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8 septembre 2015 18:16
Cela fait un sacré bout de temps qu’elle ne s’était pas sentie aussi libre. Cela fait des années qu’elle rêvait de sortir de ces murs qui l’emprisonnaient. À 18 ans, Wincy n’avait jamais vraiment goûté à la liberté. N’ayant jamais vraiment connu sa famille, elle grandit dans un abri pour mineures (shelter). Comme beaucoup des enfants qui y vivent, son adolescence est des plus agitées. Lorsqu’elle se rebelle et s’en prend physiquement à un des membres du personnel de l’abri alors qu’elle n’a que 14 ans, elle se retrouve devant un juge qui la condamne à passer quatre ans au Rehabilitation Youth Centre (RYC). Du coup, quand, à l’âge de 18 ans – règlement oblige –, elle quitte le RYC, la jeune fille n’a nulle part où aller. La direction du centre de réhabilitation lui cherche alors un endroit où vivre. Pour accueillir les jeunes filles comme Wincy dans leur nouvelle vie, une maison d’accueil animée pas l’association Jeunes mobilisés s’est donnée pour mission de prendre le relais du RYC. Une maison pas comme les autres, une autre main tendue à ces jeunes qui ont eu un parcours difficile.
Ce foyer, coordonné principalement par Germili César et Philippe Wong, est l’une des seules planches de salut pour des jeunes filles comme Wincy : certaines ont été abandonnées depuis longtemps par leur famille ; pour d’autres, leurs proches sont plongés dans l’enfer de la drogue et de la prostitution ; certains n’ont pas les moyens de les recueillir ; pour d’autres encore, leurs parents sont décédés ou se trouvent en prison, quand ils ne se sont pas séparés. «Je sais que j’ai un papa, mais je ne sais pas où il est», confie Wincy. Même si elle en rêvait depuis longtemps, le premier jour de liberté a été quelque peu déstabilisant. Et même si le passage au RYC l’a formée pour faire face aux difficultés de la vie, et qu’elle est sortie «grandie de cette expérience», elle reste fragile et a besoin d’encadrement et de soutien.
C’est aussi ce qu’a ressenti Pallavi, 18 ans également, qui a récemment trouvé refuge chez la famille des Jeunes mobilisés. Comme son amie, elle a pendant longtemps vécu dans un abri avant d’être obligée, pour mauvais comportement, de passer un an au centre de réhabilitation. Rentrer chez sa famille n’était pas envisageable : «Ma maman m’a quittée quand j’étais très petite. Je ne la connais pas. Mon père est décédé. Je viens de faire la connaissance de l’une de mes sœurs.» Venir au foyer était donc la seule issue pour elle.
Les premiers jours chez les Jeunes mobilisés n’ont pas été évidents, reconnaissent les deux jeunes filles. Perdues, il leur a fallu trouver de nouveaux repères, trouver leurs marques. Rien de plus normal quand on se retrouve hors des murs d’un RYC. Mais les jeunes bénévoles du foyer savent faire les choses pour permettre à leurs pensionnaires d’entamer leur vie d’adulte dans de meilleures conditions. À peine arrivée, Pallavi a eu une belle surprise. «Ils ont organisé une petite fête pour célébrer mes 18 ans. Il y avait un gâteau et j’ai eu des cadeaux. C’était très gentil de leur part, ça m’a beaucoup touchée et m’a rendue très heureuse», confie la jeune fille. Cette fête a eu son petit effet. Pallavi se sent en confiance, accueille, à l’aise et entourée de gens qui ont à cœur son bien-être. Le foyer fait tout pour offrir les meilleures conditions pour bien démarrer leur vie d’adultes et pour les garantir un environnement sain dans lequel elles peuvent évoluer. Les pensionnaires bénéficient également d’un accompagnement psychologique et de programmes de formation pour pouvoir être des jeunes femmes indépendantes.
