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21 juillet 2016 13:53
Leur récit est vrai et juste. Tout comme leur colère et leur frustration. Il reflète une réalité difficile et compliquée. Aujourd’hui, pour de nombreux jeunes, décrocher un emploi relève d’un parcours du combattant. Des centaines d’entre eux sont sortis de l’université avec de grands diplômes, ont étudié dans de grandes écoles de formation. Ils sont nombreux à s’être présentés sans relâche à des offres d’emploi, à avoir respecté toutes les étapes conseillées dans l’envoi d’une candidature. Pourtant !
Ils se retrouvent toujours sans aucune proposition d’emploi et sont souvent contraints d’accepter un job hors de leur domaine d’expertise en attendant de trouver mieux. Pour ceux qui n’ont pas fait d’études et qui n’ont en poche qu’un Higher School Certificate ou encore un School Certificate, le parcours est encore plus ardu. Alors que les derniers chiffres de Statistics Mauritius(voir hors-texte) accusent une légère baisse dans le taux de chômage à Maurice, le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, a fait part de son désaccord en signalant que ses chiffres à lui comptent beaucoup moins de personnes sans emploi.
Dans la vie de tous les jours, la question du chômage est sur toutes les lèvres. Les inquiétudes sont réelles et omniprésentes, principalement chez eux qui doivent composer au quotidien avec le fait de ne pas pouvoir travailler pour gagner leur vie. Neha Sookun est âgée de 25 ans. Il y a deux ans, cette habitante de Triolet est sortie de l’Université de Maurice avec une licence en management et en finance. Pendant ses cours, la jeune femme a eu l’opportunité de gagner un peu d’expérience en travaillant dans plusieurs entreprises. «J’ai fait un stage de six mois au Head Officedu Central Electricity Board avant de travailler chez Emtel avec un contrat de 25 jours. Ensuite, j’ai une fois de plus fait un stage comme enseignante au collège Friendship Girls», raconte-t-elle.
Persuadée que sa situation allait se régulariser une fois son diplôme en main, Neha a pendant des mois épluché toutes les offres d’emploi dans les journaux comme sur les sites Web spécialisés en ligne, envoyant son curriculum vitae dans le maximum d’entreprises possible où elle aurait une chance, grâce à ses études, de décrocher un poste. Malheureusement pour la jeune femme, les mois se sont transformés en années : «J’ai même postulé dans différents secteurs. J’ai eu quelques entretiens, mais aucun retour. En ce qu’il s’agit du secteur public, j’ai même pris part aux examens, notamment pour les postes de Second Secretary et d’Assistant Permanent Secretary au Prime Minister’s Office.»
Chaque jour, elle perd un peu plus espoir. Auparavant, lorsqu’elle pensait à sa carrière, Neha avait toujours eu de grands rêves, dont celui de devenir une enseignante. Comme beaucoup de jeunes, elle a toujours pensé travailler dans le secteur public, une préférence motivée par la sécurité d’emploi et des horaires de bureau fixes qui lui permettraient de poursuivre ses études. Cependant, aujourd’hui, tout ce qu’elle souhaite, c’est de trouver un travail, que ce soit dans le public ou le privé, afin de pouvoir enfin être autonome et indépendante financièrement. Car lorsqu’on est adulte et qu’on a des responsabilités à honorer, le quotidien devient difficile. «Je suis stressée. À cause de ça, j’ai perdu le sommeil et l’appétit. Je suis tout le temps sur les nerfs. Je ne suis plus moi-même. L’année dernière, j’ai dû contracter un prêt avec un membre de ma famille pour financer mon mariage. Jusqu’à présent, je n’ai toujours pas pu le rembourser.»
En désespoir de cause, Neha s’est enregistrée auprès du ministère du Travail et sur tous les programmes disponibles proposant de l’aide aux chômeurs comme la National Empowerment Foundationet le Youth Employment Programme, encore une fois sans succès. «Je suis allée sur place plusieurs fois, mais à chaque fois, c’est le même discours. Ils me disent que je ne suis pas la seule dans cette situation et que je dois attendre»,raconte la jeune femme qui ne sait plus à quelle porte frapper.
Ne pas perdre espoir, s’accrocher et se montrer patient… C’est l’attitude qu’a choisi d’adopter Jiovani Martial, 26 ans, malgré son statut de chômeur et tout ce que cela implique. Il y a deux ans, ce jeune a complété un Teacher’s Diploma Secondary in Physical Educationau Mauritius Institute of Education, mais n’a depuis trouvé aucun emploi fixe. Ceux qu’il a décrochés jusqu’à présent ne sont, dit-il, que sur contrat et ne durent jamais très longtemps. L’expérience la plus importante qu’il ait eue jusqu’au aujourd’hui, c’est de travailler un an au City College en tant que professeur d’éducation physique.
