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19 janvier 2015 02:45
L’expression mère poule est plutôt mignonne. Car elle renvoie à ces mamans qui ont très à coeur le bien-être et la sécurité de leurs enfants. Rien de plus normal, direz-vous, avec raison. Sauf quand elles poussent le bouchon de la protection un peu trop loin. C’est alors qu’on peut vraiment parler du syndrome de la mère poule. On définit cette dernière comme une maman très anxieuse et angoissée à l’idée de la moindre menace qui pourrait peser sur son enfant. Elle veut le protéger à tout prix contre un malheur qui peut parfois être inexistant ou peu probable. Cette situation peut vite devenir étouffante pour l’enfant au fur et à mesure qu’il grandit.
Anne ne s’en cache pas. Elle est un peu paranoïaque sur les bords. Les sorties en famille en deviennent parfois de véritables parcours du combattant : «Je scrute toutes les mesures de sécurité. Par exemple, cela peut sembler bête, mais je ne démarre pas tant que la ceinture de sécurité n’est pas bien attachée. Je nous vois déjà dans un accident de la route. Je me fais des films dans ma tête. Du coup, je vérifie et contre vérifie.» Hyper protectrice, Anne, maman de trois enfants – Esther, 8 ans, Elian et Eliott, des jumeaux de 5 ans – est tout le temps sur le qui-vive. Les sorties à la plage, par exemple, sont emmaillées d’une série de consignes et de réprimandes : «Je suis toujours dans leurs pattes, à leur répéter de ne pas nager ou jouer trop loin de moi, de ne pas parler aux étrangers, de ne pas aller dans l’eau sans m’avertir. Bref, je les bombarde de dizaines de “ne fais pas ça”». Consciente qu’elle doit un peu lâcher la bride, elle essaie de faire des efforts… sans succès. «C’est très difficile de lâcher prise. Rien que de savoir qu’ils reviennent à la maison dans le van de l’école me stresse au plus haut point. Tant qu’ils ne sont pas rentrés, je m’imagine des choses. Les chauffeurs sont tellement imprudents de nos jours.»
Selon les psychologues, quand un enfant vit sous le joug d’une maman hyper protectrice, deux cas de figure apparaissent assez fréquemment : soit l’enfant souffre d’un manque de confiance en lui et a du mal à prendre des risques, soit il se rebelle contre ses parents. Bien sûr, ce n’est pas la règle. Quoi qu’il en soit, les spécialistes s’accordent tous à dire qu’un enfant doit «explorer et découvrir la vie».
Lorsqu’il s’agit de son fils Cyrus, Christabelle veille au grain.
Christabelle essaie d’appliquer cette théorie… avec un peu de mal. Avec son fils Cyrus, 5 ans, cette jeune maman ne laisse rien passer. «Je scrute les moindres petits détails. Je veille au grain à tout ce qu’il mange ou qu’il pourrait toucher. Même les dessins animés y passent. Au moindre changement de comportement, je lui pose des questions et j’en fais de même avec tout mon entourage», dit-elle. La peur que son fils se fasse mal est l’une des plus grandes hantises de Christabelle. Et elle pense déjà à d’éventuelles futures mauvaises fréquentations que son enfant pourrait avoir. «Dans ce monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, on n’est jamais à l’abri», souligne-t-elle.
Angoisses
Valérie est aussi du genre à se faire un sang d’encre quand il s’agit de ses enfants, souvent pour un rien. Que ses filles Toscane et Cassiopée, âgées de 6 et 3 ans, soient dans les escaliers, la salle de bains, la cuisine ou jouent dans leur coin, elle est constamment en train de leur crier de faire attention. Dès qu’elle entend le moindre petit bruit dans la pièce à côté, elle accourt. Ces angoisses, dit-elle, viennent du fait qu’elle a déjà eu très peur pour ses deux filles dans le passé : «Toscane, l’aînée, a déjà eu une forte fièvre et a fait des convulsions. Si je ne m’étais pas réveillée à temps pour la voir, je ne sais pas ce qui se serait passé. À l’âge de 4 ans, elle est aussi tombée dans la salle de bains et s’est ouvert la tête. Heureusement, la blessure n’était pas très grave. La benjamine Cassie est asthmatique et a été admise aux urgences plusieurs fois.» Obnubilée par la peur que quelque chose de mal leur arrive, Valérie est tout le temps aux aguets. Sa propension à intervenir alors que les filles sont tranquillement en train de jouer a d’ailleurs créé des tensions avec son époux qui n’a pas apprécié qu’elle soit tout le temps sur leur dos.
Surprotéger son enfant, même si cela part définitivement d’une bonne intention, peut avoir des répercussions négatives sur son comportement et sa manière de gérer les situations auxquelles il sera confronté à l’avenir. Selon les psychanalystes, trop couver son enfant peut l’amener à avoir du mal à se libérer de l’emprise de la mère et à devenir moins autonome que d’autres. La mère poule a tendance à souvent exagérer les risques et les dangers potentiels du monde extérieur. Et plus l’enfant grandit, plus ses craintes deviennent permanentes. Généralement, elle veut tout faire pour garder ses enfants auprès d’elle car chaque séparation est vécue avec angoisse.
Les appels incessants de Shamima ne sont pas toujours au goût de son fils Noa.
Shamima connaît bien ce cas de figure. Cette maman qui est très proche de son fils Noa, 19 ans, ne dort plus sur ses deux oreilles depuis que celui-ci s’est installé en France pour ses études. Elle ne le cache pas : elle s’inquiète pour tout et rien. «Quand il était là, je m’inquiétais un peu moins puisque je pouvais l’avoir à l’oeil mais depuis qu’il est parti, je m’inquiète pour un rien. Je veux savoir où il est en permanence, s’il a bien mangé, s’il est en cours ou s’il est rentré à son appartement. Je veux absolument tout savoir», confie Shamima.
Les récents évènements tragiques à Paris n’aident pas Shamima qui s’imagine toutes sortes de scénarios dans sa tête : «Ces attentats m’ont vraiment fait peur. Ça doit être dangereux là-bas. En plus, il est musulman et il est seul. C’est trop pour moi cette inquiétude !» Du coup, elle ne cesse de l’appeler pour savoir s’il va bien. Une intrusion qui ne plaît pas toujours à Noa : «Je l’entends soupirer au téléphone quand je pose trop de questions ou que je l’appelle trop souvent. Je sais que ça l’agace. Il me dit toujours : “Maman, arrête s’il te plaît. Je vais bien”».
En effet, l’enfant, qu’il soit petit ou grand, doit pouvoir, dans une certaine mesure, découvrir seul son environnement, pour ensuite s’adapter aux différentes situations auxquelles il sera confronté au cours de sa vie. Être bien encadré et protégé l’aide évidemment à grandir et à s’épanouir mais en faire trop peut nuire à son évolution. Il faut juste arriver à trouver le bon équilibre.
À Maurice, l’expression mère poule fait souvent référence à une maman qui «soutire» tous les caprices de ses enfants. Or, ce n’est pas du tout la bonne définition. En effet, une mère poule est une maman qui a un peu trop à cœur la sécurité et le bien-être de ses enfants. Il s’agit d’une attitude excessive et viscérale. Selon les psychologues, il faut remonter au Moyen Âge pour comprendre d’où vient cette expression. En effet, à cette époque, on attribuait un animal à chaque trait du caractère humain, et la femme était très souvent associée à la poule. Dès lors, la mère possessive a été qualifiée de mère poule et le terme est resté au fil des siècles...
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