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8 juillet 2014 03:47
Dissimuler une caméra dans un ours en peluche, feindre un départ puis revenir en douce afin d’épier, faire des visites surprises, passer des coups de fil incessants, et certains jours, rêver de se transformer en petite souris pour vérifier si son enfant est bien traité par sa nourrice ou le personnel de la garderie. Pour de nombreux parents, confier son bout de chou à un étranger n’est en effet pas chose facile et ils voudraient bien pouvoir surveiller ses moindres faits et gestes quand leur enfant est sous leur garde. Car des questions n’arrêtent pas de les tarauder : peut-on être totalement sûr que la prunelle de ses yeux est entre de bonnes mains ? Peut-on avoir une entière confiance en la personne qui garde son enfant ? Faut-il pour autant aller jusqu’à l’espionner ? Certains pensent que oui car ils ont des raisons de douter.
À l’instar de ce couple qui a récemment fait la Une des médias en France. Selon le journal Le Parisien, ces parents, alertés par le comportement de leur fils en revenant de la crèche, se sont munis d’une clé USB dotée d’un micro qu’ils ont ensuite placé dans le sac à langer de l’enfant. Les faits découverts étaient accablants. «Jamais je n’aurais imaginé ce que nous avons découvert. J’ai eu la chair de poule en écoutant les enregistrements. Elle se moque du bégaiement d’une petite, dit à une autre que ses parents ne la lavent pas et qu’elle a des morpions, et à un autre enfant que, s’il s’est fait mordre par le chien, c’est bien fait pour lui !» a expliqué le père de l’enfant à la presse. Le couple a immédiatement porté plainte. La nounou devra répondre de faits de violences volontaires sur mineurs devant le tribunal.
Si, dans les pays européens et autres, la garde des enfants, à la crèche ou par une puéricultrice à domicile, se fait toujours par des personnes qualifiées et expérimentées et dans des paramètres bien définis, tel n’est pas toujours le cas à Maurice. D’ailleurs, les parents trouvent souvent de l’aide auprès d’un membre de la famille pour faire garder leur petit ou confient celui-ci à une connaissance qui a l’habitude de garder des enfants. Certaines d’entre elles ont de l’expérience, mais pas de qualifications, dans le domaine, d’autres ont des qualifications mais pas d’expérience. Donc, quoi faire ?
Au moment de reprendre le travail après son congé de maternité, Joëlle, elle, a décidé de confier sa fille unique, Chloé, à une voisine qui garde deux autres enfants. Outre la difficulté de la séparation, la jeune maman avoue que laisser son bébé et accorder sa confiance à une personne que l’on ne connaît pas forcément a été, dans un premier temps, assez dur. «Au début, je la laissais une demi-journée. J’allais souvent voir comment ça se passait. Ça m’est même arrivé de dissimuler mon départ pour observer de loin. J’avais envie de savoir comment Cloé évoluait dans ce nouvel environnement et si elle s’y sentait bien», confie-t-elle.
Le choix de la faire garder non loin de la maison permet aussi à Joëlle et aux membres de sa famille, qui habitent non loin, de jeter un coup d’œil sur la petite. Protectrice, elle fait attention aux signes tels que le comportement du bébé ou la présence de petits bobos. Si elle est aujourd’hui entièrement satisfaite du travail de la nounou de sa fille, la jeune maman avoue que la confiance n’est pas venue tout de suite : «C’est assez difficile de faire totalement confiance à quelqu’un, encore moins quand il s’agit de votre enfant. Pour ma part, il m’a fallu quelques mois pour m’adapter. On appréhende beaucoup, on s’inquiète sans arrêt. C’est le stress du nouveau parent.»
Quant à l’espionnage de la nounou, Joëlle ne dit pas non, dépendant du cas et des circonstances qui amènent à un tel acte. «Il y a le manque d’expérience et de qualifications. Je pense que ça peut être une bonne chose surtout dans le cas où les nounous sont seules à la maison avec l’enfant. On ne peut jamais savoir. Un malentendu peut tout changer. Certaines personnes ne sont pas sincères et le font uniquement pour de l’argent», dit-elle.
En France, une sociologue, Caroline Ibos, a récemment mené une enquête axée sur les relations entre les nounous africaines et leurs employeurs parisiens. Son livre, Qui gardera nos enfants ? (Flammarion, 2012), met en exergue ce phénomène irrationnel qu’est la confiance accordée par les mères à des femmes qu’elles ne connaissent pas et auxquelles elles vont pourtant confier ce qu’elles ont de plus précieux : leur enfant. Mais certaines mères ne peuvent s’y résoudre. À l’exemple de Jess qui n’a jamais voulu confier son fils à un étranger. D’autant qu’Éthan est né à sept mois de grossesse et que sa fragilité a fait naître chez sa mère un immense besoin de le protéger.
Du coup, au lieu de reprendre le travail après trois mois, la jeune femme a préféré rester à la maison pour s’occuper de son fils. «Après mon accouchement, j’ai passé un mois sans voir mon bébé car il était en couveuse. Le mieux, c’était de m’en occuper. Je ne pense pas que j’aurai pu le confier à une nounou. Les seules avec qui je le laisse sont ma maman et ma belle-mère. Je pense que toutes les mamans ressentent la même chose. On a peur que quelque chose de mal arrive à notre enfant», confie-t-elle.
