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31 mai 2016 17:12
Au premier coup d’œil, le domicile des Adrien, à Saint-Hilaire, ressemble à une maison hantée. Les vitres ont volé en éclats. À la place : du carton, des tôles et des bâtons en guise de barrage. À l’intérieur, l’état des meubles et les marques laissées par les coups de sabre ne passent pas inaperçus. Le silence qui y règne fait frissonner.
C’est cette maison qui abrite le couple Adrien et ses cinq enfants. Allongée sur un lit dans une pièce transformée en chambre de fortune, Véronique, 34 ans, peine à se relever pour rejoindre son époux Nicolas, également âgé de 34 ans. Ce dernier est assis sur ce qu’il reste de canapé, dans une pièce qui leur servait auparavant de salon. «Mes nombreuses cicatrices me font très mal en hiver. Je vis un véritable calvaire depuis que j’ai perdu l’usage de ma main gauche. Mes blessures au pied gauche m’empêchent également de marcher», explique la jeune femme, au bord des larmes.
Elle est devenue infirme suite à une agression sauvage. C’était le 18 octobre 2014. Lorsqu’elle abord le sujet, le ton en dit long sur son état d’esprit. Nicolas est également hors de lui. Cet ancien laboureur a dû ranger sa pioche pour prendre soin de son épouse. La famille vit de l’aide sociale de Rs 9 000 versée à la jeune femme depuis son agression.
Le soir fatidique, Véronique et Nicolas reviennent à moto d’une partie de chasse lorsqu’un gang de 20 à 25 personnes armées de sabres leur barre la route à proximité de Mare-Chicose. «Je n’ai pas pu les éviter. Je suis tombé dans un champ de canne après avoir reçu un coup de sabre sur mon casque. Mon épouse est également tombée. L’un des assaillants lui a donné des coups de sabre à la main et au pied gauche. Le reste de son corps était coincé sous la moto», raconte Nicolas.
Transportée à l’hôpital, Véronique subit plusieurs opérations. Le chirurgien propose d’amputer sa main, la blessure étant très profonde. Mais elle refuse. «A koz samem mo lame nepli ena okenn mouvman aster», explique-t-elle. Après 13 jours d’hospitalisation, elle gardera la main et le pied dans le plâtre pendant quatre mois. Dans sa déclaration à la police, le couple incrimine un pompier habitant Saint-Hubert et soupçonne un voisin avec qui il entretenait une relation tumultueuse. «Seul le pompier a été arrêté et libéré sous caution après avoir menacé mon oncle avec un révolver au marché de Mahébourg», raconte Nicolas.
Plus d’un an plus tard, le 6 décembre 2015, le gang revient à la charge et saccage la maison des Adrien. «Il était 23h15 lorsque j’ai entendu un bruit. Quand je suis sorti de ma chambre pour voir ce qui se passait, je suis tombé sur au moins 30 personnes armées. Certains portaient des cagoules, d’autres étaient à visage découvert. L’un d’eux avait brisé une vitre pour entrer dans notre maison. Il a ensuite ouvert la porte pour laisser entrer les autres», raconte Nicolas. «Zot ti pe kriye bizin touy li», poursuit-il.
Nicolas et les siens prennent alors la fuite par la porte de derrière. «Nous avons trouvé refuge chez des voisins», souligne Nicolas qui pense que cette deuxième agression a un lien avec l’arrestation du pompier. À ce jour, le couple ne sait pas où en est l’enquête. Mais Nicolas et Véronique ont participé à une parade d’identification et le pompier et cinq autres membres du gang ont été arrêtés. «Nous vivons dans la frayeur. Nous craignons une troisième agression», confient-ils.
