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10 novembre 2014 00:00
Certains l’ont toujours su… comme une évidence. D’autres en ont pris conscience sur le tard. Sans doute le savaient-ils au plus profond d’eux-mêmes, sans jamais oser se l’avouer. Car selon les psychologues, la majorité des homosexuels ont des doutes sur leur sexualité depuis l’enfance. Un homosexuel ne se réveille certes pas un beau matin en se disant : «Ça y est, je suis gay !» Il en prend normalement conscience très jeune, à travers des indices qui jalonnent son enfance et son adolescence, une période cruciale durant laquelle on se cherche et où on vit différentes expériences.
Cependant, la plupart du temps, il est difficile de s’avouer qu’on est différent des autres. Donc, on suit le mouvement, on se lance dans une relation avec une personne du sexe opposé, espérant que ça va marcher. Mais ce n’est pas le cas. Il y a aussi ces rencontres qui agissent comme élément déclencheur et qui finissent par nous convaincre de ce qu’on est vraiment. Si certains le vivent bien une fois qu’ils ont fait leur coming out vis-à-vis d’eux-mêmes, pour d’autres, c’est un peu plus compliqué. Ils préfèrent refouler leur homosexualité et ainsi être des personnes «normales» ou le cacher aux autres à tout prix. L’homosexualité étant encore taboue, arriver à accepter son identité sexuelle et à l’affirmer face aux autres est un processus long et difficile, parfois même impossible.
Pendant longtemps, Cessca s’est cachée. Par peur de la réaction de ceux qu’elle aime, par peur du regard accusateur d’une société, d’une morale qui condamne, par peur du regard des autres, du qu’en-dira-t-on. Une peur qui l’a forcée à se renfermer sur elle-même pendant toute son adolescence. Depuis qu’elle s’est rendue compte, à 13 ans, qu’elle aime les filles. Par honte de ce qu’elle ressent, elle fait tout pour le cacher. Née dans une famille croyante, elle fréquente régulièrement l’église. Mais au fond d’elle, Cessca souffre, car elle se dit qu’elle ne sera jamais acceptée : «Quand vous êtes ado et qu’on vous dit qu’être homosexuel est un péché et que Dieu finira par vous punir, on y croit et ça fait mal.»
«En grandissant, je suis sortie avec un garçon pour être “normale”, mais ce n’était pas moi. Après deux ans, j’ai mis un terme à notre relation, car je faisais semblant juste pour faire plaisir à ma famille. Je souffrais trop de jouer la comédie, de me cacher. Ma famille a fini par savoir que j’étais lesbienne et là, ça été très dur», confie-t-elle. À la maison, la situation est terrible. L’orientation sexuelle de Cessca est au centre de fréquentes disputes. Mais cela n’empêchera pas la jeune femme d’assumer qui elle est et de vivre pleinement sa vie.
Véritable épreuve
Aujourd’hui, Cessca préfère ne pas parler de ce qu’elle a perdu, mais plutôt de ce qu’elle a gagné, comme des amis qui la soutiennent et ne la rejettent pas. Elle a aussi rencontré quelqu’une qui partage aujourd’hui sa vie. «Une femme formidable qui est à mes côtés», dit-elle. Épanouie et heureuse, elle profite aujourd’hui de la vie. Grâce aux groupes de soutien aux homosexuels dont elle fait partie, Cessca vient à son tour en aide aux jeunes qui sont en difficulté.
Apprendre son homosexualité à ses parents est une véritable épreuve pour ceux faisant partie de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres). C’est sans doute l’étape la plus difficile dans l’affirmation de sa sexualité parce qu’il y a cette crainte de faire mal, de décevoir, d’être rejeté par les parents. Lorsqu’il l’a dit pour la première fois à sa mère, soutenu par son frère et sa sœur qui avaient pendant des années préservé son secret, Nicolas avait 20 ans. Quand il a lancé à sa mère : «Maman, je suis gay. J’aime les garçons», celle-ci, se souvient-il, a cru que son fils n’était pas normal, qu’il était devenu fou. «Sa déception a été grande et aujourd’hui encore, je voudrais lui dire que je suis désolé», confie le jeune homme.
