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17 septembre 2016 23:55
C’est une histoire de chance, d’opportunité qu’elles n’ont pas voulu laisser passer. C’est aussi une question de croire en soi, en ses capacités, en ses talents et de vouloir se donner les moyens d’avancer et de donner un nouveau sens à sa vie. Ce pari, elles sont une quinzaine de femmes de la région de Saint-Pierre à l’avoir fait. C’est dans une petite maison orange, située dans la cour de l’ancien moulin Mon Désert Alma, que ces femmes se rencontrent plusieurs fois par semaine pour travailler. La maison a été baptisée Baz’Art Kreasion, ce qui est aussi la marque de fabrique de ces femmes pas comme les autres.
L’ambiance est chaleureuse et conviviale. Toutes ces femmes se connaissent depuis de nombreuses années. Ici, elles ont leur atelier et une salle où elles exposent leurs produits. Dans la salle de production, elles se sont toutes mises autour d’une grande table où se trouvent les feuilles de magazines préalablement découpées dans différentes formes. Souvent, chacune travaille sur son projet car elles ont toutes leur spécialité.
Mais quelques fois, c’est aussi un travail à la chaîne qu’elles doivent effectuer car la précision et la minutie sont de rigueur. Elles travaillent le papier pour en faire des bijoux, des objets de déco et la cire pour en faire des bougies. Ces produits recyclés sont devenus la spécialité de ces femmes qui n’avaient pourtant aucune notion de l’artisanat il y a quelques années encore et qui aujourd’hui arrivent, grâce à leur art, à gagner leur vie.
Si elles ont pu développer un savoir-faire, c’est grâce à un programme de l’ENL Foundation, qui a été lancé en 2010 et qui a pour objectif de former les femmes issues de milieux vulnérables afin de les rendre autonomes. Pouvoir être indépendante, c’est la nouvelle réalité de Jessica Macédonien, 33 ans, qui est l’une des premières femmes à avoir rejoint le groupe. Voilà six ans qu’elle évolue au sein de Baz’Art Kreasion et sa vie, dit-elle, a changé. Jessica est un peu une spécialiste dans la fabrication de perles en papier qu’on utilise pour créer des boucles d’oreilles, des colliers et des bracelets. Les papiers de magazines sont découpés en longs triangles avant que la jeune femme les assemble et les roule sur eux-mêmes, entre ses doigts, pour en former des perles qui sont ensuite customisés et déclinés en accessoires. Une activité qui est devenue aujourd’hui son métier.
Pourtant, pendant des années, malgré son jeune âge, elle est restée à la maison sans travail et sans aucune source de financement. «J’ai arrêté l’école après le CPE. Je n’avais pas de qualification et je ne savais pas faire grand-chose. Je suis donc restée à la maison. Je me suis mariée et je suis devenue femme au foyer. Mon époux me donnait des sous et quand j’avais besoin de quelque chose, je devais lui demander de me l’acheter»,confie-t-elle.
Ainsi, lorsqu’une amie lui parle d’une formation en artisanat donnée par la fondation ENL, la jeune femme, malgré sa réticence, décide de tenter le coup. «Une fois sur place, j’ai rencontré d’autres femmes comme moi, qui ne travaillaient pas et qui dépendaient de leur conjoint. Ensemble, nous avons appris à travailler le papier pour le recycler et en faire des objets de déco, comme des cadres, des corbeilles à fruits ou encore des bijoux comme des colliers et des boucles d’oreilles»,ajoute Jessica Macédonien.
Maman de deux filles, Ansila Legrand, 37 ans, n’avait jamais imaginé avoir le sens de la créativité avant de se lancer dans cette activité. Si elle a commencé avec de la peinture et de la mosaïque, cette ancienne mère au foyer manie aujourd’hui l’art de la fabrication d’objets recyclés. Souvent, lance Ansila, elles ont même des commandes individuelles, ce qui leur permet de gagner encore plus d’autonomie financière : «J’ai appris énormément de choses grâce à ces cours. Ça m’a ouvert de nouveaux horizons. De temps en temps, je reçois même quelques commandes et ça m’aide à me débrouiller. Tout ça me permet d’avancer.»
Encadrées par Priscilla Vencatapillay, coordinatrice de Baz’Art Kreasion, et d’Alexandra Rassaby, coach artistique, ces femmes ont ainsi pu bénéficier de différentes formations de broderie, de peinture ou encore de mosaïque, avant de se tourner vers le recyclage. Elles ont par la suite pu développer un savoir-faire qui attire de plus en plus de Mauriciens. «Le but était vraiment de prendre des femmes qui viennent de milieux vulnérables et de les former afin qu’elles puissent produire et gagner leur vie. Les matières premières sont fournies par la fondation qui garantit aussi la formation. Nous travaillons ensuite sur les produits. Les profits émanant de la vente des produits sont ensuite reversés à ces femmes»,explique Priscilla Vencatapillay.
Depuis quelques mois, les artisans de Baz’Art gagnent de plus en plus en popularité et attirent de nombreux Mauriciens qui sont non seulement impressionnés par le travail de ces femmes, mais qui souhaitent aussi soutenir ce projet communautaire. Ainsi, grâce aux nombreuses commandes qu’elles reçoivent, elles arrivent même à toucher aujourd’hui un salaire. Pascale Legris, 43 ans, est particulièrement fière de son parcours et de celui de ses amies au sein de Baz’Art Kreasion. Ancienne employée d’usine, elle ne pensait pas pouvoir reprendre un jour le travail après être tombée malade. Mais après plusieurs années à la maison, elle a ressenti le besoin de reprendre une activité : «Pour moi, l’artisanat était un nouveau monde. Avant, comme beaucoup de personnes, on jetait les journaux, les magazines. Mais depuis, j’ai appris à les réutiliser, à les convertir. Je n’imaginais pas pouvoir être aussi créative.»
Reprendre une activité professionnelle l’aide à se sentir plus complète, mais Pascale Legris avait surtout besoin de trouver du travail pour soulager et aider sa famille à boucler les fins de mois difficiles. Si ses créations et celles de ses amies sont disponibles chez Baz’Art Kreasion, qui travaille en partenariat avec Local Hands, à Saint-Pierre, elles participent régulièrement à des marchés qui ont lieu dans les centres commerciaux et ailleurs.
Avec le succès qu’elles rencontrent, elles pensent même élargir leurs activités. «Nous avons commencé avec un service traiteur et on prend quelques commandes pour des pâtisseries et des amuse-gueules. Nous avons une cuisine ici et nous arrivons à préparer nos commandes»,souligne le coach artistique. Prochainement, les femmes bénéficieront d’une formation pour apprendre à fabriquer du savon qu’elles placeront ensuite dans les hôtels et les spas à travers le pays. D’ici là, l’équipe de Baz’Art Kreasion compte s’agrandir. Ce qui permettra à plus de femmes de voler de leurs propres ailes.
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