Toutefois, l’adaptation à leur nouvelle vie se fait petit à petit. Pour Wincy et Pallavi, ces derniers jours ont été une multitude de premiers pas. Dans cette maison qui est désormais la leur pour les trois ans à venir, elles ont découvert pour la première fois ce que c’était d’avoir une chambre rien qu’à soi. Elles commencent à vivre «normalement». Elles sont parties à la foire de Quatre-Bornes et au supermarché avec Indira, l’une des deux accompagnatrices qui se dévouent quotidiennement au développement des huit pensionnaires du foyer. Soochita, l’autre accompagnatrice, passe toutes les nuits avec elles. «Nous préparons ensemble le repas du soir et nous dînons ensemble, comme une vraie famille», confie Pallavi. Réalité que les deux jeunes filles découvrent pour la première fois. Il y a aussi ces petits gestes de rien du tout qui témoignent de la confiance placée en elles ; elles vont chercher du pain toutes seules chaque matin. Wincy a même pu se rendre à la messe toute seule ; une grande première pour elle. «J’avais un peu peur, mais j’étais contente qu’on me fasse confiance. J’ai marché, car j’avais un peu peur de prendre le bus. Je devais rentrer avant midi et j’ai respecté cette condition», dit-elle, heureuse d’avoir honoré la confiance placée en elle.
La maison d’accueil est, pour ces filles, plus qu’un refuge ; un lieu d’apprentissage. Avec Indira et Soochita, elles apprennent à faire la cuisine, à entretenir une maison, à faire les courses, entre autres, des choses toutes simples qui leur serviront quand elles quitteront le foyer. Elles ont aussi l’occasion de suivre des formations professionnelles, car elles auront à trouver du travail pour devenir des adultes responsables et autonomes. Pour Wincy et Pallavi, ce n’est que le début de leur vie active et elles ont déjà des rêves plein la tête. Pallavi souhaite devenir serveuse dans un hôtel. «Je rêve de devenir une coiffeuse. Une grande coiffeuse», ambitionne, pour sa part, Wincy. Elle qui a arrêté l’école au CPE, est déterminée à reprendre les études. Consciente qu’elle doit prendre la main que l’association Jeunes mobilisés lui tend, Wincy compte bien prendre une revanche sur la vie.
Un beau message d’espoir pour toutes les Wincy et les Pallavi qui, comme elles, peuvent espérer des jours plus heureux…
Croire en elles, leur faire confiance et leur donner les clés pour les aider à s’en sortir, c’est là la philosophie même de la maison d’accueil créée par l’association Jeunes mobilisés. Niché au cœur de Quatre-Bornes, le foyer peut accueillir jusqu’à huit filles pour une durée de trois ans, leur offrant un endroit sain où elles se sentent en sécurité, mais aussi un environnement propice à leur développement, avant de travailler sur leur réhabilitation et leur réinsertion dans la société. «Nous croyons en elles et sommes convaincus qu’il y a un avenir pour ces jeunes filles après leur passage dans un centre de réhabilitation. Nous leur donnons les outils nécessaires pour les aider à réintégrer la société et devenir des citoyennes responsables», souligne Germili César, l’une des coordinatrices du programme.
La bénéficiaire est accueillie au foyer pour un maximum de trois ans. Dans un premier temps, souligne notre interlocutrice, l’équipe veille à créer une relation de confiance avec la jeune fille, à mieux connaître son background familial, à évaluer ses compétences, mais aussi à comprendre ses besoins et ses ambitions. Les encadrants veillent aussi à mettre tous les papiers administratifs de la bénéficiaire en règle. La jeune fille est encouragée à faire des économies et à ouvrir un compte d’épargne. «On lui apprend aussi comment rédiger une demande d’emploi et un curriculum vitae, entre autres», précise notre interlocutrice. La formation est un autre important volet de son passage à la maison d’accueil, cela pour garantir son employabilité.
Cependant, ce projet ambitieux et fort louable demande beaucoup de financement, souligne Germili César. Motivés à venir en aide à ces jeunes, les membres de l’association se démènent aujourd’hui comme ils peuvent pour faire tourner la maison : «Il y a de nombreux frais et ce n’est pas évident de faire fonctionner un tel foyer. Nous lançons un appel aux entreprises et à ceux qui veulent aider ces jeunes filles à prendre un nouveau départ dans la vie, pour nous apporter leur soutien.» Pour ceux qui souhaitent eux aussi donner un coup de pouce à ces jeunes, un compte est disponible à la Mauritius Commercial Bank. Le numéro de compte au nom des Jeunes mobilisés est le suivant : 000443029873.
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