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Fanfan et Georgie Joe : ces artistes qui vivent dans l’oubli

Fanfan et Georgie Joe : ces grands artistes qui vivent dans l’oubli

Leur voix a marqué les cœurs et les esprits. Leur musique est ancrée dans la culture mauricienne et leurs noms figurent parmi les légendes du séga. Cette musique dont ils s’illustrent comme les pionniers. Si leurs tubes ne mourront jamais, Fanfan et Georgie Joe, eux, vivent leur retraite loin des regards.

Cette époque leur semble si lointaine et pourtant si proche. De leurs tubes qui ont fait leur succès, il ne reste aujourd’hui plus rien. Si ce n’est de beaux souvenirs et un héritage laissé à la jeune génération. Fanfan et Georgie Joe, deux légendes vivantes du séga mauricien, ne font désormais plus le show et vivent dans l’ombre.

 

Seul dans sa maison de Cité Beau-Vallon, Fanfan a le regard perdu dans le vague. Elle est loin, tellement loin sa vie d’avant, celle où il pouvait encore marcher, se trimballer dans la cité, jouer de la ravanne et conter ses histoires sur la musique qu’il aime tant. Depuis quelques années, il ne quitte pas les quatre murs de sa chambre. Il reste là, cloué au lit, incapable de bouger à cause d’un handicap dû au polio, maladie dont il souffre depuis qu’il est tout petit. Quand ce n’est pas sa radio qui joue, il se mure dans le silence, seul dans cette maison qui tombe en ruine. Les souvenirs des jours passés occupent alors ses pensées. Dans quelques jours, il fêtera ses 85 ans.

 

Il en a vu des choses au cours de toutes ces années ce sacré Fanfan. «La musique que font les jeunes d’aujourd’hui, ce n’est pas du séga. C’est trop souvent vulgaire et sans aucun sens. Je n’ai pas peur de le dire. Le séga doit raconter une histoire, une aventure», dit-il, sans mâcher ses mots. Mémoire vivante de letan lontan et du séga typique, Fanfan, de son vrai nom Louis-Gabriel Joseph, se souvient que son histoire avec la musique a commencé alors qu’il était tout petit. Il devait avoir un peu plus de 2 ans quand il a commencé à «bat la mok». Il se rappelle aussi d’avoir fait ses débuts grâce à Bolom Koutchouk qui était l’un des meilleurs ségatiers de Mahébourg et avec qui il passait ses journées à apprendre le métier de pêcheur : «Un jour, alors qu’il attendait pour ramasser son casier, il a eu le malheur de poser le pied sur un ‘‘laf’’. C’est en allant chez lui pour prendre de ses nouvelles les jours qui ont suivi que j’ai découvert ses tambours.»

 

Conteur d’histoires depuis son plus jeune âge, Fanfan raconte, dans chacune de ses chansons, un événement vécu, qu’il s’agisse de 400 canons, 300 revolvers, de Moi, Petit Pêcheur, Papa, Grand Pêcheur ou encore de Ile Maurice, Que Zoli Zoli. Souvent, au son du tambour, il tire une chanson de son imaginaire, comme une surprise qu’il tire de son chapeau. Grand ségatier, Fanfan fait partie du patrimoine mauricien, dont la musique est indissociable de la culture mauricienne.

 

Fanfan soufflera bientôt ses 85 bougies.

 

Ce rythme, ce tempo bien à lui ne l’a depuis jamais quitté. Même si ça fait longtemps qu’il n’a pas touché à une ravanne. Il a fini par offrir les quatre derniers instruments qu’il possédait à ses deux filles pour qu’elles les gardent avec elles. Dans sa maison, il ne reste plus grand-chose. Vieille de plus d’une trentaine d’années, elle a perdu tout éclat. De l’extérieur, elle semble inhabitée. Une impression qui se confirme une fois à l’intérieur. Sur les murs délavés, on ne peut éviter les fissures, tout comme le plafond qui tombe de plus en plus en lambeaux. Ces dernières années, le chanteur a vu sa maison tomber en décrépitude sans pouvoir rien faire parce qu’il n’en a plus la force ni les moyens.

 

«Mo pa ramas la bav mo kamwad mwa»

 

Vivant grâce à sa pension de vieillesse et à celle de la Mauritius Society of Authors (MASA), Fanfan vit avec le strict minimum. Il n’a, dit-il, jamais vécu dans l’opulence et aujourd’hui il se contente de ce qu’il a, bien qu’il vive dans des conditions très modestes : «J’aurais certainement pu être mieux loti s’il n’y avait pas tous ces requins dehors.» Il se dit tout de même heureux d’avoir deux filles, Annabella et Magdala, qui s’occupent bien de lui, qui lui rendent visite chaque matin et chaque après-midi pour lui donner le repas, le laver, le changer, le raser, entre autres. «La seule chose que je voudrais, c’est qu’on m’aide à réparer la maison et à la rendre un peu plus habitable», dit-il. Pour le moment, il se concentre sur sa musique. Il a, dit-il, déjà travaillé sur quatre nouvelles compositions, dont l’une parle de la lutte contre le communalisme. «Mo pa ramas la bav mo kamwad mwa», dit-il pour s’élever contre les reprises en tout genre. À 85 ans, Fanfan entend bien trouver un producteur pour ses chansons. 