Deux ans plus tard, il n’en a toujours pas parlé à son père. «Je ne lui ai rien dit, mais je pense qu’il le sait. Je n’en ai pas parlé aux autres membres de ma famille non plus, car il y a cette histoire de réputation», confie-t-il. Le jeune homme a découvert son homosexualité à 12 ans. Au début, il a tout fait pour refouler cette orientation sexuelle qu’il avait du mal à accepter : «Chaque soir, je me posais des centaines de questions et je me demandais sans cesse : mais pourquoi suis-je gay ? Puis, pendant les années qui ont suivi, j’ai tout fait pour devenir hétérosexuel, en vain.» Aujourd’hui, à 22 ans, Nicolas s’accepte un peu mieux, mais il n’est pas prêt à vivre pleinement et librement son homosexualité.
Son implication et son engagement au sein du groupe Mauritius Young Queer Alliance, une organisation qui milite pour les droits de la communauté LGBT, l’aident un peu plus chaque jour à trouver cette paix intérieure et à vivre en toute liberté. Mais la route est longue et rien que le fait d’en parler est parfois difficile. «J’évite de dire à tout le monde et à ma famille que je suis gay. Du moins, je le dis seulement à mes amis gays et rarement à mes amis hétéros.»
En paix avec soi-même
Arriver à accepter son homosexualité, c’est bien souvent tirer un trait sur une vie conforme aux normes. Une fois qu’on a fait ce choix, arriver à être en paix avec soi-même lorsqu’on sait qu’on est constamment jugé par les autres est une longue quête. Aujourd’hui, à 30 ans, Sam se fout un peu de ce que peuvent dire les autres, mais il n’ira pas pour autant crier au monde entier qu’il est homosexuel. Extraverti, il assume pleinement ce qu’il est, tout en préservant son intimité, son monde. Pourtant, dans son adolescence, Sam a souvent été perdu : «Je pense que j’en ai vraiment pris conscience à 14, 15 ans. J’ai toujours été entouré de filles, mais pour moi, cela ne voulait absolument rien dire. Durant toute mon adolescence, j’ai eu des histoires avec des filles. C’est là que j’ai commencé à avoir des doutes sur ma sexualité.»
En grandissant, les doutes s’accumulent et il se remet en question. Après une première histoire avec une fille, il finit par y mettre un terme pour rester seul pendant trois ans. Le déclic viendra plus tard, lorsqu’il rencontrera un homme qui l’aidera à se libérer et avec qui il se mettra en couple. Un homme bien plus âgé que lui, qu’il a aimé profondément : «Je pense que ça vient d’une carence affective, de l’absence d’un père qui n’était pas là. Je pense que ce manque a éveillé en moi le besoin d’être avec quelqu’un qui puisse me protéger, avec qui je puisse me sentir en sécurité.»
Porté par l’amour, Sam s’en veut de cacher son homosexualité à sa famille. Un an plus tard, il finit par l’annoncer à sa mère. «Je pense qu’elle a eu un petit choc et qu’elle a pris du temps avant de l’accepter. Mais très vite, elle m’a rassuré en me disant que l’important, c’était que je sois heureux», se souvient le jeune homme. Il n’a jamais aimé se cacher, dit-il. «Je ne vais pas le crier sur tous les toits, mais si quelqu’un me pose la question, je lui répondrai franchement», souligne Sam. Parmi ceux à qui il a avoué être gay, certains se sont éloignés et d’autres sont restés. Aujourd’hui, il n’en est pas moins épanoui et heureux. Au final, c’est le plus important.
Comment sait-on qu’on est homosexuel ?
On sait que l’on est homosexuel lorsque l’on éprouve une attirance aussi bien affective et amoureuse que sexuelle pour des personnes du même sexe et non pour celles de l’autre sexe. Toutefois, il n’y a pas de règle quant à la découverte de son homosexualité. On peut avoir découvert son homosexualité depuis «toujours» ou le faire bien plus tard. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde «hétéronormé» qui peut biaiser l’orientation sexuelle de certaines personnes.
