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Nos hôpitaux souffrent-ils d’un manque de médecins ?

24 mai 2015

Le Dr Wasseem Ballam et Ramesh Purunsing estiment qu’il faudrait plus de 100 médecins pour améliorer le service de santé publique.

10 mai. Nous consacrons notre Une à la triste histoire de Sharone Raya. Enceinte de neuf mois, cette dernière accuse le personnel médical d’être responsable de la mort de son enfant. Persuadée qu’il s’agit d’un cas de négligence médicale, elle porte plainte au ministère de la Santé et de la qualité de la vie, qui ouvre aussitôt une enquête.

 

Le dimanche 17 mai, c’est Corinne Marceline qui raconte, dans nos colonnes, comment elle a perdu son deuxième enfant au bout de son sixième mois de grossesse. Selon elle, son médecin traitant à l’hôpital a refusé de lui accorder un traitement – le cerclage du col de l’utérus qui réduit les risques d’une éventuelle fausse couche –, en se basant sur un protocole selon lequel ce n’est qu’au bout d’une troisième perte qu’une femme peut avoir recours à cette solution. Corine Marceline a aussi porté plainte à ce même ministère pour négligence médicale. Mais qu’en est-il vraiment ? Le protocole évoqué existe-t-il vraiment ?

 

Le ministère de la Santé et de la qualité de la vie, à qui nous avons fait part de nos interrogations il y a une dizaine de jours, ne nous a toujours pas fourni de réponse. Cela, alors que nous l’avons relancé à ce sujet à plusieurs reprises. 

 

S’il y a un secteur à l’hôpital qui demande une meilleure prise en charge, c’est bien la gynécologie. D’ailleurs, le dernier rapport de World Health Statistics, rendu public cette semaine, indique que Maurice est le seul pays d’Afrique à ne pas progresser en termes de mortalité maternelle entre 1990 et 2013. Selon ce rapport, 9 femmes sur 1 000 sont mortes des suites d’un accouchement ou durant l’accouchement en 2013, contre 4 femmes sur 1 000 dans les années 90.

 

Pour expliquer ce recul, le rapport évoque un manque de spécialistes en gynécologie et anesthésie, ainsi que l’absence de suivi durant la grossesse chez les personnes se trouvant au bas de l’échelle. Le 4 mai, l’ONG Save the Children révèle que Maurice se trouve à la 70e place (sur 179) de son classement annuel des meilleurs pays où une femme peut accoucher. Alors que l’année dernière, Maurice se positionnait à la 56e place de ce classement.

 

Selon Ramesh Purunsing de la Commission Amélioration Santé, la situation est alarmante dans les hôpitaux. Pour ce dernier, le recrutement de 100 médecins, comme annoncé par Anil Gayan, ministre de la Santé et de la qualité de la vie, ne suffira pas à résoudre ce problème. «100 médecins ne pourront pas apporter un équilibre dans les cinq hôpitaux régionaux de l’île. Il y a 450 médecins au chômage. Le service public aurait dû les recruter tous, s’ils ont les qualifications nécessaires. Or, on leur demande d’aller travailler dans d’autres pays d’Afrique ou dans le privé», se désole Ramesh Purunsing.

 

Il insiste pour que les services essentiels, tels que la gynécologie, la pédiatrie et l’anesthésie, opèrent sur un système de 24/7. «Actuellement, ces services fonctionnent sur ce qu’on appelle un système ‘‘on call’’. Les spécialistes sont chez eux durant la nuit et lorsqu’il y a une urgence, on les appelle pour qu’ils se présentent auprès du patient. Ce n’est pas normal. Car un patient peut mourir en attendant que le spécialiste arrive. Souvent, celui-ci habite à des kilomètres de l’hôpital où il travaille», souligne-t-il.

 

Le Dr Wasseem Ballam président du Medical Health Offciers Association, pour sa part, est aussi d’avis que 100 médecins ne changeront en rien la situation dans les hôpitaux. «Il y a définitivement un manque de médecins. Et les médecins généralistes sont même appelés à travailler plus de 30 heures non-stop. À un moment donné, on ressent la fatigue et le service qu’on offre à un patient n’est plus le même passée une certaine heure. On est fatigué, la concentration diminue», explique-t-il.

 

Le Dr Waseem Ballam poursuit : «Quasiment chaque année, le ministère recrute des spécialistes. Pour ce faire, il puise parmi les généralistes. Mais il faut les remplacer et c’est ce à quoi serviront ces 100 médecins. La situation sera donc la même.» Tout comme Ramesh Purunsing, le Dr Wasseem Ballam est d’avis qu’il faudrait embaucher plus de médecins pour améliorer le service de santé publique dans l’île. D’une part pour soulager les médecins et de l’autre pour mieux soigner les patients.

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