Kemraj et Surekha Gopaul : Être parents, leur plus beau cadeau
Quand ils se parlent, aucun mot, aucun son ne sort de leur bouche. Les gestes et les regards suffisent pour qu’ils se comprennent. Voilà 13 ans que ça dure entre Kemraj, 42 ans, et Surekha, 34 ans, tous deux sourds-muets depuis la naissance. Comme de nombreux couples vivant avec ce handicap, ils se sont rencontrés à l’école des sourds qu’ils fréquentaient dans leur jeunesse. «Nous étions un groupe d’amis et nous nous rendions à Rose-Hill où nous allions faire du sport. On s’est compris tout de suite. Après un an, nous officialisions notre relation», arrive à articuler difficilement Kemraj, sourd à 90 %.
Ce dernier, malgré son handicap, n’a jamais voulu se complaire dans sa situation et rester les bras croisés. Au contraire, son handicap l’a poussé à se dépasser. D’ailleurs, c’est lui qui s’occupe des plantations de légumes de la famille que son frère se charge de vendre par la suite. Il y a deux ans, Kemraj a encore une fois fait la fierté de ses proches en décrochant son permis de conduire. «Je dois mettre un appareil auditif. À part cela, tout est comme pour un automobiliste normal», dit-il.
Dans la maison familiale des Gopaul à Carreau Laliane, le couple est entouré de ses proches dont Deeraj, le frère de Kemraj, qui les accompagne à chaque étape de leur vie. Celle-ci n’a pas toujours été facile, mais grâce au soutien de leur famille, ils finissent toujours par y arriver. Mener une vie aussi normale que possible, c’est ce qui les pousse tous les jours à avancer. Il faut dire qu’aujourd’hui, Kemraj et Surekha ont deux nouvelles raisons d’aller au-delà de leur handicap. Ces raisons s’appellent Kushi, 9 ans, et Ipshita, 6 ans, leurs deux enfants.
Malgré la peur que leurs enfants soient aussi atteints de surdité et la crainte que leur handicap soit une barrière dans leur rôle de parents, Kemraj et Surekha ont toujours rêvé de fonder une famille et il faut dire que leur surdité ne les empêche pas d’être de bons parents. Ils ont été heureux d’apprendre que leurs filles étaient toutes les deux entendantes. «Au début, quand elles n’étaient encore que des bébés, j’avais peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas les entendre pleurer, de ne pas savoir quand elles avaient faim. Mais heureusement, tout s’est bien passé. Ma famille était à mes côtés et Deeraj a fait venir un appareil spécial de l’étranger pour m’aider», explique la mère de famille en langage des signes.
Cet appareil technologique conçu spécialement pour les sourds est appelé le babyphone. Celui-ci agit comme un talkie-walkie. Selon l’intensité des pleurs de bébé, l’appareil vibre et émet des flashs lumineux qui alertent la maman. Au fil des années, les codes qui les permettent de communiquer entre eux se sont installés au sein de la famille. Kemraj et Surekha, comme tous les sourds-muets, lisent parfaitement sur les lèvres. Les deux fillettes, conscientes du handicap de leurs parents, mènent une vie tout à fait normale. Cajolées et choyées, elles sont les petites princesses de la famille et égaient la vie de leurs parents.
Samantha et Johan : Une love story au-delà des différences
Depuis qu’ils se sont trouvés, Samantha Hector, 20 ans, et Johan Niemand, un Sud-Africain, ne se quittent plus. Leur histoire commence en 2014 en Afrique du Sud. La jeune Mauricienne vient d’y recevoir le titre de Miss Africa Deaf, un concours de beauté réservé aux jeunes filles sourdes et muettes de la région de l’océan Indien. Elle y décroche aussi une bourse d’études de quatre ans dans une école spécialisée, le National Institute For The Deaf. Un nouveau challenge pour une jeune fille ambitieuse, pour qui la surdité n’est pas une fatalité.
Son visage ne vous est pas inconnu. Outre ce concours de beauté, elle a beaucoup voyagé pour diverses compétitions, notamment aux Seychelles pour les Jeux des îles ou en Corée du Sud pour une compétition réunissant des sourds-muets de différents pays. Parmi ses activités favorites : la danse, sa plus grande passion. «Je ne me sens pas différente des autres. J’aime bouger, être active, me lancer des défis. Je veux utiliser mon expérience pour venir en aide à ceux qui se découragent à cause de leur handicap et lutter contre les discriminations. Je veux leur donner de l’espoir et leur dire que tout est possible. J’espère qu’à travers moi, ils prendront conscience que tout le monde a un talent et qu’il faut aller au bout de ses rêves», nous disait-elle lors de notre dernière rencontre.
En 2014, alors qu’elle se balade dans un centre commercial en compagnie de ses amies, son regard croise celui de Johan qui participe, lui, à un téléthon : «J’ai senti des papillons dans l’estomac quand il m’a regardée. On a fini par se parler et après nos routes se sont séparées. Je n’arrêtais pas de penser à lui. Alors je l’ai cherché sur Facebooket on s’est parlés pendant longtemps jusqu’à ce qu’il m’invite à un braai», se souvient la jeune femme. Emportés par leurs sentiments, les tourtereaux se mettent ensemble malgré le grand écart d’âge – il est âgé de 39 ans – qui existe entre eux.
Pour eux, c’est l’amour avec un grand A. Malgré la distance qui les sépare – elle est installée à Worcester et lui vit à Cape Town – ils se retrouvent chaque week-end. Samantha a même fait découvrir son pays à son amoureux lors de quelques voyages à Maurice. Indépendante et déterminée, Samanthavit passionnément cette nouvelle aventure.
