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17 juin 2015 14:16
Vania est âgée de 29 ans. Depuis quelques années, elle accumule les petits boulots pour survivre et nourrir sa famille. Les jours sont difficiles, mais elle s’accroche du mieux qu’elle peut pour ses enfants, pour leur assurer un avenir meilleur. C’est ce pour quoi elle lutte tous les jours. Vania n’est pas une maman comme les autres. À 29 ans, elle est maman de trois enfants âgés de 15, 12 et 5 ans. Elle a été ce qu’on appelle communément une fille mère. C’est à l’âge de 14 ans qu’elle donne naissance à son premier enfant. Sa grossesse à l’époque chamboule sa vie d’ado. Insouciante, elle se retrouve dans la peau d’une future mère, un rôle qu’elle ne devrait pas assumer vu son jeune âge. Elle perd subitement toute son innocence, prenant la mesure de ce qu’elle va devenir à 14 ans : une maman.
Vania arrête alors l’école. Impossible de s’y rendre avec un gros ventre. À sa honte viennent s’ajouter les moqueries et les critiques des autres filles de l’école. Il y a aussi eu les reproches et les regards accusateurs de son entourage. Un moment difficile à vivre pour une ado. Elle voit son corps changer – elle qui commence tout juste à le découvrir –, son ventre grossir peu à peu avant de ressentir les mouvements de son bébé. C’est une fille. Elle l’a aimée dès le premier instant. Mais s’occuper d’un bébé alors qu’on est soi-même une enfant n’est pas évident. Heureusement, elle a le soutien et l’aide de sa mère : «Ce n’était pas facile pour moi de m’occuper d’un enfant. J’étais une adolescente qui n’allait pas à l’école, qui ne travaillait pas. Je ne savais pas comment faire pour la grandir. Ma vie était une vraie catastrophe.»
Au cours des premières années, l’aide de sa mère lui est indispensable. Avec le père de son enfant, ils se débattent comme ils peuvent. Cependant, les difficultés s’enchaînent alors qu’elle met au monde un deuxième enfant. Le décès de son compagnon la plonge dans un profond mal-être et Vania se retrouve seule à les élever. Devenir mère célibataire aussi jeune est une réalité difficile à vivre au jour le jour. Il faut trouver de l’argent pour manger, pour habiller les enfants, pour les envoyer à l’école. Elle enchaîne les petits boulots. «Je faisais un peu de nettoyage dans les maisons et je travaillais aussi dans une usine. Dès que j’avais un petit job, je le faisais pour pouvoir gagner quelques sous», raconte-t-elle. Quelques années plus tard, elle rencontre son nouveau compagnon et refait sa vie. En 2008, elle entend parler de l’association Nou Nouvo Baz et décide de s’y rendre. Elle y reçoit de l’aide, notamment pour les matériaux scolaires, le petit déjeuner et le déjeuner pour ses enfants. Un sacré coup de pouce quand l’argent se fait rare.
Débrouillardise
À l’association, créée en 2000 pour venir en aide aux filles mères et mères célibataires habitant Cité-Briqueterie, Batterie-Cassée et Sainte-Croix, entre autres, elle a l’occasion de participer à des formations chez l’AREU ou encore au National Women Entrepreneur Council. Avec les autres femmes bénéficiaires de Nou Nouvo Baz, elle confectionne toutes sortes de produits alimentaires qu’elle met en vente en faisant du porte à porte : «Je fais des achards, du piment, des fruits cristallisés, des confitures, des épices. Aujourd’hui, j’arrive à vendre une trentaine de pots par mois.»
Courageuse et déterminée, Vania nourrit de nombreux rêves pour sa famille. Sa priorité est de trouver une maison digne de ce nom. «Actuellement, nous sommes à cinq à vivre dans une chambre que ma grand-mère a mise à notre disposition. J’ai fait toutes les démarches nécessaires pour avoir une maison, mais rien n’a abouti. C’est très dur, mais je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour nous sortir de là», confie-t-elle.
Vania est de celles qui n’ont pas peur de se retrousser les manches et de travailler : «Je dois travailler dur pour m’en sortir. Grâce à Nou Nouvo Baz, j’ai appris de nombreuses choses. Mais j’ai encore envie d’avancer. J’ai des cours de pâtisserie et de coiffure, et je veux me lancer.» Ne jamais baisser les bras, c’est son leitmotiv.
Dans le petit local de l’association, qui se trouve à Port-Louis, Vania côtoie de nombreuses autres jeunes femmes qui, comme elle, sont devenues mères très jeunes ou qui sont mères célibataires. Ces dernières ont souvent l’impression de mener plusieurs vies de front, cela dans des situations plus précaires que les personnes en couple. Outre le regard de la société et les préjugés, il y a surtout les difficultés du quotidien, notamment financières, auxquelles elles doivent faire face. Vanessa s’est aussi retrouvée seule avec un enfant à sa charge pendant quelques années. Alors qu’elle était employée dans un hôtel, elle a dû quitter son emploi pour pouvoir s’occuper de son enfant qui est né alors qu’elle avait 23 ans. «Je me retrouvais seule avec personne pour veiller sur mon enfant. J’ai dû chercher un travail moins exigeant au niveau des horaires pour pouvoir m’occuper de mon fils», explique-t-elle.
