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25 mai 2015 01:53
Elle s’y voit déjà. Participer à des compétitions, remporter des médailles, gagner la reconnaissance de ses pairs et être la Tatyana Mcfadden locale, une athlète handisport devenue son idole. Mais, le plus grand rêve de Noémi Alphonse, c’est de devenir une source d’inspiration pour les jeunes qui, comme elle, sont atteints d’un handicap. En la voyant débarquer au stade de Rose-Hill pour sa séance d’entraînement quotidienne, on se dit tout de suite que cette jeune fille de 19 ans a tout d’une ado comme les autres.
Comme tous les jours, elle balise le stade du regard avant de prendre place dans son fauteuil de course et de s’élancer sur la piste, pleine de détermination, espérant améliorer à chaque fois son chrono. Noémi est unijambiste et souffre d’un handicap au niveau des doigts suite à une malformation de naissance, mais sa condition n’a jamais été un frein dans sa vie et cela, grâce notamment, dit-elle, à ses parents qui lui ont appris à toujours s’accepter telle qu’elle est.
Certes, tout n’a pas toujours été rose. Elle se souvient des jours où, petite, elle a voulu, comme les autres enfants de son âge, sortir jouer et courir. Dans ces moments-là, elle se demandait pourquoi elle n’était pas comme les autres, pourquoi, comme eux, elle n’avait pas deux jambes. Mais tout ça, c’était avant. Depuis qu’elle fait du sport, Noémi s’est libérée : «Avant, même si je n’avais pas honte de mon handicap, j’étais assez timide et j’avais du mal à aller vers les autres, mais faire du sport m’a redonné confiance en moi. Rencontrer des gens qui sont comme moi m’a aidée à m’intégrer.»
Aujourd’hui, Noémi est une jeune fille épanouie, plus sûre d’elle et qui se sent bien dans sa peau. Après ses études secondaires au collège Lorette de Port-Louis, elle a voulu prendre une année sabbatique pour se consacrer au sport. Mais quand elle n’est pas à ses entraînements, elle sort, se retrouve entre amis, fait les magasins comme toutes les autres jeunes filles de son âge. «Beaucoup de gens qui ne me connaissent pas sont surpris quand je leur dis que je porte une prothèse. Je porte souvent des jeans et ça ne se voit presque pas, mais de plus en plus maintenant, je porte des shorts, des jupes et des robes. Je me sens bien dans ma peau. Mes parents m’ont toujours dit qu’il ne fallait pas que je me cache», confie-t-elle.
Outre l’amour et le soutien de ses parents, le sport l’a aussi beaucoup aidée à s’épanouir. Elle a commencé très tôt et est devenue, au fil du temps, une passionnée du sport : «Il y a quelques années, j’ai commencé à faire du judo. Puis au collège, je me suis mise au volley-ball et au badminton. Et là, depuis deux mois, je m’entraîne pour la course en fauteuil.» Elle s’entraîne plusieurs heures par jour, six jours sur sept. Noémi sait que, pour devenir une athlète professionnelle, il faut travailler dur. Toutefois, elle ne compte pas baisser les bras. Courageuse, elle a même réussi, en deux mois, à être présélectionnée pour les Jeux des îles. Un exploit pour celle qui vient de commencer à s’entraîner. «Le sport m’a aidée à me libérer de mon handicap et je voudrais dire aux gens comme moi de ne pas avoir honte, de ne pas se cacher», souligne-t-elle.
Se dépasser et mieux s’accepter
Participer à des compétitions est quelque chose de nouveau pour Noémi qui ne s’attendait pas à découvrir un tel univers. En effet, chaque matin et chaque après-midi, aux stades de Rose-Hill et de Réduit, plusieurs jeunes atteints d’un handicap s’adonnent à leur passion. Pour eux, le sport est devenu un exutoire, une thérapie pour tester ses limites, se dépasser et mieux s’accepter. L’ambiance y est chaleureuse malgré le vent glacial qui souffle entre les gradins en fin d’après-midi. Qu’ils soient atteints d’un handicap physique, de troubles mentaux, de surdité ou qu’ils soient aveugles, ces jeunes, accompagnés de leurs coachs sportifs, donnent leur maximum sur le terrain. Certains sont des simples amateurs et d’autres des professionnels.
Parmi eux, Cédric Ravet, 28 ans. À 13 ans, après un accident, il a été amputé de la jambe droite. Il se souvient encore de ce moment où il s’est réveillé à l’hôpital pour découvrir avec horreur qu’il ne lui restait plus qu’une jambe : «Pour moi, c’était horrible. Vous vous imaginez, à 13 ans, on entre dans l’adolescence. Je pouvais oublier les amis et le foot. Je me suis recroquevillé sur moi-même. C’était dur. Je n’arrivais pas à m’accepter.»
Mais une rencontre va tout changer. Quelques années plus tard, il croise Jean-Marie Malepa, aujourd’hui président du Mauritius Paralympic Committee (MPC). Celui-ci l’encourage à pratiquer le basket-ball. Pour Cédric, c’est la révélation : «J’ai repris goût à la vie. Je n’imaginais pas rencontrer des gens comme moi, qui étaient de vrais sportifs. Être avec eux et faire du sport moi aussi, cela m’a permis de prendre confiance en moi.» C’est Jean Marie Bhugeerathee, entraîneur national de handisport, qui repérera le jeune homme quelque temps plus tard et lui proposera l’athlétisme en fauteuil. Après un entraînement intensif, Cédric participe pour la première fois aux Jeux des îles en 2007 et remporte la médaille d’or.
