Publicité
24 août 2015 15:20
Un port d’ancrage, une passerelle vers un avenir meilleur. C’est ce que représente le Mouvement pour le Progrès de Roche-Bois (MPRB) aux yeux des quelque 300 enfants et jeunes qui sont passés par ce centre pas comme les autres. Niché au cœur de Cité Roche-Bois, le MPRB Training and Resource Centre accueille depuis deux ans plus d’une vingtaine de jeunes de 12 à 16 ans. Eux, ce sont les Zeness La Limier, un programme lancé par l’association, qui a pour but d’offrir un accompagnement et un soutien scolaire permanent de manière non traditionnelle et en utilisant des approches pédagogiques plus adaptées à leurs besoins.
Ce matin, l’ambiance est chaleureuse et joviale au centre. Élèves et encadrants préparent tous ensemble la fête – prévue pour ce dimanche – qui marquera les 22 ans d’existence du MPRB. L’association prend naissance en 1993, lorsqu’un groupe d’habitants de l’endroit se met à manifester contre la démolition d’un espace vert, d’une école maternelle et d’un terrain de jeu pour y construire un garage municipal. Cette action civique soulève alors une vague de mobilisation chez plusieurs habitants de Roche-Bois qui désirent œuvrer pour leur communauté et leur région. Edwige Sivance, aujourd’hui directrice du MPRB, se souvient bien qu’après cette première action, s’engager était devenu une nécessité. «À cette époque, la situation dans Roche-Bois était chaotique. Les gens n’avaient pas de travail, la drogue faisait un carnage, les enfants traînaient les rues. Nous avons senti qu’il fallait continuer sur cette lancée et travailler ensemble», dit-elle.
Au cours de ses 22 ans d’existence, le MPRB met sur pied de nombreux projets tels que Teen Hope et le Projet d’Accompagnement Social & Scolaire (PASS), particulièrement destinés aux enfants et aux jeunes de l’endroit, et l’École des Parents, entre autres. «Nous avons fait une étude et nous avons découvert que, sur 100 enfants, seulement six réussissaient aux examens du CPE. Ce n’était pas possible de rester les bras croisés», souligne-t-elle. Dès lors, l’équipe du MPRB travaille d’arrache-pied pour venir en aide et soutenir ces enfants et leurs famille. Elle lance d’abord Teen Hope, un projet-pilote qui accueille 35 adolescents. Après avoir reçu un soutien scolaire basique, ces jeunes sont alors dirigés vers des formations de métier. Un peu plus tard, explique la directrice, c’est un programme d’accompagnement scolaire et social qui est mis en place : «Nous avions remarqué que la majorité des enfants échouaient à partir de Std III, alors nous avons commencé à les accueillir après l’école pour leur offrir un accompagnement scolaire.»
Outre le volet académique, l’équipe du MPRB mise aussi beaucoup sur les activités extrascolaires afin de permettre aux enfants de se divertir et de s’épanouir. Mais l’objectif principal demeure celui de donner à chacun toutes ses chances et les moyens d’agir. En 2008, c’est le Club de l’Espoir qui voit le jour. Les animatrices se rendent sur le terrain pour rencontrer les enfants de rue et parler avec eux. Ces derniers passent leurs journées à pêcher des poissons, à capturer des caméléons et à traîner au lieu d’être à l’école. Ces enfants, constatent les animatrices, sont en manque de repères, surtout qu’à la maison, ils vivent souvent dans un univers de drogue, de prostitution, d’alcool et de violence.
À chaque visite, à chaque rencontre, un lien se crée et, petit à petit, ils commencent à venir au centre. On y organise des activités, des causeries, des camps résidentiels et autres. Au fur et à mesure, certains sont placés en foyer, d’autres réintègrent leur famille. Nombre d’entre eux se rendent alors dans des écoles préprofessionnelles ou des centres de formation pour se lancer dans la vie et devenir autonomes. «Aujourd’hui, quand je rencontre les bénéficiaires de ce projet, qui sont des adultes indépendants qui travaillent dignement pour gagner leur vie, je ne peux qu’être fière d’eux et du travail que le MPRB a accompli», confie Edwige Sivance.
