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APEIM : La blanchisserie de la chance

23 octobre 2015

Appliquée et pointilleuse, la brigade de la blanchisserie assure.

13h15 à l’APEIM. Au loin, des rires et des éclats de voix se font entendre. Dans le gymnase du centre, à l’heure de la récré, comme tous les jours, ils jouent au basket, lancent des balles, courent, dansent, papotent. Il y a aussi ceux qui se sont installés tranquillement dans un coin de la salle et qui regardent passivement ce qui les entoure. La cloche annonçant la fin de la pause finit par sonner. Contrairement à leurs camarades qui se dirigent tous vers les salles de classe, Benoît, Oliver, Odile, Luv et leurs amis prennent une autre direction.

 

Sur le pas de la porte, Margarette, employée à l’APEIM depuis 25 ans, les attend pour qu’ils puissent se remettre au travail. Pour cela, ils enfilent leur uniforme : blouse et cape blanche. À l’intérieur, les machines à laver et les sèche-linge roulent à plein régime. Sur une étagère, des dizaines de paniers attendent d’être remplis. Attentifs et concentrés, Sébastien, Laura, Santosh et Luv se tiennent prêts devant leur jeannette, fer à repasser à la main. À la guerre comme à la guerre. Contre les plis, attention, ils sortent l’artillerie lourde.

 

Tous les jours depuis quelques mois, neuf bénéficiaires de l’association, âgés entre 19 et 53 ans, passent leurs journées entre ces murs blancs où ils travaillent pour cette blanchisserie professionnelle lancée récemment par le centre et mise en place grâce au soutien de la fondation Solidarité de Food and Allied. Dans le groupe, certains sont des autistes ou des trisomiques. D’autres sont atteints de déficience intellectuelle, d’autres de pathologies liées au l’handicap mental. Pour eux, ce travail est une première. À cause de leur handicap mental, ils n’avaient jamais pu travailler avant que l’APEIM les mette en réelle situation de travail pour qu’ils puissent s’adapter à cet univers qui leur est inconnu et se responsabiliser.

 

«Situation de travail réelle»

 

Ainsi, depuis l’ouverture de la blanchisserie, leur vie s’organise automatiquement autour de cette nouvelle activité. Alors que les machines à laver finissent de tourner, Benoît, l’un des doyens et plus anciens bénéficiaires de l’APEIM, atteint d’un handicap mental et de mutisme, attend de pouvoir mettre les vêtements au sèche-linge, avant de les placer dans un panier et de les donner à ceux chargés du repassage. Comme tout le monde ici, Benoît prend très à cœur les tâches qui lui sont confiées.

 

Outre les uniformes, ceux du personnel et tout le linge de maison utilisé par l’APEIM, la blanchisserie s’occupe également du linge de Maurilait, entreprise qui a financé la mise en place de la structure et qui leur a offert une formation. «Mettre sur pied cette blanchisserie est un projet qui nous tenait à cœur. Cette activité, comme tous les ateliers menés par l’APEIM, fait partie de la prise en charge de nos bénéficiaires qui souffrent d’un handicap mental moyen ou sévère. Il s’agit d’un programme de réhabilitation, d’un projet vocationnel qui consiste à mettre ces adultes en situation de travail réelle», explique Jean-Marc Yacinthe, responsable de la section des adultes et des ateliers de l’APEIM.

 

Pour honorer ce contrat de travail à vocation sociale, rien n’est laissé au hasard par la brigade de la blanchisserie. Olivier, un jeune trisomique de 20 ans, est affecté au pliage. Sur une table, il s’évertue à plier les longues blouses blanches avec une concentration infaillible. Traquant le moindre petit pli, Olivier y met toute l’attention et la délicatesse dont il peut faire preuve. Une fois qu’il a fini son travail, il les place ensuite dans des boîtes hermétiques utilisées afin de respecter les normes d’hygiène. Timide, mais souriant, le jeune homme, qui fréquente l’APEIM depuis deux ans, semble satisfait du travail accompli. «Je suis content de ce que je fais ici», arrive-t-il à articuler, sans trop de mal.

 

Pendant ce temps, Benoît s’occupe à nettoyer le rouleau égoutteur d’eau et le filtre des machines. Si le repassage et le pliage des vêtements restent, pour lui, un souci, les opérations techniques et manuelles n’ont cependant plus aucun secret. Le regard fuyant, mais néanmoins attendrissant, l’homme, qui souffre d’un handicap mental sévère, s’applique à la tâche avec une facilité déconcertante. De sa voix perçante et directive, Margarette, la responsable de la blanchisserie, veille au grain. Malgré la sévérité dont elle semble faire preuve, son attachement pour eux est indéniable : «C’est un plaisir de travailler avec eux, même si ce n’est pas toujours facile et qu’il faut faire preuve de patience et de persévérance. Arriver à leur apprendre à se débrouiller et à être autonomes m’apporte une grande satisfaction. Ils nous donnent beaucoup d’amour.»

 

Des consignes claires...

 

Comme une mère, elle ne laisse rien passer et donne des directives à tout va. «Les consignes ont besoin d’être claires, nettes et précises pour qu’ils puissent assimiler l’information et l’exécuter. Tout est une question de technique et d’habitude. À cause de leur handicap, l’activité doit être répétitive comme un travail à la chaîne. Ce n’est que comme ça qu’ils peuvent envoyer l’information à leur cerveau et la répliquer», précise Bernard Delangre, responsable des ateliers de Trianon. Ce dernier n’est jamais bien loin. Malgré sa carrure imposante, l’homme se montre comme un grand frère pour chacun d’entre eux et ne perd pas une occasion de les encourager. «Vas-y. Tu sais le faire. N’aie pas peur.», lance-t-il à Odile qui hésite à s’y mettre.

 

Travailler de cette manière, souligne-t-il, est une excellente chose pour les bénéficiaires, car cela leur permet non seulement d’être réhabilités, mais aussi de faire naître et grandir en eux un sentiment de confiance : «C’est une très bonne chose pour eux. Souvent, nous avons tendance à croire que les personnes atteintes d’un handicap mental sont des incapables, alors qu’elles ont autant de potentiels que les autres. Nous devons juste les aider à évoluer à leur rythme, à vivre avec leurs différences et à trouver leur place dans la société. En travaillant et en voyant que ce qu’ils font est apprécié, ils se sentent valorisés, utiles et importants. Ils sentent qu’ils sont à leur place.»

 

En cumulant le linge de Maurilait et celui de l’APEIM, l’équipe manie plus 165 uniformes et 120 serviettes par semaine. Laver, repasser, emballer : voilà aujourd’hui leur univers de 9h30 à 15h30. Deux fois par semaine, l’un des membres de l’équipe accompagne Margarette pour la livraison des vêtements. C’est alors l’occasion pour eux de rencontrer le client. Une fierté qui est sans égal.

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