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5 juin 2016 00:34
Changer la mentalité des Mauriciens pour qu’ils oublient leurs préjugés sur Ste-Croix. Changer leur regard sur les enfants qui y vivent. C’est le pari de Future Hope, une association créée par des habitants de la région, qui se sont engagés à offrir aide et soutien à ces enfants et jeunes qui viennent de milieux précaires, pour qu’ils puissent devenir des professionnels épanouis dans leur carrière et leur vie de famille. Évidemment, Marie-Noëlle Léveillé, fondatrice de l’association, est consciente que la drogue, la violence, la prostitution, la précarité et tant d’autres maux rongent et gangrènent encore ce faubourg et les quartiers avoisinants, comme Cité Briqueterie. Mais il n’y a pas que ça.
Elle le sait. Elle voit tous les jours ces nombreux enfants qui ont du potentiel, du talent et qui ne demandent qu’un coup de pouce pour réussir à aller de l’avant. Et ces parents qui, malgré leurs difficultés, se battent au quotidien pour offrir le meilleur à leurs enfants. Elle n’a qu’à lever les yeux et voir Sandra pour en être persuadée. Cette dernière n’est qu’une enfant lorsqu’elle rencontre Marie-Noëlle Léveillé pour la première fois, alors que celle-ci visite les écoles de la région. Engagée dans le social auprès du Mouvement pour le Progrès de Roche-Bois pendant une quinzaine d’années, elle a suivi le parcours de la petite Sandra qui a été scolarisée dans une école ZEP (Zone d’éducation prioritaire), avant de poursuivre ses études au collège Lorette de Port-Louis et d’entamer des études tertiaires à l’Université de Maurice pour devenir enseignante.
Aujourd’hui diplômée, Sandra s’est à son tour engagée auprès de Future Hope où elle fait de l’accompagnement scolaire quatre fois par semaine. Il y a Allan aussi. Après plusieurs échecs au Certificate of Primary Education, il intègre la prévoc, avant de suivre une formation de jardinage auprès de l’Industrial and Vocational Training Board et de décrocher un poste de jardinier dans un établissement hôtelier réputé. Comme Sandra et Allan, ils sont nombreux à décrocher un travail et à devenir des adultes responsables et indépendants. «Ils ne sont peut-être pas des médecins et des avocats, mais ils ont des capacités, du potentiel et sont capables de réaliser de grandes choses. Plus important, ce sont des adultes responsables qui gagnent leur vie dignement et qui ont un rôle important à jouer dans notre société», explique-t-elle. C’est ça aussi l’image qu’elle souhaite que les Mauriciens aient de sa localité.
Cependant, pour y arriver, ces enfants et ces familles ont besoin d’aide. Marie-Noëlle Léveillé s’en est rendu compte il y a plusieurs années et a ressenti le besoin d’amener sa pierre à l’édifice, d’où son engagement dans le social : «La majorité des enfants du quartier vont à la prévoc, certains s’arrêtent à la Form IIou la Form III. Beaucoup de nos jeunes filles font face à des grossesses précoces. Il y a un problème. On ne peut pas le nier. Notre mission, c’est de les accompagner, de leur donner les outils et les clés pour avancer.»
Après un cours de leadership à l’Institut Cardinal Jean Margéot, Marie-Noëlle et son époux Gérard, accompagnés de trois autres couples et partenaires, tous habitants de la région, décident de lancer Future Hope en 2013 et de faire de ces enfants des citoyens de demain. Et cela passe par l’éducation. Le groupe commence par prendre sous son aile 40 enfants au centre social de la localité, en leur offrant des activités. Lorsque l’occasion se présente pour l’association d’écrire un projet à travers le Special Collaborative Programmefor Women and Children in Distressdu ministère de l’Égalité du genre et du Développement de l’enfant, Marie-Noëlle Léveillé et ses partenaires foncent.
Femmes passionnées
Grâce à l’aide financière dont ils bénéficient, ils arrivent à louer un bâtiment pour y installer les enfants et leur offrir un accompagnement scolaire adéquat afin de palier aux nombreux manquements dont ils souffrent au niveau de leur apprentissage. Au centre, Marie-Noëlle Léveillé est entourée de Stéphanie Paletan, coordinatrice de l’association, de Noëlla Spéville, encadrante, de Sandra Cunnusamy qui s’occupe de l’accompagnement scolaire, et de Josiane Chung Fat King, animatrice. Tous les jours, les enfants et les adolescents sont accueillis par ces femmes, passionnées par leur engagement. Avant de commencer les cours qui sont dispensés par Sandra et quatre autres jeunes de l’Université de Maurice, les enfants reçoivent un goûter préparé par Noëlla.