Comme Vania, elle a aussi refait sa vie et a accueilli un autre enfant depuis. Se lancer à son compte était pour elle la meilleure des solutions pour s’occuper de ses enfants et gagner sa vie. «J’ai intégré l’association il y a deux ans et depuis, j’ai eu l’occasion de bénéficier de plusieurs formations. Pour moi, c’est une véritable opportunité. À travers ces cours, j’ai pu avoir une base et me perfectionner», souligne Vanessa. Au centre, les bénéficiaires, qui n’ont pas les moyens d’investir dans le matériel, ont à leur disposition une cuisine avec plusieurs équipements qui leur permettent de confectionner leurs produits avant de les mettre en vente. Au début, elles reçoivent même gratuitement les matières premières pour préparer ce qu’elles mettront en vente.
Aujourd’hui, Vanessa arrive à vendre plusieurs pots par jour, ce qui lui permet de subvenir aux besoins de sa famille. Ce nouveau travail lui permet aussi d’ajuster ses horaires en fonction de ceux de ses enfants afin d’être plus présente pour eux. «En tant que femme et maman, nous avons une vision, des objectifs que nous nous sommes fixés, des rêves que nous voulons réaliser pour notre famille et, dans ce cheminement, l’association Nou Nouvo Baz nous apporte un très grand soutien», souligne la jeune femme.
Comme Vanessa et Vania, elles sont une vingtaine de femmes à recevoir ce support. Elles ont toutes saisi cette main qui leur a été tendue pour devenir des femmes debout et être capables de garantir un meilleur demain à leur famille.
Tout est parti d’un constat dans les faubourgs de Port-Louis au début des années 2000. Les habitants de Cité Briqueterie, Batterie-Cassée et Sainte-Croix souhaitaient trouver des solutions pour venir en aide aux personnes vulnérables de la région, particulièrement les enfants et les adolescents souvent livrés à eux-mêmes. Solange Potou, qui a une formation d’éducatrice de rue, lance alors Nou Nouvo Baz qui, dans un premier temps, va directement à la rencontre des enfants et des jeunes qui manquent souvent d’encadrement afin de les accompagner et les soutenir. «Nous leur offrons l’accompagnement scolaire et le service du petit déjeuner et du déjeuner. Il y avait aussi une aide financière pour les parents qui ne pouvaient pas payer les frais d’écolage», explique la responsable de l’association.
Au fil des années, celle-ci a pris une nouvelle dimension, dit Solange Potou. «Nous avons voulu aller directement vers les mamans pour pouvoir, à travers elles, toucher les enfants. Il fallait les autonomiser, leur donner un coup de pouce pour qu’elles puissent se mettre debout sur leurs pieds», souligne cette dernière. Ainsi, plusieurs femmes ont eu l’opportunité de bénéficier du soutien de Nou Nouvo Baz. Pendant quatre mois, 20 femmes participent à des formations allant de l’agro-alimentaire à la pâtisserie en passant par la coiffure. L’association dispose d’une cuisine avec plusieurs équipements qui sont mis à la disposition des femmes qui confectionnent différents produits pour ensuite les vendre et gagner leur propre argent.
Ces femmes ont une particularité. Elles sont soit des filles mères, soit des mères célibataires qui ont besoin d’aide et de soutien : «Elles sont nombreuses à être devenues mamans très jeunes et n’ont du coup pas fait de grandes études. Cela les a plongées dans une précarité et elles n’arrivent pas à trouver un travail correct. Elles ne peuvent pas faire de projet sur le long terme. Ces femmes ont besoin d’argent au jour le jour pour pouvoir manger le soir venu. C’est pourquoi ces formations leur permettent de développer leur propre affaire.»
Depuis la création de l’association, plus d’une douzaine de projets ont été mis sur pied pour les adolescents comme pour les mamans, allant de la prévention des conduites à risques chez les jeunes à l’initiation à l’artisanat, en passant par des formations professionnelles. Il y a aussi plusieurs autres projets dont celui des poules pondeuses. Plus d’une vingtaine de filles mères en ont bénéficié. «Nous ne faisons pas dans l’assistanat. Nous leur apportons un dynamisme et leur apprenons qu’il faut se lever chaque matin et aller chercher où se trouve le pain pour qu’elles puissent nourrir leur famille», souligne Solange Potou. Selon cette dernière, une fois la formation en poche, ces femmes n’ont plus qu’à y ajouter de la valeur avant de tracer leur route.
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