Meetrassen et Ravi Succuram : Les clés du bonheur de deux frères sourds-muets
Une rencontre, un coup de foudre, le cœur qui bat la chamade pour la première fois. Meetrassen, 37 ans, et Ravi, 32 ans, deux frères sourds-muets depuis la naissance, ont toujours voulu connaître et vivre le grand amour. Comme toute autre personne, ils ont toujours su qu’ils avaient eux aussi droit au bonheur. Et ce bonheur, ils l’ont trouvé. Meetrassen d’abord avec Smita, 30 ans, elle aussi atteinte du même handicap, avec qui il est marié depuis plusieurs années.
Eux aussi se sont rencontrés à l’école des sourds. «Comme on habitait dans la même région, nous faisions chaque matin le trajet ensemble. L’amour s’est installé petit à petit et nous avons décidé de faire notre vie ensemble»,raconte la jeune femme en langage des signes, le sourire aux lèvres. De leur union sont nés Shivanee, 7 ans, et Vansh, 3 ans, qui ne portent pas le handicap de leurs parents.
Malgré leur jeune âge, ils savent déjà s’exprimer en langue des signes quand ils s’adressent à maman et papa. D’ailleurs, à un moment de la rencontre, ils se mettent tout à coup à chuchoter en articulant bien les mots pour permettre à leurs parents de lire sur leurs lèvres. La vie de famille est la même, sauf que Meetrassen, employé à l’École des Sourds, et Smita ne parlent pas. Ce handicap n’a jamais été une barrière dans leur vie de tous les jours. Certes, il y a parfois des difficultés comme cette angoisse qui surgit à l’approche de l’arrivée du premier bébé. Heureusement, Smita a pu compter sur le soutien de sa belle-mère Premila qui l’a accompagnée à chaque étape.
Lorsque Shivanee est venue au monde et qu’ils ont appris qu’elle était entendante, il y a eu chez eux comme une pointe de déception. «Je pense qu’ils auraient aimé que leurs enfants soient comme eux. Les sourds ont une culture propre à eux et ils auraient aimé partager la même réalité que leurs enfants. Mais ils se sont vite repris et ont compris que l’important, c’est que leur enfant soit en bonne santé.»Aujourd’hui, avec leurs deux enfants, Meetrassen et Smita vivent une vie de famille tout à fait normale. Ensemble, ils ont de longues conversations. Il y a souvent des fous rires et quelques fois des coups de gueule.
En octobre de l’année dernière, la famille a connu un autre heureux événement. Ravi, le petit frère de Meetrassen, a épousé Yeshna, 20 ans, elle aussi sourde-muette depuis la naissance. Comme beaucoup d’autres, ils se sont connus lors d’une journée récréative regroupant des sourds. Pour eux, ça a tout de suite été le coup de foudre et unir leur existence a immédiatement sonné comme une évidence. Ainsi, depuis leur récente union, les jeunes tourtereaux sont sur un petit nuage. Ravi, IT Technicianchez AXA, comme son frère, est indépendant et autonome. Sourd à 70 %, il arrive à conduire grâce à un appareil auditif conçu à cet effet. Il emmène d’ailleurs souvent la famille en vadrouille pour leur plus grand bonheur. Meetrassen, Smita, Ravi et Yeshna partagent la même réalité et, entre eux, le courant passe très bien.
Dans la maison familiale des Succuram à Palma, on respire la joie de vivre. L’amour aussi. Jaysen et Premila, les parents de Meetrassen et Ravi, ne peuvent que sourire devant le magnifique tableau de famille qui se joue sous leurs yeux. Ils se souviennent encore du choc, de la peur et du bouleversement qu’ils ont ressenti lorsqu’ils ont appris que leur premier garçon n’entendrait et ne parlerait jamais. Et puis, quelques années plus tard, le même scénario s’était produit avec la venue de Ravi. Après le choc, Jaysen et Premila ont accepté la situation, portés par l’amour de leurs enfants. Ils fallaient qu’ils réorganisent leur vie, qu’ils apprennent à parler et à comprendre le langage des signes, qu’ils cherchent toutes les facilités possibles pour leur permettre d’avoir une vie aussi normale que possible, mais tout cela en valait la peine.
Jaysen, ancien enseignant, s’est pleinement engagé dans la lutte pour l’intégration sociale des personnes vivant avec cet handicap. En 1990, il a lancé l’Association des Parents de Déficients Auditifs (APDA) pour aider les enfants à étudier l’anglais, le français, les mathématiques, entre autres, grâce à un enseignement spécialisé. Aujourd’hui, devant la réussite de leurs fils, Jaysen et Premila ne cachent pas leur fierté.
À voir
•La famille Bélier
Comédie réalisée par Eric Lartigau
Avec Karin Viard, François Damiens, Eric Elmosnino, Louane Emera
Dans la famille Bélier, tout le monde est sourd sauf Paula, 16 ans. Elle est une interprète indispensable à ses parents au quotidien, notamment pour l’exploitation de la ferme familiale. Un jour, poussée par son professeur de musique qui lui a découvert un don pour le chant, elle décide de préparer le concours de Radio France. Un choix de vie qui signifierait pour elle l’éloignement de sa famille et un passage inévitable à l’âge adulte.
•The Tribe
Drame réalisé par Miroslav Slaboshpitsky
Avec Yana Novikova, Grigoriy Fesenko, Rosa Babiy
Sergey, sourd et muet, entre dans un internat spécialisé et doit subir les rites de la bande qui fait régner son ordre, à travers notamment les trafics et la prostitution, dans l’école. Il parvient à en gravir les échelons, mais tombe amoureux de la jeune Anna, membre de cette tribu, qui vend son corps pour survivre et quitter l’Ukraine. Sergey devra briser les lois de cette hiérarchie sans pitié.