Des projets comme cela, effectivement, il y en a eu plusieurs. Toutes ces réalisations rendent cet anniversaire d’autant plus important et symbolique. Alors pas question de ne pas marquer comme il se doit ce grand événement. Dans le hall d’entrée, ça cause, ça crie, ça court dans tous les sens. Les préparatifs vont bon train. Ici, tout le monde se sent un peu comme chez lui. Le centre est devenu, au fil des années, comme une seconde maison pour ceux qui le fréquentent. Les animateurs sont pour ces jeunes comme une seconde famille. Alors que les filles profitent d’un moment de répit pour papoter, les garçons, eux, reviennent tout juste de leur séance de sport. À peine ont-ils franchi le pas de la porte que Josiane, une des animatrices de l’association, se met à monter dans les aigus : «Direction la salle de bains ! Vous savez ce que vous avez à faire.» Pas la peine de le répéter plusieurs fois aux ados qui s’y rendent sans broncher. Quelques minutes plus tard, ils sont de retour dans la grande salle de classe avec une mine visiblement rafraîchie et arborant leur uniforme sur lequel ressort le sigle de l’association. «On est allé laver nos vêtements de sport et on les a mis à sécher», nous lance l’un des garçons.
Au MPRB, c’est ainsi. Quand on n’est pas en cours, chacun met la main à la pâte. Cela fait aussi partie de l’apprentissage de la vie. «Ils lavent leurs vêtements de sport, aident à la cuisine, font la vaisselle après le déjeuner comme s’ils étaient à la maison», lance Josiane. Avant d’intégrer le MPRB, plusieurs de ces enfants étaient déscolarisés. Certains, issus de milieux difficiles, erraient dans les rues. D’autres avaient du mal à s’adapter au monde scolaire, allant d’échec en échec. «Nous avons reçu des formations pour pouvoir les encadrer. Nous utilisons une pédagogie interactive avec beaucoup de visuel. Ils ont des cours académiques de base comme l’anglais, le français et les mathématiques, et ils bénéficient d’une formation professionnelle et d’activités comme la sculpture, l’art and craft, la danse, le chant et d’autres choses encore», explique Bianca Castel, l’une des animatrices. Le MPRB leur offre aussi un repas tous les jours.
Cette année, huit élèves qui s’apprêtent à prendre part aux examens du CPE font la fierté du MPRB. Une première pour l’association ! Tous ont déjà fait plusieurs tentatives, mais cette fois, toutes les chances ont été mises de leur côté. «C’est comme un défi que nous leur avons lancé. Nous savons qu’ils en sont capables et qu’ils peuvent le réussir», déclare Patricia Navette, animatrice depuis cinq ans et membre de l’association depuis 16 ans. Adel, 17 ans, le meneur du groupe, espère bien que, cette fois, il réussira ses examens. Lorsqu’il a débarqué au centre il y a trois ans, il parlait à peine et aujourd’hui, c’est lui le leader. Se retrouver dans un endroit sain et bénéficier d’un endroit adéquat lui a permis de se libérer et de s’épanouir. Son rêve à lui ? Devenir électricien et chanteur. Il a de la chance de faire partie de ces dix jeunes qui ont la possibilité de suivre des cours de chant et de danse à l’école de Linzy Bacbotte, Sing Again. Assister à ces cours le rapproche à chaque fois un peu plus près de son rêve. Jason, 15 ans, prendra lui aussi part aux examens du CPE à la fin de l’année. Cette année, il espère bien pouvoir franchir cette étape et réaliser son plus grand rêve : «Devenir paysagiste et dessiner des jardins.» Une ambition qui lui est venue petit à petit et qui fait plaisir à ceux qui l’entourent et qui le voient désirer une belle carrière.
