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Je suis bordélique et alors ?

24 juin 2014

Selon les psychologues, les bordéliques veulent imprimer leur marque, se sentir vivants en laissant libre cours à leur créativité ou à leur égocentrisme.

Sa penderie ressemble à un champ de bataille où hauts, pulls, jeans, sous-vêtements, et tenues de travail s’emmêlent dans un indescriptible désordre. Les tiroirs débordent et les étagères sont noyées de fringues. Une image à vous donner mal à la tête.  

 

Comme beaucoup de femmes, Larissa adore s’acheter des vêtements, mais quand il s’agit de les ranger, c’est une autre histoire. Quoi qu’elle fasse, ils se retrouvent inéluctablement roulés en boule dans une armoire qui menace de craquer à tout moment. Après les remarques de son époux et de ses enfants, et la vue quotidienne de son armoire en totale disgrâce qu’elle ne pouvait plus supporter, Larissa s’est finalement décidée à faire du rangement après belle lurette. Mais il ne faudra pas, dit-elle, attendre bien longtemps avant que tout soit de nouveau sens dessus dessous. «Je pense que c’est une incapacité à ranger. J’ai mis de l’ordre, mais je suis persuadée que je ne vais pas me retrouver dans mon élément quoi. Je vais chercher quelque chose pour le retrouver, je vais à nouveau tout retourner et ce sera une fois de plus le bordel», confie-t-elle, avant d’éclater de rire. 

 

Selon les psychologues, le refus des bordéliques de se soumettre à des règles sociales d’ordre et de propreté, ainsi que leur difficulté à dompter leur intérieur, révèlent un refus inconscient de vivre avec la réalité d’une vie d’adulte. Face à ce constat, Larissa réplique. Ce n’est pas du tout son cas : «Je suis une adulte responsable, qui travaille et qui s’occupe de la maison ainsi que de sa famille. Je n’ai aucun problème avec cette réalité. Pour moi, le souci, c’est le rangement.» La jeune femme revendique d’ailleurs cette facette de sa personnalité. «Vous m’entendrez souvent dire  : “je viens de poser là.” Je pense que j’ai été trop gâtée dans mon enfance. Comme je suis fille unique, ma maman faisait tout à ma place», lâche-t-elle. 

 

Elle est positive et prend à la rigolade les remarques qu’on peut lui faire à ce sujet. L’important, pour elle, c’est qu’elle se retrouve dans son désordre… ou presque : «Ne me parlez pas de mon sac. Mon mari l’appelle “une armoire à quatre battants”. C’est sûr que je peux dépanner avec tout ce qu’il y a là-dedans.» Vous ne lui prendrez jamais à dire qu’elle a perdu quelque chose. Larissa emploie le terme misplace. Dernière frasque en date : madame a misplace son alliance. C’est monsieur qui va être content quand il l’apprendra, mais elle finira par la retrouver sans qu’il n’apprenne quoi que ce soit. «Quand j’en ai parlé à ma maman, elle était outrée. Et moi, comme à mon habitude, j’ai tourné ça en rigolade et je lui ai dit : “Heureusement que c’est la bague et pas le mari”!»

 

À ceux qui diront qu’un bureau mal rangé est synonyme d’un esprit mal organisé, Cédric Lanappe dit non. Entre sa panoplie de pinceaux, ses mallettes de maquillage faites de blushs, de fards à joue, de mascaras, de paillettes, et tant d’autres, le Make-Up Artist laisse autour de lui un joyeux désordre. «Je suis bien le seul à pouvoir m’y retrouver», dit-il d’emblée. C’est parce qu’il est, dit-il, un artiste et que les artistes sont très rarement ordonnés. Pourtant, explique le jeune homme, «en tant que Make-Up Artist, je me dois de ranger mes affaires, de tout remettre en place après avoir utilisé mes équipements, mais je fais complètement le contraire. Je ne réalise pas vraiment. Dans le feu de l’action, je me laisse emporter. C’est l’excitation, la pression, le challenge et le stress qui m’aident à exprimer mon art, non seulement sur le visage de mes clientes, mais aussi dans mes mallettes et mes valises de maquillage.» 

 

Une source d’inspiration

 

Cependant, à la maison, Cédric Lanappe navigue entre deux extrêmes. Tantôt extrêmement rangé, tantôt bordélique. «Quand j’ai besoin de sortir, par exemple, je mets mon armoire sens dessus dessous. J’essaie tout sans rien ramasser. Du coup, c’est le fouillis complet. Heureusement que ma maman est là pour me remettre les idées en place», souligne-t-il en riant. Pour lui, être bordélique a même une influence positive sur sa manière de s’exprimer et de réaliser son talent. Ce serait même une source d’inspiration. «Des fois, le mélange de vêtements, la fusion de pinceaux m’aident à m’exprimer, et là, j’arrive à faire des mixtures de couleurs sans hésitation et je découvre de nouvelles choses», déclare l’artiste. Les psychologues lui donneraient certainement raison. Selon eux, les bordéliques veulent imprimer leur marque, se sentir vivants en laissant libre cours à leur créativité, et dans certains cas, à leur égocentrisme. 

 

Être bien ordonné dans ses idées et dans son travail, c’est justement le cas de Preetina. Jeune femme active, elle enchaîne les responsabilités au travail et multiplie les activités sociales. Avec cette image de femme bien rangée, difficile de croire que sa chambre ressemble à un vaste chantier. Et pourtant, chez elle, le rangement est quasi inexistant. Dans sa chambre, vêtements, chaussures, sacs, bouquins et autres forment une véritable pagaille dans laquelle il est difficile de se retrouver. «C’est vraiment bizarre puisque je ne suis absolument pas comme ça au travail et dans la vie en général. Au bureau, je me fais un devoir de tout ranger afin que tout soit nickel avant de partir. Dans mes idées et dans mes activités, je planifie tout au millimètre près, mais pour ce qui est de ma chambre, c’est une tout autre histoire», concède-t-elle. 

 

Du coup, Preetina, qui ne connaît pas le rangement, met tout ça sur le dos d’un manque de temps : «Ce n’est pas de la paresse, mais je n’arrive pas à ranger et je ne saurais expliquer pourquoi.» Ce qui est sûr, dit-elle, c’est que l’état de sa chambre et son incapacité à ranger ne sont pas les reflets de son «moi» intérieur. Et puis, finalement, les bordéliques, comme l’expliquent les psychologues, n’ont qu’à se dire que ranger n’est pas forcément une tâche déplaisante. Ça peut devenir une partie de plaisir, à condition de trouver les bonnes raisons de le faire. 

 


 

Le saviez-vous ? 

 

Et si finalement les bordéliques avaient tout compris ? Eh oui ! Après tout, les organisés font peut-être fausse route car, dans une récente étude, des chercheurs allemands avancent que l’idée selon laquelle un bureau rangé reflète un esprit organisé n’est pas vrai. En effet, avoir un bureau sens dessus dessous permettrait justement à la personne d’y voir plus clair. Il se trouve que dans le chaos, l’humain va directement à l’essentiel et devient ainsi beaucoup plus productif. Voyez-vous, ces scientifiques ont constaté que le désordre semble stimuler l’efficacité au travail et le sens de la créativité. Vous pourrez désormais citer quelques petites anecdotes selon lesquelles le scientifique Albert Einstein et l’écrivain Roald Dahl travaillaient tous deux sur un bureau particulièrement bordélique. Antoine de Saint-Exupéry avait lui un jour déclaré «qu’un bureau bien rangé était le signe d’un esprit dérangé».

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