Au fil des années qui suivent, le jeune homme enchaîne les compétitions et multiplie les récompenses à Maurice et ailleurs, devenant ainsi le champion national de handisport. Plus qu’une reconnaissance pour toutes ces années d’efforts et de persévérance, réussir en tant que sportif est pour Cédric une belle revanche sur la vie : «Ça m’a fait prendre conscience que le handicap n’est pas une barrière, qu’on ne doit pas se fermer aux autres et qu’il faut croquer la vie à pleines dents.» Alors qu’il se prépare actuellement pour les Jeux des îles, Cédric a déjà un autre objectif en tête : les jeux olympiques de 2016 à Rio.
Tous les jours, quand Sheena Bhikea, 19 ans, voit Cédric faire ses tours de piste sur son fauteuil, elle est pleine d’admiration. Comme lui, elle voudrait un jour être une grande sportive. Bien qu’elle soit née avec un problème de surdité, l’adolescente arrive, grâce à un appareil, à entendre légèrement d’une oreille, tout en lisant sur les lèvres, ce qui lui permet de communiquer avec les autres. Lorsqu’elle rentre au collège et voit ses amis pratiquer une activité sportive, elle souhaite aussi se lancer. Depuis, Sheena n’a jamais arrêté. Voilà cinq ans qu’elle s’entraîne quotidiennement pour le saut en longueur et la course de 100 mètres afin de devenir une pro. «Le sport a une grande importance dans ma vie. J’ai appris tellement de choses grâce à ça, tellement de valeurs. Je rêve de devenir une grande championne.»
Croire que tout est possible bien qu’on soit autrement capable, Rosario Marianne n’y avait jamais songé avant de perdre la vue à la suite d’un accident il y a un an. Depuis quelques mois, c’est avec Samuel Bousoula qu’il s’entraîne : «Il est mon guide, mon confident, mes yeux.» Effectivement, comme le veut la règle, Rosario et Samuel fonctionnent en binôme. Sur le terrain, ils ne se lâchent jamais et pour l’athlétisme, ils doivent tous les deux être en bonne forme.
Après son accident, Rosario, un ancien sportif, a cru ne jamais pouvoir reprendre le sport. «C’était terriblement dur de se retrouver aveugle du jour au lendemain. J’ai cru que ma vie allait s’arrêter là. Je pensais ne pas pouvoir pratiquer de sport à nouveau.» Pourtant, faisant preuve d’un courage à toute épreuve, le jeune homme revient très vite à sa plus grande passion. Il s’apprête même à participer bientôt à une compétition pour la première fois. Lui qui croyait ne jamais pouvoir reprendre une vie normale a su se prouver à lui-même qu’être atteint d’un handicap n’empêche en rien de mener une vie normale et de réaliser ses rêves. Une force et un courage qui sont véritablement une belle leçon de vie.
«Cette page a été créée pour toutes les personnes portant un handicap, pour qu’elles ne soient pas découragées et qu’elles puissent vivre normalement.» Il y a quelques mois, encouragée par plusieurs personnes, Noémi Alphonse a décidé de créer la page Handicapée et fière de l’être sur Facebook. La jeune fille partage ses journées d’entraînements et parle de ses expériences. À travers ce partage, elle espère pouvoir encourager les autres personnes qui souffrent elles aussi d’un handicap et qui le vivent mal. Son message s’adresse donc à tous ceux qui se sentent mal dans leur peau et qui ne croient pas en eux : «Je veux leur démontrer que nous sommes tout aussi normaux que les autres et que nous aussi nous pouvons réaliser et accomplir des choses», souligne Noémi.
Jean-Marie Bhugeerathee compte plus de 25 ans de carrière dans le milieu du sport et de l’entraînement. Chaque année, l’entraîneur national de handisport voit débarquer dans son équipe plusieurs jeunes handicapés. Comme toujours, raconte-t-il, ils arrivent aux entraînements timides et renfermés sur eux-mêmes. «Ce sont souvent les parents qui vivent mal le handicap de leur enfant et qui lui transmettent ce sentiment. J’ai souvent dû convaincre les parents de laisser leurs enfants venir s’entraîner parce que le sport est une excellente chose pour eux.»
Selon Jean-Marie Bhugeerathee, bien souvent, le jeune vit mal son handicap et a peur du regard des autres. Cependant, une fois dans le bain, il s’ouvre aux autres, se libère des poids qui pèsent sur ses épaules et voit la vie d’un autre regard. Cette transformation, l’entraîneur le constate à chaque séance : «Ici, ils sont en contact avec des gens qui, comme eux, souffrent d’un handicap. Ils se sentent à l’aise. Lors des compétitions à l’étranger, ils rencontrent des sportifs dont le handicap est beaucoup plus sévère que le leur. Ils apprennent à relativiser, à s’aimer à leur juste valeur.» Eh oui ! Le sport a le pouvoir d’unir les êtres, de leur redonner confiance et espoir, et de les inspirer. Le sport force à croire en soi, à chercher à dépasser ses limites, à se poser à chaque fois de nouveaux objectifs et de se donner au maximum pour les atteindre.
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