L’accompagnement scolaire, les activités et les sorties pédagogiques, les camps de formation ainsi que le suivi des enfants à l’école et dans leur environnement familial sont les principales manœuvres de celles qui font tourner l’association. Tous les jours, il faut composer avec tous ces enfants au vécu, au comportement et au langage différents, qui ont leur propre histoire et des besoins qui ne sont pas les mêmes. «Nous accueillons beaucoup de child beyond controlqui sont envoyés par la Child Development Unit. Ils vivent dans des situations difficiles chez eux, dans des familles brisées, monoparentales avec un parent détenu, alcoolique, toxicomane. Au début, c’est compliqué. Ils ne veulent pas apprendre, ne veulent pas entendre parler des devoirs. Nous devons créer une relation de confiance et trouver des méthodes ludiques pour les intéresser. Et petit à petit, le lien se fait»,explique Sandra.
Au fil de leurs nombreuses visites sur le terrain, souligne Josiane Chung Fat King, elles ont compris que leur travail ne pouvait se faire qu’avec les enfants. Pour amener un vrai changement, dit-elle, les parents aussi doivent faire partie du processus. C’est pour cela que Future Hope a lancé la formation des parents qui sont au premier rang lorsqu’il s’agit de l’éducation des enfants. Dans ces camps de formation, les adultes sont placés devant leur responsabilité parentale, les règles de civilité et de politesse, le respect de soi et des enfants.
Pour Marie-Noëlle Léveillé, il y a une prise de conscience qui doit se faire et elle doit se faire maintenant : «On a eu des parents qui nous ont dit ‘‘il est né couillon, il va rester couillon’’ ou d’autres qui disent ‘‘je ne sais pas lire, ce n’est pas grave si c’est le cas pour mon enfant’’. Ces parents doivent comprendre que l’éducation de leur enfant est une priorité et que c’est la clé vers un avenir meilleur. Non madame, on ne se bagarre pas devant les enfants car les enfants captent tout et cela les affecte. Non monsieur, on ne monte pas le volume de la télé ou de la musique car cela l’empêche de se concentrer.»Après deux premières éditions, Future Hope s’apprête à réunir une fois de plus des dizaines de parents pour leur offrir une nouvelle formation. Toucher les parents pour mieux atteindre les enfants, voilà l’objectif.
Depuis le début de l’aventure, les réalisations sont nombreuses pour Future Hope. Alors qu’elle avait commencé avec 40 enfants au départ, l’association accueille aujourd’hui 110 enfants pour l’accompagnement scolaire. De nombreux autres participent aux activités et ont pu bénéficier de formation. Les activités récréatives qui ont lieu les samedis et pendant les vacances ont laissé naître de nombreux talents. Un groupe d’enfants de l’association a d’ailleurs présenté, au dernier Festival Kreol, une pièce de théâtre qui avait pour thème le rejet des amis d’école. Faisant la fierté de l’association.
Chaque jour, un pas de plus est fait en avant, poussant Marie-Noëlle Léveillé et ses partenaires à continuer ce qu’ils ont commencé. «C’est une satisfaction personnelle extraordinaire. Je crois que le Seigneur nous a choisies pour accomplir cette mission. Travailler avec ces enfants nous procure une immense joie et nous rend fières. C’est un sentiment incroyable. Nous n’avons pas de baguette magique, nous faisons avec ce que nous avons et tout notre cœur»,souligne Josiane Chung Fat King.
Elles savent que le chemin est encore long, qu’il reste beaucoup à faire et que de nombreux enfants et familles ont besoin d’aide et doivent être touchés. La liste d’attente pour bénéficier de l’accompagnement scolaire ne cesse de s’allonger, mais l’espace fait défaut. Le financement aussi. Trouver les ressources financières pour faire tourner l’association n’est pas chose évidente. «Les sponsors ont du mal à faire confiance aux jeunes associations. Pourtant, nous faisons un travail important pour ces enfants et ces familles. Nous avons besoin d’un psychologue car ces enfants en ont grand besoin. Nous lançons un appel à tous ceux qui peuvent nous venir en aide. Nous avons besoin de soutien»,confie Marie-Noëlle Léveillé en espérant que son appel sera entendu.
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