’il fallait se rendre tout de suite à l’hôpital de Rose-Belle où on allait l’opérer. Sur place, je n’ai pu le voir car il était déjà en salle pour l’intervention. J’ai eu le choc de ma vie quelques heures plus tard lorsque je l’ai vu pendant les heures de visites.»
Nizam est toujours sous le choc de ce qui s’est passé : «Si mo garson pa ti solid zot ti pu fini touy li. Zame mo pa finn truv kitsoz kumsa avan. So lavenir fini. Dokter inn fer tou pu sov so bann pwagne me zot dir ki pa finn kapav fer gref akoz so lame ti fini vinn nwar. Docteur dir inn bizin 16 pint disan pandan so loperasion.»
Il est persuadé que son fils a été victime d’un règlement de comptes. C’est d’ailleurs la piste privilégiée par la police dans cette affaire. D’abord, parce que le jeune tôlier avait eu une liaison extraconjugale et aussi parce qu’il avait eu une violente altercation avec un pompier et un chauffeur d’autobus à la suite d’un incident.
C’était en novembre dernier, précise Nizam : «Ma femme, qui porte le voile, revenait de ses leçons islamiques en autobus. Elle a pris place à côté d’une vieille dame qui lui a dit qu’elle venait de tomber de son siège car l’autobus roulait à vive allure. Le chauffeur et le receveur se sont mis dans une grande colère lorsqu’elle a elle aussi déclaré que le chauffeur roulait effectivement un peu vite.»
Son épouse, poursuit-il, a alors été éjectée de l’autobus après s’être fait traiter de terroriste. «Mon épouse s’est blessée au visage en tombant de l’autobus. Elle a consigné une déposition à la police. Aslam l’a ensuite transportée à l’hôpital. En chemin, il est tombé sur le chauffeur et le receveur qui avaient agressé mon épouse. Ils se trouvaient chez un mécanicien», raconte Nizam. Les trois hommes en sont venus aux mains. Par la suite, le chauffeur a lancé à Aslam : «Apre mo pu montre twa.»
La police a déjà procédé à l’arrestation de trois suspects dans cette affaire. Les deux premiers ont été arrêtés quelques heures après le drame. Le troisième a été placé en détention policière le vendredi 4 mars. Les limiers sont en présence de certaines informations selon lesquelles l’un d’eux, membre d’un groupe socioculturel réputé pour de nombreuses frasques, aurait sollicité l’aide d’autres membres de ce groupuscule pour agresser Aslam Noorsing. Les trois hommes sont en détention sous une accusation de tentative d’assassinat. Ils nient les faits qui leur sont reprochés.
La police tente également de savoir si l’agression de l’habitant de New-Grove a un lien avec sa relation extraconjugale avec une jeune femme issue d’une autre confession religieuse. Outre les menaces qu’il recevait des proches de la jeune femme, celle-ci avait porté plainte contre Aslam il y a trois semaines. «Sa fam la ti met de fos sarz lor li. Li ti dir mo garson ti kraz so portab ek osi ti kokin so kas dan so sak. Tou sa la bien fos, mo garson pa enn voler», précise Nizam. Aslam avait été arrêté suite à cela et relâché sous caution. Nous n’avons pu avoir la version de la jeune femme sur toute cette affaire. Son salon est fermé depuis le soir de l’agression. Les deux numéros de téléphone mis à la disposition de ses clients sont hors service.
Aujourd’hui, les proches d’Aslam ne souhaitent qu’une chose : que justice soit faite au plus vite. Nizam, qui a aussi trois filles, avait de grands projets pour son fils. Il avait déjà fait l’acquisition d’un terrain pour y construire un nouveau garage. La famille attendait l’autorisation du conseil de district pour débuter les travaux. Nizam avait aussi acheté un plus grand dépanneur-remorqueur. Mais tous ces beaux projets semblent aujourd’hui à l’eau…
La Voice of Hindu se défend d’être mêlée à l’agression barbare dont a fait l’objet Aslam Noorsing. Son président Navin Unnoop s’explique : «La Voice of Hindu n’a rien à voir avec cette affaire. Ce qui s’est passé est vraiment triste. Je constate que ce n’est pas la première fois que des personnes utilisent le nom de notre association quand il y a un grave problème. Il faut cesser avec cette fâcheuse habitude. Tous nos membres sont pris en ce moment avec le pèlerinage de Maha Shivaratree.»
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L’ami d’Aslam a failli perdre une main dans cette agression. Les hommes encagoulés lui ont sectionné plusieurs doigts avant de s’acharner sur son ami. «Nous étions venus pour dépanner un van. Sur place, il y avait deux hommes. Lorsque nous nous sommes arrêtés, plusieurs hommes encagoulés et armés de sabres nous ont entourés. Ils ont d’abord fait voler en éclats le pare-brise du remorqueur avant de commencer à nous tabasser. J’ai reçu plusieurs coups avant de pouvoir prendre la fuite. Je n’ai rien pu faire pour sauver Aslam», raconte ce jeune homme de 24 ans.
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