Jesse n’aurait pas supporté de se faire un sang d’encre pour son fils, de vivre dans l’incertitude et de se poser des questions à longueur de journée : est-ce qu’il va bien ? Est-ce qu’il mange bien ? Est-ce qu’il fait la sieste ? Mais si elle avait dû laisser son enfant avec une nounou, elle aurait certainement mené une petite enquête avant de lui confier son enfant, aurait appelé pour savoir s’il a bien mangé, aurait fait un petit saut surprise de temps en temps juste pour vérifier la fiabilité de la nounou. «Étant une maman, je trouve que c’est difficile de faire confiance ou de trouver une personne de confiance pour s’occuper de son enfant. Je suis heureuse d’avoir la chance de pouvoir rester avec mon fils pour prendre soin de lui», explique Jess.
Sarojini a toujours eu des difficultés à faire confiance à quelqu’un. C’est pire quand il s’agit de confier ses enfants à une tierce personne. Une mauvaise expérience chez l’ancienne nounou de son fils lui a laissé un goût amer. «Un jour, j’étais malade et je suis sortie tôt du bureau pour aller le voir. J’ai trouvé mon fils recroquevillé dans un coin, tout sale. Il n’avait même pas déjeuné. Il était 14 heures», se remémore-t-elle. Furieuse, la jeune maman a immédiatement récupéré son fils et a décidé, dans les jours qui ont suivi, de le placer dans une crèche. Depuis cet incident, elle a doublé de vigilance. Qu’ils s’agissent d’étrangers ou de membres de sa famille, Sarojini préfère rester sur ses gardes concernant ses enfants. «Vous ne pouvez jamais savoir ce qui se passe derrière votre dos. C’est pour ça que moi je suis pour qu’on place des caméras chez la nounou ou à la garderie. De cette manière, tout le monde est plus tranquille.»
À la crèche, chez la nounou ou à la maison, les parents qui confient leurs enfants se fient à leur intuition, à ce feeling qu’ils ressentent lorsqu’ils rencontrent celle qui va s’occuper de leur petit, à ces signes qui ne trompent pas. Et puis, comme l’expliquent les psychologues, pour faire confiance, il faut justement
la donner…
Le saviez-vous ?
Le cas de la nounou espionnée en France par un couple de Tarn a levé le voile sur les risques qu’encourent ceux qui épient. Au moment de la plainte déposée par les parents du petit, la nounou avait répliqué en portant plainte contre eux pour atteinte à la vie privée. Celle-ci a finalement été déboutée par le tribunal. La loi en France indique que dans le cas d’une nourrice, l’employeur possède un droit de surveillance sur son employée car l’intérêt de l’enfant est supérieur. Un enregistrement sonore ou visuelle peut alors être une preuve recevable en cour.
Difficile de confier la prunelle de ses yeux à quelqu’un d’autre. Quel que soit le mode de garde employé, une période d’adaptation est primordial pour le bébé, la personne qui s’en occupera et les parents qui doivent se sentir bien et en confiance. Dans son livre, Une nounou ? Éviter les pièges et bien la choisir, Juliette Viatte, auteure française, donne quelques pistes pour que tout se passe bien.
Les observer ensemble
Le comportement de bébé est le premier indicateur de la relation bébé-nounou. Paraît-il content de retrouver sa nounou ou est-il réticent en la voyant ? Est-il joyeux en vous retrouvant ou a-t-il l’air triste ? Les réactions de votre enfant peuvent vous mettre sur la piste, mais attention, ce n’est pas parce qu’il fait une crise en la voyant le matin qu’il est malheureux avec elle. En tant que parents, il est normal que vous vous posiez des questions. Par contre, si vous remarquez, qu’au bout de deux mois, il ne se sent toujours pas bien, qu’il boude, qu’il est anxieux et qu’il a du mal à dormir, «c’est sans doute le signe qu’entre la nounou et bébé, ça ne passe pas», explique Juliette Viatte.
Dialoguez avec la nounou
Pour qu’une relation de confiance s’établisse entre vous et la personne qui garde votre bout de chou, il faut lui laisser le temps de faire ses preuves. Pour cela, il faut apprendre à la connaître et à lui faire confiance. Pour que le dialogue s’établisse entre vous deux, posez-lui des questions sur le déroulement de la journée, sur ce que bébé a fait, ce qu’il a mangé.
Lui donner des informations
Posez des questions oui, mais donner des infos aussi. Selon Juliette Viatte, il est essentiel de donner les informations nécessaires concernant ce qui se passe dans votre famille pour qu’elle puisse mieux comprendre ce qui se passe dans la tête de votre petit.
Une petite visite de temps à autre
Si vous trouvez un peu extrême et déplacé de se cacher pour espionner votre nounou, vous pouvez trouver un moyen beaucoup plus subtil d’évaluer son travail. Pourquoi ne pas faire une petite visite surprise en prétextant une réunion annulée à la dernière minute. Avancez tranquillement. Ça vous donnera assez de temps de voir ce qu’ils font ensemble ou pas…
Écoutez les autres
«Trop souvent, les gens ne parlent que lorsqu’il y a eu un problème et que la rupture entre la nounou et les parents est consommée. C’est bien dommage, il aurait mieux valu qu’ils osent dire ce qu’ils avaient remarqué avant !» explique l’auteure dans son livre. Vous l’aurez compris, une petite enquête en douceur peut vous aider à vous faire une idée du personnage. Parlez à droite et à gauche, à ceux qui ont eu recours à ses services. Si les échos concordent, vous aurez une indication.
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