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Plusieurs accusations rayées cette semaine : La compétence de nos enquêteurs en question

28 novembre 2016

Manque de preuves. Encore une fois, c’est ce qui a motivé la justice à ne pas aller de l’avant avec plusieurs affaires en Cour ces dernières semaines, notamment durant celle écoulée. Il y a eu l’affaire Betamax où six personnalités, dont Navin Ramgoolam et Anil Bachoo, ont obtenu des non-lieux et celle où le Français Om Lombard, directeur d’une animalerie, était poursuivi pour trafic de gandiadissimulé dans de la nourriture pour oiseaux. Il avait été arrêté le 13 avril et avait retrouvé la liberté conditionnelle le 25 avril.

 

Le procès a été appelé devant le tribunal de Mapou le jeudi 24 novembre. Mais les enquêteurs n’ont pu produire un rapport où il est fait mention que les produits saisis contenaient du gandia. La charge provisoire a alors été rayée à la satisfaction d’Om Lombard qui n’arrêtait pas de clamer son innocence. «La vérité reprend ses droits car sept mois et demi d’injustice s’achèvent», clame-t-il (voir plus bas).

 

La police avait déjà reçu une gifle magistrale la veille. Le bureau du Directeur des poursuites publiques a publié un communiqué pour dire qu’il n’y a aucune preuve contre les six suspects arrêtés dans l’affaire Betamax pour entente délictueuse, dont l’ex-Premier ministre Navin Ramgoolam et l’ancien ministre Anil Bachoo. À ce jour, huit des onze accusations retenues contre l’ancien chef du gouvernement ont été rayées, notamment dans les affaires Betamax, BAI et terres de l’État.

 

Pourtant, la police a réalisé plusieurs gros coups depuis le début de l’année en matière criminelle et dans le domaine de la drogue. Il y a eu plusieurs arrestations et des enquêtes qui tiennent la route. Mais c’est aussi un fait que certaines enquêtes ne sont toujours pas résolues. En février, le cadavre calciné de Soopamah Ramasawmy, 61 ans, était retrouvé à son domicile. L’habitante de La Rosa aurait été victime d’un acte malveillant. Mais, à ce jour, la police n’a pas élucidé cet assassinat.

 

Nomination politique

 

Le 1er mai, Didier Armel, un charpentier de St-Pierre, était retrouvé sans vie dans son atelier. L’homme de 42 ans avait perdu beaucoup de sang suivant une lacération du pénis. Il avait aussi une fracture du crâne. La police est convaincue qu’il a été victime d’une vengeance. Deux personnes ont été interpellées mais toujours pas d’arrestation. Ce ne sont là que deux exemples. Comment expliquer tout cela ?

 

Bala Kamatchi, ancien haut gradé, qui a terminé sa carrière au Central Criminal Investigation Department, a sa petite idée sur les récentes débâcles de la police : «Les enquêteurs sont nommés politiquement dans certains cas et non sur la base de leurs compétences.»Et de poursuivre : «Auparavant, avec un simple diplôme de senior, on menait de grosses affaires, maintenant, alors que les enquêteurs ont des LLB, les accusations sont rayées en Cour. Dans le passé, les accusés réclamaient leurs droits au silence me nu ti konn al rod prev kont zot

 

L’ancien responsable du CCID s’amuse presque que certains enquêteurs choisissent la voie de la facilité en mettant une charge provisoire contre une personne «pu fer plezir x ou y» : «Sa surintendant, inspekter ou serzan ki fer lanket la so lapay parey kuma so koleg ki soufle trompet dan Police Band. Zot nepli oule pran risk akoz ena dimun pourswiv zot apre akoz sa zot met sarz provizwar pu fini pli simp.»

 

Avis que partage l’ancien numéro 2 de la Major Crime Investigation Team, Ranjit Jokhoo : «Dans le passé, les anciens étaient des guides. On apprenait à faire des enquêtes au poste de police. De nos jours, il y a des hauts gradés qui sont devenus chefs sans avoir élucidé une enquête ou déposé en Cour dans un procès.»

 

Cette «incompétence» de la police est aussi mise en avant par ceux qui n’ont pas obtenu justice. Comme c’est le cas de John McAreavey. Les assassins de sa femme Michaela Harte, tuée lors de leur lune de miel à Maurice en 2011, courent toujours. Dans un entretien exclusif accordé à 5-Plus en octobre, John McAreavey avait pointé du doigt les lacunes de la police mauricienne. Selon lui, les enquêteurs avaient agi en amateurs et n’avaient pas assez approfondi ou étudié des pistes sérieuses.

 

Résultat : les deux suspects ont été trouvés non coupables à l’issue du procès aux Assises. L’un d’eux, Avinash Treebhowon, réclame des dommages de Rs 75 millions à l’État dans une plainte déposée en Cour suprême, le vendredi 25 novembre.