Donner à chacun toutes ses chances et les moyens d’agir, c’était là l’objectif du MPRB et celui-ci a sans aucun doute été atteint. Milena, 16 ans, une des autres élèves qui prendront part à ces examens de fin d’études primaires est un peu stressée. Il n’y a rien de plus normal dans ces moments-là ; alors, pour s’encourager, tous les jours elle se dit à elle-même qu’elle va réussir. «Avant, j’étais dans un autre collège que je n’aimais pas. Ici, je me sens bien. Du coup, je vise des A. On verra bien», dit avec assurance l’ado qui espère bien fêter sa réussite avec son amie, Christanielle, 14 ans. Cette dernière s’apprête également à passer cette épreuve. Si tout se passe comme elles le pensent, toutes les deux s’orienteront l’année prochaine vers la formation professionnelle de leur choix avant de se lancer dans la vie.
Pour abattre le gros travail qu’ils mènent à Roche-Bois, les membres du MPRB doivent s’accrocher. Les jours ne sont pas tout le temps faciles. Le manque de financement engendré par le peu de sponsors qui leur apportent un soutien rend la tâche compliquée. «Chaque fin de mois, est un souci. Nous ne savons pas comment nous allons boucler le mois, mais nous nous débrouillons en puisant souvent de notre poche pour donner le repas ou encore payer le transport des enfants dont les parents n’ont pas les moyens», souligne la directrice de l’association. Pour chaque projet, il faut trouver des sponsors, mais une fois le programme bouclé, le MPRB continue à prendre des enfants sous son aile. «Nous ne pouvons pas leur dire de ne plus venir alors qu’ils ont encore besoin de nous. Trouver des sponsors est devenu très difficile», confie notre interlocutrice.
Elle pense même que le MPRB est victime de son succès malgré lui : «Quand les gens viennent ici, ils pensent que nous roulons sur l’or en voyant les ordinateurs et les autres équipements, mais nous les avons reçus en cadeau et nous avons besoin d’argent pour faire tourner le centre.» Offrir un repas tous les jours aux enfants, par exemple, n’est pas facile. Une difficulté qui s’applique aussi lorsqu’il s’agit de payer un salaire décent aux employés de l’association. L’équipe est constituée de cinq encadrants permanents et de six volontaires : «Nous gagnons des miettes, des fois rien, mais nous nous battons car nous croyons en ce que nous faisons.» D’où l’appel lancé par Edwige Sivance pour que les entreprises qui souhaitent aider les enfants et les jeunes de Roche-Bois, et ceux qui croient en la cause du MPRB leur viennent en aide.
Donner une nouvelle direction à son engagement, c’est ce que souhaite le MPRB à l’occasion de son 22e anniversaire. Pour commémorer cette date importante, l’association a donc imaginé une fête pas comme les autres. Avec la collaboration de la municipalité de Port-Louis, elle organise aujourd’hui une Journée de rencontre et de partage avec les ONG de Roche-Bois de 10 heures à 17h30, à son centre, à cité Roche-Bois. Le thème de la journée, Fet Bann ONG dan Landrwa, a été choisi judicieusement. «Nous sommes plusieurs ONG dans l’endroit et ce serait bien qu’il y ait entre nous des collaborations, une entraide. Travailler ensemble, sans pour autant s’ingérer dans les actions de l’autre, sera bénéfique, surtout sur le plan de l’optimisation des ressources et de nos services», souligne Edwige Sivance. Face à ce projet, plusieurs associations ont répondu à l’appel. Caritas, Mo-Zar, Wi Revivals, Oste, Cercle de Roche-Bois, Forces Vives Roche Bois, les Amis d’Agaléga, les scouts, la chorale de Roche-Bois, Vandana Group, Senior Citizen Association et le Groupe Mouvement de Roche-Bois participeront à cette journée. Un programme d’activités comprenant la présentation des ONG, des jeux, des démonstrations, des animations musicales, entre autres, est prévu jusqu’à 18 heures.
Publicité
Publicité
Publicité