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Piratage, agression et arrestation : Sale temps pour les artistes

6 janvier 2016

Les artistes réunis devant la cour de Port-Louis, jeudi dernier, en soutien aux artistes arrêtés et pour dénoncer la situation.

Un au revoir violent à 2015 pour les artistes. Le 30 décembre, vers 13 heures, une vive altercation a eu lieu à Port-Louis, près du poste de police de Trou Fanfaron. Plusieurs artistes et producteurs de musique sont descendus dans la rue pour tenter de stopper la vente de CD locaux piratés. Ce qui a entraîné une violente rixe et l’intervention musclée de la police. Résultat : cinq arrestations et plusieurs blessés, dont quatre policiers qui ont eu des congés de maladie.

 

Parmi les blessés, on retrouve aussi Louis Degema Naidoo, plus connu comme Dr Boyzini, auteur du fameux Mon chevalet Decale L’Afrique, qui s’est retrouvé avec de multiples blessures à la tête à l’hôpital de Pamplemousses. «Nous essayons de faire comprendre à ces vendeurs que c’est illégal, que la musique c’est notre gagne-pain. Mais ils ont préféré être violents et les choses ne se sont pas arrangées quand la police est arrivée», dit-il. Jean Alain Résidu, autre chanteur qui milite contre le piratage, a aussi été agressé. Selon lui, il aurait été tabassé au nez et à la barbe de certains policiers du poste de police de Trou Fanfaron.

 

Sur place ce jour-là, les chanteurs Jean-Alain Résidu et Dr Boyzini, le producteur Michel Nany et Kenny Seenien, ingénieur du son, ainsi que Marvin Coret, un ami chanteur et Axel Emilien sont tombés sur des vendeurs de CD piratés à la foire aménagée à la gare du Nord. Avec une caméra, Jean-Alain Résidu était en train de les filmer quand il a vu Michel Nany courir derrière un des vendeurs.

 

«Peu après, un homme vêtu d’un jacket rouge s’est dirigé vers lui et a commencé à le réprimander. Il est aussi devenu très violent à l’égard de Dr Boyzini lorsque celui-ci a demandé des explications. Je me suis alors dirigé vers le poste de police de Trou Fanfaron pour porter plainte», raconte Jean-Alain Résidu.

 

Sur place, il apprend qu’il y a des blessés : «J’étais en compagnie d’Arnaud Poulay, plus connu comme Ti Ras du groupe Zenfan Agalega, lorsque nous avons été tabassés par un groupe de personnes alors que nous étions au poste de police de Trou Fanfaron. J’ai reçu un violent coup à la tête avec un casque de moto. Ti Ras a été blessé au bras droit. Les policiers présents ne sont pas intervenus.»

 

Or, l’inspecteur Shiva Coothen, responsable du service de presse de la police, précise que «la police est intervenue pour empêcher la situation de dégénérer. Il y a eu une intervention musclée dans le respect des droits humains».

 

Michel Nany, Dr Boyzini, Axel Emilien, Marvin Coret et Kenny Seenien sont arrêtés peu après. Michel Nany a été placé en détention au poste de police de Roche-Bois alors que Dr Boyzini a été admis à la salle 4 de l’hôpital de Pamplemousses. Kenny Seenien est, lui, admis à l’hôpital Jeetoo alors qu’Axel Emilien et Marvin Coret sont placés en détention policière au poste de police de Vallée Pitot et de Plaine-Verte respectivement. Ils font l’objet d’une charge provisoire d’assault with premeditationet assaulting police on exercise of their duty.

 

Les policiers, eux, soutiennent que lorsqu’ils sont intervenus, après avoir été alertés qu’il y avait une altercation entre des personnes agressant un autre individu, ils ont été attaqués par Seenien et Coret qu’ils ont par la suite arrêtés.

 

Ensuite, l’homme agressé est venu faire sa déposition, racontant qu’il achetait un CD d’un marchand ambulant lorsqu’il a été approché par Dr Boyzini qui aurait été en possession d’une matraque électrique et d’un cutter. L’homme allègue que le chanteur l’aurait menacé et lui aurait volé Rs 19 000 avant de prendre la fuite.

 

Le 31 décembre, lors de la comparution en cour de Port-Louis de tout ce beau monde, un grand nombre d’artistes, formant le collectif APRANE, s’est mobilisé en soutien à leurs semblables. 

 

Les artistes arrêtés ont, eux, obtenu la liberté conditionnelle après avoir fourni une caution.

 


 

Des artistes solidaires

 

Lors de la comparution des suspects de cette affaire, plusieurs artistes présents sur place ont fait entendre leur voix :

 

Gérard Louis : «Nous supplions les autorités depuis des années de se pencher sur le problème de piratage. Regardez maintenant à quel point ça a dégénéré. Nous demandons aussi au public de ne pas jouer le jeu et de ne pas acheter ces CD piratés.»

 

Bruno Raya : «Les marchands ambulants disent avoir été agressés, alors que ce sont les artistes et les policiers qui se retrouvent à l’hôpital. Comment expliquez-vous cela ? Comment expliquer que les artistes sont au courant des points de vente des produits piratés alors que la police ne semble pas le savoir ? Nous demandons aussi au Commissaire de Police quel est le nombre d’effectifs de l’Anti Piracy Unit.»

 

Siva, producteur musical et directeur de Dodo Music Shop : «Ils sont partis pour dénoncer le piratage, finalement ils sont devenus des victimes. Il n’y a jamais eu de bouncers, on a traité Michel Nany et Kenny comme des bouncers, car ils sont de forte corpulence et ont le crâne rasé. Nous avons l’impression que la police protège les pirates.»Jean-Jacques Arjoon : «Je dénonce la désinformation qui a suivi les événements et je suis choqué de voir des artistes blessés et menottés.»

 

Désiré François : «Le piratage est un problème qui peut être résolu. Les artistes voudraient rencontrer le Premier ministre et en discuter.»

 

Textes : Stephane Chinnapen et Jean Marie Gangaram

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