 

Toutefois, au niveau de la police, on explique que tout est fait pour boucler les enquêtes correctement mais que certaines décisions sont indépendantes de la volonté des enquêteurs. Les policiers reconnaissent que certaines casessont toujours pending ou sont rayées en cour et qu’il n’est pas toujours possible de réunir des preuves et trouver un coupable. Cela ne veut pas dire, disent-ils, que tout n’est pas fait pour y arriver. D’ailleurs, plusieurs formations universitaires continues sont offertes aux enquêteurs pour qu’ils puissent mieux faire leur travail.

 


 

Om Lombard : «La vérité reprend ses droits»

 

Il a dû attendre presque huit mois pour que justice lui soit rendue. «La vérité reprend ses droits car sept mois et demi d’injustice s’achèvent», souligne Om Lombard qui a toujours clamé son innocence après son arrestation pour trafic de gandiadans de la nourriture pour oiseaux. L’homme d’affaires explique qu’au-delà de la pression morale, cette affaire lui a causé des préjudices financiers : «Je ne pouvais pas voyager pour mes affaires alors que j’ai pour habitude de le faire chaque deux semaines. En août, mon permis de résidence et mon permis de travail n’ont pas été renouvelés. C’était une situation inédite et incroyable car j’étais sans passeport.»

 

Un premier combat s’est achevé. Om Lombard se lance désormais dans un autre : «Je précise que je n’ai pas d’esprit de vengeance. La radiation de la charge provisoire coïncide avec deux bonnes nouvelles. Alain Ramanisum et son épouse Laura me proposent de participer à leur prochain clip. Il y a aussi mon projet d’une fondation avec Sunny Leone pour la protection des animaux. La star revient en janvier dans le cadre de notre projet.»

 


 

Zoom sur deux grosses enquêtes non résolues

 

L’affaire Bassin Blanc

 

Qui a tué les amants Ramesh Sandooram et Anshi Ittoo en 2002 ? Cette question est toujours sans réponse. Pourtant, la magistrate qui a présidé l’enquête judiciaire a conclu que l’homme d’affaires et sa jeune maîtresse ont été victimes d’un acte malveillant. L’ancien chef du service médico-légal de la police, le Dr Satish Boolell, avait conclu que les deux amants n’ont pas été victimes de noyade, bien que leurs corps retenus l’un à l’autre par une ceinture, avaient été retrouvés dans le cratère de Bassin Blanc. Ils ont succombé à une hémorragie cérébrale causée par des coups violents à la tête. D’autres blessures ont également été décelées sur leurs cadavres et ne sont nullement compatibles à une chute, voire un suicide, comme avait pensé la police. Cette affaire n’a toujours pas été élucidée à ce jour.

 

L’affaire Nadine Dantier

 

Nadine Dantier, 20 ans, est retrouvée morte, le 25 juin 2003, dans un terrain en friche à 400 mètres de sa maison, à Albion. La jeune femme est assassinée après avoir été violée. Peu après, Marcelin Azie, un habitant de la localité, est arrêté et accusé de ce meurtre. À l’époque, il construisait un mur autour de l’église d’Albion. Il est relâché sous caution après plusieurs mois de détention. Il est complètement disculpé par les résultats des examens ADN. Une lettre anonyme avait relancé l’affaire il y a quelques temps. L’auteur affirme qu’il a assisté au viol et au meurtre. Il serait un ancien aide-maçon. Dans sa missive, il donne des détails précis sur les présumés meurtriers soit la description physique de deux hommes, la voiture dans laquelle ils voyageaient à l’époque mais 13 ans plus tard, sa famille attend toujours justice.

 


 

Affaire Betamax : des non-lieux comme s’il en pleuvait

 

C’est une sacrée moisson pour l’ancien Premier ministre. Sous le coup de 11 accusations, Navin Ramgoolam a été «libéré, délivré»de huit d’entre elles (pour l’instant). La dernière «victoire» du leader du PTr : les accusations provisoires dont il faisait l’objet dans l’affaire Betamax ont été rayées, cette semaine. Il avait été accusé d’avoir mis la pression sur l’ex-ministre Mahendra Gowreessoo pour que ce dernier favorise Veekram Bhunjun et Betamax, la compagnie dont il est le CEO, afin que cette dernière s’occupe du transport des produits pétroliers provenant de l’Inde.

 

Anil Bachoo, accusé d’entente délictueuse (conspiracy) et d’avoir influencé un fonctionnaire, a, lui aussi, bénéficié d’un non-lieu. Idem pour Veekram Bhunjun. Et pour Reshad Hosany, ancien Permanent Secretaryau ministère du Business, et Ranjit Singh Soomarooah, ancien directeur général de la State Trading Coporationaussi, concernant la charge de conspiracy. Kalindee Bhanji, ancienne Permanent Secretaryau ministère du Business, ne devra pas, non plus, faire face aux accusations de fraudulent alteration of cabinet memo. C’est le Directeur des poursuites publiques qui a émis un communiqué pour déclarer qu’aucune charge ne serait retenue contre ces six personnes faute de preuves.

 

Yvonne Stephen-Lavictoire

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