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19 mai 2014 02:00
C’est la grogne dans plusieurs endroits de l’île. Précisément aux alentours des points où les drogués viennent récupérer leurs comprimés de méthadone dans le cadre de leur sevrage. Il y a 16 centres de distribution de ce traitement dans l’île, dont ceux situés dans la cour des hôpitaux et des centres de santé à travers l’île, et 6 000 patients, selon la National Agency for the Treatment and Rehabilitation of Substance Abusers (NAtreSa), dont quelque 400 sont considérés comme des cas critiques, soit ceux qui ont peu de chances de s’en sortir. Ce sont justement ces centaines de drogués qui, selon l’agence responsable de la distribution de méthadone, sèmeraient la panique dans certains endroits où ils vont chercher leurs comprimés de substitution.
Noorani Aurdally, président du Mouvement pour le Progrès de Pailles, ne dira pas le contraire. Il se dit bouleversé par ce qui se passe quotidiennement dans le Drop In Centre de Pailles, situé à quelques mètres d’une école primaire : des patients sous traitement de méthadone s’adonneraient carrément, dit-il, au trafic de méthadone devant les enfants. «Le trafic de méthadone existe bel et bien. Ceux qui s’y adonnent sont dans le circuit et se connaissent très bien. Ils font mine d’avaler leurs comprimés avant de les recracher et les revendre à d’autres qui sont en manque. Quel exemple donnent-ils à ces élèves qui assistent chaque matin à un tel spectacle ?» s’exclame le travailleur social.
Et ce n’est pas tout, selon Noorani. Un autre problème, dit-il, c’est que les toxicomanes occupent depuis belle lurette l’espace de loisirs à Pailles. Il cite en exemple, le kiosque situé non loin du poste de police de la localité, qui a été complètement rénové l’année dernière avec l’aide financière d’une firme privée, «Kiosk fini vinn vye. Tou finn demantibile ladan. Bann abitan ki ti pe vinn la finn aret vini. Zot per pou zot sekirite. Ils sont devenus des étrangers dans leur propre localité», témoigne Noorani.
«La tension monte»
Les habitants de la région de Pamplemousses, à proximité de l’hôpital, se plaignent aussi de la situation concernant les toxicomanes qui viennent récupérer leur méthadone. Comme en témoigne Nadine, qui habite non loin et vient rendre visite chaque matin à sa cousine, hospitalisée depuis bientôt deux mois suite à une intervention chirurgicale. «Ou nek ena pou vinn kot l’hôpital du Nord a partir 6 heures ek ou pou trouve ki kalite dezord certains toxicomanes fer kan zot fini pran zot doz», déclare-t-elle.
Selon Nadine, une fois que les toxicomanes ont pris leur dose dans le centre qui se trouve dans la cour de l’hôpital, ils se regroupent sous un arbre en face de l’établissement ou à quelques mètres plus loin, à proximité de la gare routière, pour discuter entre eux. «C’est là que tout commence. Ils parlent à haute voix et parfois la tension monte. Ils se chamaillent entre eux sans aucun respect pour ceux qui viennent rendre visite chaque matin à des proches à l’hôpital. Je soupçonne que certains d’entre eux n’avalent même pas leur dose de méthadone prescrite et la recrachent pour ensuite la revendre à leurs amis qui visiblement ont besoin de quelques doses supplémentaires pour se satisfaire.»
À Sainte-Croix également, les habitants sont très remontés contre ces toxicomanes qui viennent faire du désordre dans leur endroit. Kon Desirée, qui habite non loin d’un centre de distribution, crie haut et fort son ras-le-bol : «Ceux qui fréquentent ce centre représentent un danger pour les habitants. Les bénéficiaires du traitement à base de méthadone minent notre existence. Pas plus tard que la semaine dernière, une toxicomane a agressé un marchand ambulant avant de lui voler une somme d’environ Rs 2 000. Nous ne nous sentons plus en sécurité.»
En juillet 2013, un infirmier s’était également fait agresser par un patient sous traitement de méthadone dans le centre de distribution de Sainte-Croix, qui aurait tenté de l’étrangler. Ce dernier n’aurait pas vu d’un bon œil que l’infirmier en question lui ait refusé des médicaments. Face à cette situation, les habitants de la région ont décidé de dire stop. Les membres des forces vives de Sainte-Croix ont même manifesté le mois dernier pour réclamer la délocalisation de ce centre.
Imram Dhanoo, le directeur du centre Idriss Goomany, est d’accord sur la nécessité de ce traitement de substitution aux drogues, mais il tire lui aussi la sonnette d’alarme : «La méthadone contribue énormément à réduire la dépendance à la drogue. Mais il faut avoir un contrôle plus rigoureux et un suivi régulier pour éviter les dérapages après la distribution de cette substance.»
Du côte de la NAtreSa, on reconnaît qu’il y a effectivement des problèmes dans plusieurs régions où la méthadone est distribuée. «Il faut que les autorités revoient les mesures prises pour assurer la distribution de méthadone. Il faut que la police soit plus vigilante car la situation pourrait dégénérer un jour entre certains toxicomanes et des habitants des endroits où se trouvent les centres de distribution», soutient un haut responsable de l’agence.
Mais, dit-il, la poursuite de ce projet dans lequel le gouvernement a investi Rs 18 millions est nécessaire. Grâce à lui, le nombre de personnes souffrant de dépendance aux drogues a diminué, comme cela a été le cas ces trois dernières années.
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