 

Face à sa maison qui tombe en ruine, le chanteur lance un appel pour qu’on l’aide à la retaper.

 

Tout comme Fanfan, la musique a toujours fait partie de la vie de Georgie Chamtyoo, plus connu comme Georgie Joe. Célèbre auteur et interprète de Tel papa tel piti ou de Mo rakont mo la vi, il s’apprête lui aussi à souffler ses 78 bougies dans quelques semaines. Bien qu’il ne soit pas alité, Georgie Joe, qui souffre d’un handicap au pied, a du mal à marcher sans sa canne. Alors, il reste là, dans sa petite maison qui se trouve au-dessus de celle de sa fille Christiana à Cité Sadally, Vacoas, à s’écouter chanter, à fumer des cigarettes et à boire des petits grogs : «J’ai tous les enregistrements de mes passages à la télé, à la radio ou dans les concerts. J’aime les écouter. Mais j’aime aussi écouter Cliff Richard ou encore Elvis Presley.»

 

Son petit deux-pièces dispose d’une petite cuisinière, où il se fait de temps en temps à manger, et d’un coin vaisselle qui lui sert aussi de lavabo. On retrouve ici et là quelques fougères que ce passionné a pris soin de planter. Dans la chambre, le chanteur a fait installer des toilettes et une baignoire puisqu’il ne peut plus se déplacer. «Heureusement que j’ai ma fille qui s’occupe bien de moi», souligne le vieil homme qui espère bientôt pouvoir refaire la peinture à l’intérieur de sa maison. Abîmée avec le temps et le climat. Voilà, dit-il, tout ce dont il a besoin.

 

Georgie Joe a reçu plusieurs récompenses au cours de sa longue carrière. Elles ont toutes une place importante dans sa maison et dans son cœur.

 

La solitude est devenue l’un de ses plus fidèles compagnons et il meuble le temps avec ce qui est sa plus grande passion : la musique. Bien que les jours d’avant soient loin, il se revoit encore chanter dans les discothèques, dans les fancy-fairs ou encore à prendre l’avion pour Rodrigues, La Réunion ou la France pour des représentations. Ça, c’était le bon vieux temps. Pour être connu et faire des disques, rien n’était facile. «Monn pas boukou mizer», dit-il en se rappelant de son parcours qui a été semé d’embûches. «J’étais cordonnier, mais j’ai toujours eu la musique en moi. Je voulais devenir ségatier à tout prix. Je suis allé voir de nombreux artistes de l’époque, comme Ti Frère, mais personne ne voulait m’aider. Ils me disaient que je chantais bien, mais que le séga n’était pas bon.»

 

«Le séga fait plaisir aux gens... Mais ça ne paie pas»

 

Découragé, il ne baisse pas pour autant les bras. Alors qu’il est âgé de 37 ans, un coup du sort l’emmène à participer à un télé-crochet de la MBC. Pour Georgie Joe, ce sera le début d’une longue carrière. Un jour, alors qu’il est en plein travail dans son atelier, il voit débarquer le chef d’un grand orchestre de l’époque, qui lui demande s’il est d’accord pour un 45 tours. «J’étais tout excité. J’ai couru dans l’atelier de mon papa, qui était lui aussi cordonnier, avec l’avance que j’avais reçue pour le disque. Nous sommes allés boire quelques verres pour fêter ça et en rentrant, mon père est tombé. Ma maman nous a alors dit que nous sommes comme deux camarades. C’est cette phrase qui m’a fait écrire la chanson Tel papa tel piti», raconte Georgie Joe.

 

Son séga a toujours été au cœur de sa vie, bien qu’il ne l’ait pas emmené plus loin financièrement : «Le séga fait plaisir aux gens ; ils chantent, dansent. Mais ça ne paie pas.» Cependant, dit-il, ce n’est pas pour autant qu’il est malheureux : «Je me sens bien. Même si je ne peux pas marcher, je suis en bonne santé.» C’est sans compter sur son appareil de musique dont il ne se sépare jamais. Depuis quelques jours, la même musique tourne en boucle dans la maison. C’est celle qu’il interprétera le 11 juillet sur la scène du J&J Auditorium à l’occasion du concert Nostalgie autour de Roger et Marie-Josée Clency, le seul événement auquel il participe encore.

 

Du coup, il répète encore et encore pour être au point le jour J. Il se voit déjà sur scène, retenant son souffle avant de livrer sa performance, happé par toutes sortes d’émotions avant de rentrer chez lui retrouver son fauteuil et ses disques, comme un dernier tour de piste avant l’ombre et l’indifférence.

 

 

 
Fanfan et Georgie Joe : ces grands artistes qui vivent dans l’...

Fanfan et Georgie Joe : ces grands artistes qui vivent dans l’oubliLeur voix a marqué les cœurs et les esprits. Leur musique est ancrée dans la culture mauricienne et leurs noms figurent parmi les légendes du séga. Cette musique dont ils s’illustrent comme les pionniers. Si leurs tubes ne mourront jamais, Fanfan et Georgie Joe, eux, vivent leur retraite loin des regards. Deux rencontres inédites dans votre edition de ce dimanche.

Posted by 5 Plus Dimanche on Sunday, July 5, 2015