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17 août 2015 02:03
Il s’appelle Ayush et est chaudement blotti dans les bras de sa grand-mère. Vêtu d’un ensemble de couleur bleu marine, il ressemble à tous les petits garçons de son âge. Le lundi 10 août, il a même fait ses premiers pas à l’école maternelle et s’est fait plein de petits camarades. Ce petit être au doux visage ne semble pas affecté par le drame qui s’est joué avant même sa venue au monde, le privant à jamais de son père Nitin Kumar Binda. Les photos du constable de 21 ans, mort noyé lors d’un exercice d’entraînement - où a aussi péri son collègue Louis Sylvestre Nanon, lui aussi 21 ans -, habillent le mur de la modeste maison de ses proches à Providence, Quartier-Militaire.
«Comme il se lève le matin, Ayush se place devant l’une des photos de son père et lui dit “bonjour papa”. Dès qu’il a été en âge de comprendre, je lui ai raconté ce qui était arrivé à son père et qu’il était au ciel avant même qu’il ne vienne au monde», raconte Laeticia, la mère du garçonnet. Depuis la mort de son compagnon, les malheurs de la jeune femme se sont enchaînés. En 2013, elle a perdu sa mère, décédée en Italie suite à des complications liées au diabète. «Depuis, mon père avait développé une défaillance cardiaque. Il est mort huit mois seulement après le décès de ma mère. Ce triple départ en si peu de temps m’a anéanti. Sans le soutien de ma belle-mère, je ne sais pas comment j’aurai survécu, surtout avec mon fils à ma charge », soutient-elle, les larmes aux yeux.
À ses côtés, Sujata, la mère de Nitin Kumar, a l’air tout aussi triste. Depuis ce samedi 29 septembre 2012, elle ne vit presque plus. «Je ne dors pratiquement pas le soir depuis que mon fils n’est plus», précise-t-elle. Depuis, elle n’a eu de cesse de réclamer justice pour Nitin. Elle espère que le lieutenant Atmanand Sookur, qu’il considère comme le responsable de la mort de son fils, répondra de ses actes devant la justice.
Dans le cadre de cette affaire, le Directeur des poursuites publiques a récemment confirmé les recommandations du Central Criminal Investigation Division de poursuivre le lieutenant au pénal pour homicide involontaire. Ainsi, les compagnons des deux membres de la SMF qui faisaient partie des futures recrues du Groupement d’intervention de la police mauricienne seront convoqués en octobre prochain.
Au moment des faits, cette affaire avait fait l’objet d’une tentative de cover-up en vue de dissimuler les circonstances de cette noyade et la thèse d’accident avait été évoquée. Mais celle-ci avait été vite abandonnée suite aux révélations des autres soldats présents au moment de cette séance d’entraînement et des exercices de reconstitution des faits suite auxquels le lieutenant Sookur avait fait valoir son droit au silence. Il est depuis défendu par Me Sanjeev Teeluckdharry. «Mon client se prépare à affronter son procès», nous a confié l’homme de loi alors que le principal concerné n’a pas souhaité faire de commentaires. «Il est tourmenté par toute affaire», nous a déclaré sa mère que nous avons rencontrée à son domicile le mercredi 12 août.
Chez les Nanon, à Château-Bénarès, Corinne et Sylvio attendent impatiemment les convocations des soldats présents au moment du drame. Ils sont convaincus que leurs témoignages sont primordiaux dans le cadre de cette affaire. «Nous sommes toujours en attente. On veut que justice soit rendue à notre fils. Aucune sentence ne le fera revenir. Mais au moins cela servira de leçon à d’autres instructeurs car ils réfléchiront à deux fois avant de mettre la vie de quelqu’un en danger», fait ressortir Corrine, la voix remplie d’émotion. Ce drame, précise cette dernière, est survenu au lendemain de l’anniversaire du père de Sylvestre. Depuis, il ne fête plus son anniversaire.
«Cette date coïncide toujours avec la mort de notre fils. On pense tout le temps à ce drame et le cœur n’est pas à la fête. Depuis son départ, un vide immense s’est installé dans notre famille. Plus rien n’est comme avant. Mais avec la grâce de Dieu, on avance.» De Providence à Château-Bénarès, les Binda et les Nanon sont unis par un seul et même souhait : que justice soit rendue à leurs proches disparus.
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