Reconnaître et accepter sa sexualité est difficile, l’assumer aux yeux de la société et de ses proches l’est encore plus. Comment peut-on se libérer de ce poids ?
Il est parfois difficile de trouver quelqu’un à qui se confier, par peur des réactions. Certaines personnes se tournent alors vers le Collectif Arc-en-Ciel pour obtenir écoute et soutien. Les diverses pressions sociales, familiales et religieuses, entre autres, que l’on peut ressentir peuvent souvent apparaître comme insurmontables, et certaines personnes tentent de refouler leur véritable sexualité et se refusent le bonheur. Parler est souvent libérateur, mais il est nécessaire d’être prêt avant de faire son coming out.
Certaines personnes pensent que c’est un choix de vie, qu’en pensez-vous ?
L’orientation sexuelle n’est ni un choix, ni une maladie. Si c’était un choix, il n’y aurait pas autant de personnes qui prendraient le risque de se faire rejeter ou discriminer. Parfois, l’acceptation par l’entourage est si difficile que les souffrances demeurent très importantes de part et d’autre. Encore une fois, c’est le monde dans lequel nous vivons, avec ses hétéronormes, qui guide la pensée de certaines personnes.
Aujourd’hui, l’homosexualité est encore synonyme de décalage avec l’entourage, d’anormalité par rapport à la société. Pensez-vous que ça puisse changer ?
Les choses ont déjà bien évolué depuis plusieurs années. Qui aurait pu penser, il y a 15-20 ans, qu’une marche des fiertés serait organisée à Rose-Hill tous les ans ? Les mentalités changent et tendent à s’ouvrir de plus en plus. Mais ce n’est pas encore parfait. Nous recevons encore des jeunes qui sont rejetés par leur famille, séquestrés ou violentés, par peur du qu’en-dira-t-on, du regard des autres ou pour motifs religieux et c’est dramatique en 2014. Mais tant que nous ne commencerons pas à combattre le tabou de la sexualité, la stigmatisation et la discrimination dont sont victimes les personnes homosexuelles perdureront.
Notre pays réprouve-t-il encore l’homosexualité ?
À Maurice, l’homosexualité n’est pas illégale. Il y a encore l’article 250 du code pénal de 1838 qui pénalise la sodomie, mais cette pratique sexuelle ne concerne pas uniquement les homosexuels ! Depuis 2008, deux lois ont été votées : l’Employment Rights Act (2008), qui permet une non-discrimination à l’embauche, au licenciement et à l’avancement basée sur l’orientation sexuelle, et il y a aussi l’Equal Opportunities Act (2012) qui agit indépendamment de l’orientation sexuelle. Ces deux lois représentent une étape très importante pour mettre fin à la discrimination contre les personnes LGBT. Nous espérons vraiment que ce début de reconnaissance au niveau légal permettra d’entamer la «révolution» des mentalités dont le pays a besoin.
Le saviez-vous ?
L’homosexualité serait-elle génétique ? C’est la question que s’est posée le chercheur belge Jacques Balthazart. Selon celui qui est à la tête du Groupe de recherches en neuroendocrinologie du comportement à l’université de Liège, l’homosexualité est loin d’être un choix, car elle aurait une composante biologique importante. Il s’est expliqué dans une récente interview : «Il est clair, indiscutable, que l’homosexualité est en partie transmise. Les études sur les vrais jumeaux indiquent une forte héritabilité de la variance dans l’orientation sexuelle, de l’ordre de 30 % à 60 %. On sait aussi qu’un homme homosexuel a plus de chances de compter des hommes homosexuels parmi ses ascendants du côté maternel. Cela suggère une transmission par voie matriarcale. Trois études indépendantes indiquent l’existence d’une liaison entre la transmission de l’homosexualité masculine et des marqueurs situés sur une région bien précise du chromosome X.»
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