«J’ai aussi travaillé pendant six mois à la Guy Rozemont Primary Government School et j’ai été de temps en temps surveillant pour des examens. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de place dans les écoles», ajoute le jeune homme qui rêve de devenir un entraîneur sportif et coach en athlétisme. Sa priorité aujourd’hui, précise Jiovani, c’est de poursuivre ses études afin de mettre toutes les chances de son côté, mais pour cela, il faut travailler afin de pouvoir financer les cours. Alors, lorsqu’il ne travaille pas dans la petite boutique de ses parents, il trouve des petits boulots.
Récemment, raconte Jiovani, il s’est enregistré au Youth Employment Programme : «On m’a dit que si je décroche un emploi, ce sera rémunéré à partir de Rs 7 000. La somme n’est pas un problème pour moi du moment où je peux toucher un salaire et économiser pour mes études. Je pense qu’une fois que ce sera fait, j’aurai plus de chance de trouver mieux.»Pour Jiovani, il ne fait aucun doute que les jeunes ont beaucoup à apporter au monde de l’entreprise. Il faudrait cependant, dit-il, créer plus d’opportunités au niveau de l’emploi pour leur permettre de se lancer dans le monde du travail et de faire leurs preuves : «Concernant le sport, je suis persuadé qu’on peut développer des choses au niveau des localités comme des centres sportifs. Ça va non seulement créer de l’emploi, mais aussi permettre aux habitants de profiter d’un maximum d’activités sportives.»En attendant d’avoir sa chance, Jiovani doit composer avec ses parents qui désespèrent de le voir prendre son envol et trouver enfin sa carrière professionnelle : «Il y a une certaine pression, mais l’important c’est qu’ils me poussent à aller de l’avant.»
S’envoler vers un autre pays pour enfin pouvoir gagner sa vie ? «Pourquoi pas ?»se demande Marylove Bayejoo lorsqu’elle pense à l’impasse dans laquelle elle se trouve. Si elle ne souhaite pas quitter sa famille pour prendre de l’emploi dans un pays étranger, la jeune femme, comme beaucoup d’autres jeunes, pense qu’elle n’aura pas d’autre choix que de tenter sa chance ailleurs. À 21 ans, Marylove Bayejoo a des rêves et des projets plein la tête, mais sa situation ne lui permet pas de se projeter dans l’avenir. Pourtant, dit-elle, depuis plusieurs mois, elle fait tout ce qu’il faut pour trouver quelque chose. Elle épluche sans cesse toutes les demandes d’emploi, envoie des dizaines de , en vain.«À chaque fois que je vois des postes vacants, je continue à envoyer ma candidature, mais tout ce qu’on me dit, c’est que je n’ai pas assez d’expérience. Mais si on ne me donne pas la chance de travailler, comment je vais la gagner cette expérience ?»dit-elle. Sa colère et son amertume sont compréhensibles. Après le collège, Marylove a suivi un cours d’informatique avant de se lancer dans un DELF B2, un Diplôme d’Études en Langue française. Son objectif, dit-elle, était de trouver un travail de secrétaire, d’entamer des études de comptabilité afin de pouvoir devenir une comptable.
L’année dernière, en attendant de trouver mieux, la jeune femme a pris de l’emploi dans un centre d’appels, le seul secteur qui ne cesse d’employer les jeunes en masse. Toutefois, elle a été contrainte de démissionner quelque temps plus tard car, dit-elle, les horaires ne lui convenaient pas. Depuis janvier de cette année, Marylove, qui prend actuellement des cours d’ACCA, s’est lancée dans une recherche qui n’aboutit pas. «Je suis vraiment stressée et en colère. Comme tous les jeunes, je veux faire mon avenir et être indépendante financièrement. J’ai des projets, mais comment les réaliser si je ne peux pas travailler ?»affirme-t-elle. Marylove pourra-t-elle enfin voir la lumière au bout du tunnel. C’est du moins tout ce qu’elle espère pour son avenir.
Le gouvernement de l’Alliance Lepep avait affiché ses intentions avec assurance : créer 100 000 emplois d’ici 2019. Cependant, si le taux de chômage affiche une légère baisse contrairement à l’année dernière, il reste toujours du pain sur planche en ce qu’il s’agit des sans-emploi. Cette année, selon Statistics Mauritius, Maurice compte 43 500 chômeurs pour le premier trimestre de 2016, dont 18 700 ont moins de 25 ans, contre 46 300 chômeurs en 2015, soit 26 800 femmes et 19 500 hommes. Ainsi, selon le bureau des statistiques, le taux de chômage est passé à 7,6 % à la fin du premier trimestre de 2016 contre 8,7 % pour la même période l’année dernière.
Des chiffres qui font débat et qui sont contestés particulièrement par Soodesh Callichurn, ministre du Travail, qui a affirmé que ces chiffres ne reflètent pas la réalité et que, selon ses propres chiffres, Maurice comptait en 2015 uniquement 22 950 chômeurs, dont 15 609 femmes et 7 341 hommes. Selon lui, un important taux de chômeurs a été employé grâce au Youth Employment Programme. Statistics Mauritius prévoit un taux de 7,7 % pour le chômage cette année, affichant ainsi une légère baisse contrairement à 2015.
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