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21 juillet 2014 15:50
La jeunesse est l’avenir du monde, cela va sans dire. À Maurice comme ailleurs. Mais au train où vont les choses, on se demande si ce sera un avenir meilleur ou le contraire. Car sans vouloir mettre tout le monde dans le même panier, il semble que certains jeunes, y compris les collégiens, ne nous laissent augurer rien de bon de part leur comportement pour le moins violent. On l’a constaté à travers les diverses agressions et actes malveillants impliquant des jeunes qui vont encore à l’école. Mais que se passe-t-il chez nos ados ? C’est la question que la plupart des Mauriciens se posent ces derniers temps.
Il y a deux semaines, un jeune a été grièvement agressé par un de ses camarades et a dû subir une délicate intervention pour se faire enlever un testicule. La semaine dernière, deux jeunes filles en sont venues aux mains à la gare du Nord et l’une d’elle a fini par agresser l’autre au cutter, pour une histoire de petit ami. L’une a fini à l’hôpital, l’autre en cellule policière. Ce n’est pas tout. Mardi dernier, deux étudiants de la capitale, âgés de 16 et 15 ans respectivement, ont eu une violente altercation dans les rues de Port-Louis. Agressé à l’arme blanche par son adversaire, l’adolescent de 16 ans a été admis à l’hôpital. l’autre de 15 ans, qui avait sollicité l’aide de son ami de 18 ans pour l’aider dans sa sale besogne, a été placé en détention. Il y a également eu, il y a quelques jours, l’épisode où des élèves s’en sont pris au véhicule de leur recteur à coups de brique.
Mais comment expliquer cette spirale de la violence dans laquelle nos jeunes sont entraînés et surtout, comment l’enrayer ? Rita Venkatasawmy, directrice du CEDEM, donne son point de vue sur le sujet : «Les familles ont démissionné de leurs responsabilités. Il y a une perte des valeurs totale chez les jeunes car certains parents n’inculquent plus certains principes à leurs enfants ainsi que la discipline. Les établissements scolaires doivent aussi trouver une solution pour venir à bout de ce problème qui persiste dams les écoles. Par exemple, l’UNESCO a donné, dans un rapport, des lignes directrices concernant la façon dont il faut gérer la violence chez les jeunes et sur la façon de promouvoir une culture de paix chez eux. Il faut que le ministère de l’Éducation s’appuie dessus. Mais il faut également responsabiliser les jeunes car avoir des droits c’est bien, mais les responsabiliser, c’ est encore mieux.»
Pour Véronique Wan Hok Chee, psychologue, ces violences pourraient s’expliquer par le «trop plein» ressenti par certains jeunes qui ont des difficultés à se faire entendre : «La jeunesse est saturée. D’un côté, il y a la démission des parents et de l’autre, il y a le comportement agressif de certains enseignants qui utilisent un langage abusif envers eux. Certains jeunes sont marginalisés parce que leur père est en prison et que leurs enseignants n’hésitent pas à leur dire qu’ils finiront eux aussi derrière les barreaux. J’ai vu plusieurs cas comme ça. L’enfant n’a d’autre choix que de riposter car il est blessé, surtout quand on lui fait ce genre de remarques devant ses autres camarades.»
Selon la psychologue, les relations entre les jeunes sont également très compliquées, ce qui n’arrange pas les choses. «Il y a la rivalité, les compétitions, certains subissent même des pressions psychologiques et du bullying. À l’heure actuelle, il n’y a pas que les institutions primaires et secondaires qui sont concernées par ces cas de bullying. Il y a aussi les écoles maternelles. Ceux qui sont en dernière année de pré-primaire font des misères aux plus petits. Certains crachent dans la nourriture de leurs petits camarades, d’autres volent leurs gâteaux. Ils refusent de partager leur espace. Ils n’ont pas une culture de partage. Aux parents de bien éduquer leurs enfants.»
Interpellé par les agressions des profs, Vinod Seegum, le président de la Government Teachers Union, se prononce, lui, en faveur d’une loi pour la protection des enseignants. «Depuis le début de l’année, nous avons enregistré une centaine de plaintes venant d’enseignants qui ont été agressés dans l’exercice de leurs fonctions. Ces violences ont été commises par leurs propres élèves ou par les parents de ces derniers. Il faut une loi en bonne et due forme pour protéger les enseignants et dissuader les parents à être violents envers eux. Trop, c’est trop. Je suis en faveur des droits des enfants, mais il faut aussi les responsabiliser. Car valeur du jour, les élèvent pensent qu’ils sont au-dessus des lois parce que les enseignants n’ont pas le droit de leur infliger n’importe quelle punition, encore moins de les verbaliser. C’est interdit. D’autre part, il y a aussi certains parents qui exercent des chantages sur les enseignants. Si celui-ci a verbalisé un enfant, il n’est pas rare de voir le parent de l’élève débarquer à l’école et demander de fortes sommes d’argent à l’enseignant en question en guise de récompenses. Ainsi, le parent promet de ne pas dénoncer l’enseignant à la police. Mais c’est absurde !»
Du côté des enseignants, c’est le même sentiment d’insécurité et d’impuissance. Aurore, qui compte deux ans d’enseignement dans un établissement secondaire situé dans la région ouest de l’île, brosse un tableau plutôt sombre de la situation actuelle dans les écoles. «Je travaille dans une école mixte et je peux vous dire que les filles sont plus violentes que les garçons. Le langage qu’elles utilisent donne froid dans le dos. Que ce soit envers leurs camarades, leurs enseignants ou même le recteur, c’est le même comportement et le même langage ordurier. C’est dû à l’environnement dans lequel elles évoluent et elles ont vraiment du mal à suivre les règles, à se plier à la discipline Personnellement, je fais souvent appel à leurs parents. Certains ne viennent jamais alors que ceux qui font la démarche de se rendre à l’école pour une rencontre avouent que leurs enfants leur rendent la vie dure. Dans certains cas, il n’est pas rare d’entendre “ayo miss mo nepli kapav gete ki ou pou fer ek li”», fait ressortir l’enseignante.
Si Vinod Seegum se dit en faveur de l’introduction de caméras de surveillance dans les écoles ainsi qu’une sécurité renforcée à travers des vigiles dans les établissements scolaires, il y a toutefois une chose qui l’intrigue : l’âge avancé des vigiles que l’on retrouve dans les écoles. «On voit toujours des hommes à la retraite, d’une soixantaine d’années ou plus, qui assurent la sécurité dans les écoles. Je suis sûr qu’ils ne peuvent même pas assurer leur propre sécurité. Donc, je me demande comment ils vont faire si des bouncers débarquent dans les écoles pour s’en prendre aux parents ? Il faut que le ministère revoit sa position quant aux recrutements des vigiles.»
Après ces nombreux cas d’agression dans les écoles et parmi les jeunes, les enseignants pourront souffler un peu l’espace de trois semaines de vacances. Reste à espérer qu’à la rentrée des classes, les jeunes aient retrouvé leur calme.
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