Dass Ramasawmi, 65 ans, vit également dans la frayeur. Cet ancien policier de 65 ans, habitant Beau-Vallon, affirme que le même gang a saccagé sa maison le 25 février. «Il y avait entre 150 et 200 personnes. J’ignore pourquoi ce gang s’est attaqué à ma famille. Nous avons dû abandonner la maison et aller chez un voisin avec mes enfants, mes belles-filles et mes petits-enfants. Mon petit-fils de 2 ans aurait pu mourir. Une grosse pierre a atterri dans son berceau», raconte-t-il.
Ce retraité est très remonté contre ses collègues de la police. «Il n’y a eu que deux ou trois arrestations. J’avais donné les numéros des plaques d’immatriculation de plusieurs voitures qui se trouvaient devant notre porte, mais la police n’a rien fait. Selon mes informations, ce gang sectaire est infesté de policiers. Le soir de l’agression, un inspecteur est intervenu pour empêcher les autres policiers de venir nous porter secours. Ce n’est qu’après que les membres du gang sont tous partis que la police est arrivée», affirme-t-il.
Selon Dass, ce gang multiplie les démonstrations de force en public, sans être inquiété par la justice. Ce qui est une grave anomalie, lâche-t-il. D’autant que ce gang serait très proche d’un autre groupuscule ayant des cellules à travers le pays, mais aussi de certains politiciens.
La dernière action en date imputée à ce groupe est l’agression d’Aslam Noursing. Dans la nuit du mardi au mercredi 2 mars, peu après minuit, la police se rend à Banane suite à une requête. Sur place, elle trouve un camion remorqueur garé avec le pare-brise cassé. Non loin, deux hommes sont retrouvés au sol, blessés. L’un d’eux est Aslam Noursing. Ce tôlier de profession baigne dans une mare de sang et a les poignets sectionnés, entre autres blessures. Il est transporté à l’hôpital de Rose-Belle. Son ami, Fadil Edoo, 24 ans, a aussi de graves blessures à la tête et à une main, et ses doigts ont été sectionnés.
Le soir fatidique, Aslam et lui ont pris la route suite à un appel téléphonique. Mais à destination, ils ont été agressés. La CID de Rose-Belle a procédé à l’arrestation de quatre suspects, dont le pompier de Saint-Hubert et un chauffeur d’autobus. Ils font l’objet d’une charge provisoire de tentative d’assassinat. «Mo anvi kone kifer lapolis pa ankor fer parad idantifikasion ziska ler», s’insurge Aslam qui attend toujours l’autorisation de la police pour faire une quête en vue d’acheter des prothèses.
La Voice of Hindu (VOH) persiste : elle n’a aucun lien avec le gang qui sévit dans le sud de l’île. Son président, Navin Unnoop, s’explique : «Ce n’est pas la première fois que des personnes utilisent le nom de notre association quand il y a un grave problème. Il faut cesser avec cette fâcheuse habitude. Je précise que la police nous a déjà interrogés après un rapport du National Security Service qui nous avait pris en filature. Des membres de la VOH font régulièrement du jogging à Grand-Bassin. Nous profitons également pour faire du social là-bas. Nos véhicules sont fouillés. Il n’y a rien contre nous.»
Des forces vives du Sud, regroupées au sein du Comité de soutien pour la justice, dénoncent les agissements de ce gang sectaire. Le président de ce mouvement, Riad Hullemuth, sollicite une rencontre avec le Premier ministre pour lui faire part de ses doléances. Il lui a écrit dans ce but le vendredi 27 mai. Le Comité invite également le commissaire de police à mettre de l’ordre dans la Southern Division. Riad Hullemuth recommande que Mario Nobin mette sur pied une Special Cell avec, à sa tête, le surintendant Daniel Monvoisin afin d’enquêter sur toutes les affaires dans lesquelles le gang est impliqué. Il souligne que le Comité animera des rassemblements à travers le pays en vue de sensibiliser la population si ses requêtes ne sont pas prises en considération. Le mawlana Khodadin a, pour sa part, invité la population a ne surtout pas céder aux provocations de ce gang.
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