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6 avril 2015 14:12
«Quand ma fille est née, elle avait 10 à 15 % de chance de vivre.» Lorsque Nafizah Bholah met au monde une petite fille il y a 12 ans, elle est tétanisée. Une idée l’obsède : mon enfant va-t-il vivre ? Cette question essentielle hante les mamans qui viennent de mettre au monde un enfant de façon prématurée. Nés parfois à six ou sept mois de grossesse, les bébés prématurés sont confrontés de façon brutale au monde extérieur, alors même que leur organisme n’y est pas encore préparé. Ces bébés, nés plus tôt, doivent affronter les plus grandes difficultés et se battre pour survivre. Une épreuve terrible pour eux et leurs parents.
Lorsque Nafizah et son époux Azam décident d’agrandir la famille et de donner un petit frère ou une petite sœur à Widaah, leur aînée, tout se passe pour le mieux jusqu’au cinquième mois de grossesse. Nafizah souffre d’un faible taux d’albumine, ce qui entraîne de sérieuses complications. Deux semaines plus tard, la nouvelle tombe. Elle doit accoucher si elle veut que son bébé ait une chance de vivre. «Mon état se détériorait. Ma tension montait et le bébé avait arrêté de respirer. J’ai donc accouché à cinq mois et demi de grossesse», se souvient-elle.
Après la césarienne qui a lieu dans un établissement privé, la petite Wardah est immédiatement intubée et transportée d’urgence à l’unité des soins intensifs néonatals de l’hôpital Victoria, à Candos. Lorsqu’elle voit son bébé pour la première fois dans cet incubateur, entourée de tous ces appareils et tous ces tubes, son cœur fait un bond dans sa poitrine. Pour elle, c’est le choc. Son bébé pèse 700 grammes : «Elle était aussi grande qu’une chopine de coca. Ses oreilles n’étaient même pas encore formées. Elle n’avait pas de cheveux. Pour moi, c’était le plus grand malheur du monde. C’était une souffrance physique et morale terrible.»
Et puis, il y a cette peur viscérale de perdre ce que l’on a de plus cher au monde. Une peur qu’Annabelle Rava Manick a également ressentie un an de cela. Sa première grossesse l’a marquée à jamais, elle qui rêvait de devenir mère et de fonder une famille. Aujourd’hui encore, lorsqu’elle se souvient de ce moment de sa vie, elle frisonne. Elle se réveille en pleine nuit pour aller voir sa fille, pour s’assurer qu’elle respire, qu’elle est encore là. Elle qu’elle a eu si peur de perdre. «Lorsqu’on est enceinte, surtout la première fois, on voit tout en rose. C’est comme un rêve. Sauf que, pour moi, ça s’est arrêté à sept mois de grossesse», dit-elle.
Le choc
Lors d’un contrôle de routine chez son médecin, Annabelle apprend qu’elle a de la tension de grossesse, ce qui met en danger la vie de son bébé et entraîne des complications. Pour elle et son époux Dario, c’est le choc : «Il m’apprend que mon placenta a bougé et que je dois accoucher le plus vite possible. Mon médecin me conseille de rentrer à la maison, de manger, de me doucher et de revenir à la clinique. J’étais paniquée.» Une fois dans la voiture, le couple, qui avait tout planifié, fond en larmes, totalement dépassé par les événements.
De retour à la clinique, Annabelle est admise et subit un monitoring pointu toute la nuit : «Nous n’avons pas fermé l’œil de la nuit. Nous avons prié, espéré tellement fort que tout se passe bien.» Le lendemain matin, à la première heure, elle donne naissance à la petite Eva qui pèse 875 grammes. Des dizaines de questions se bousculent dans sa tête. Comment elle est ? Est-ce qu’elle va bien ? Est-ce qu’elle respire ? Est-ce qu’elle a tous ses doigts ? Heureusement, l’état de santé de la petite n’est pas inquiétant, hormis son poids. Admise, cette dernière passera deux mois en clinique.
Jour après jour, Annabelle et son époux ont suivi de près l’évolution d’Eva. Chaque jour, elle prenait un peu plus de force pour le plus grand bonheur de ses parents. La fille de Nafizah, elle, reste trois mois à l’hôpital, grandissant petit à petit grâce à l’alimentation qu’elle reçoit à travers la perfusion d’abord et la sonde ensuite.
Peu à peu, ses chances de survie augmentent : «Le médecin m’avait dit dès le départ que ma fille luttait de toutes ses forces pour vivre. C’était une battante.» Pendant toute cette période qu’elle qualifie d’effrayante, Nafizah, qui a déjà un enfant de 15 mois à la maison, fait le va et vient à l’hôpital pour voir sa petite et l’allaiter. Cette étape ne reste pas sans séquelles pour Nafizah : «J’allais la voir tous les deux jours, mais c’est comme si je rendais visite à l’enfant d’une autre. Je ne sais pas comment l’expliquer. Il n’y avait pas cet attachement. J’étais comme traumatisée.»
Cependant, au fur et à mesure des mois, la petite prend des forces et grandit. Wardah et Nafizah se découvrent petit à petit et développent une réelle complicité. Au bout de ce long séjour à l’hôpital, Wardah peut enfin rentrer à la maison et retrouver le reste de la famille qui ne l’a jamais vue auparavant. Pour les Bholah, c’est un grand événement et l’émotion est intense. «Elle était toute petite et toute fragile. Il fallait bien prendre soin d’elle.»
Le lendemain, Nafizah, toute heureuse, fait sortir sa petite pour la première fois. «Certaines personnes n’ont pas manqué de faire des remarques en disant que c’était un bébé extraterrestre», confie-t-elle. Heureusement, les années passent et Wardah grandit bien. Aujourd’hui âgée de 12 ans, elle est une jeune fille épanouie et chérie par sa famille. Souvent, Nafizah lui rappelle son histoire d’enfant miracle, une histoire que Wardah adore écouter.
Cette histoire est aussi celle d’Eva. Depuis qu’elle est rentrée à la maison avec ses parents, la petite remplit la maison de bonheur. Heureusement, après ses deux mois aux soins intensifs, elle a bien grandi, devenant une enfant tout à fait comme les autres : «Chaque jour est un bonheur. Elle nous apprend tellement et nous nous sentons les plus chanceux au monde de l’avoir.»
Dr Faeza Soobadar, Senior Consultant Paediatrician and Neonatologist à l’hôpital Apollo Bramwell : «Le lait maternel reste la meilleure nutrition»
Comment expliquer qu’un enfant naisse bien avant terme ?
Il y a divers facteurs qui peuvent être mis en cause, à commencer par ceux qui concernent la santé de la mère. Parmi, il y a le contexte socio-économique difficile, la malnutrition, l’âge, la cigarette et la consommation de drogue, le stress, des antécédents de naissance prématurée et les maladies qui peuvent survenir pendant la grossesse, soit l’infection, l’anémie, le diabète et l’hypertension. Il existe également des problèmes qui affectent le fœtus, soit la gestation «multifœtale» (présence de plusieurs fœtus en même temps). Il y a aussi les malformations congénitales et le «polyhydramnios», soit la présence d’une quantité excessive de liquide amniotique. Enfin, l’on peut également parler de prématurité iatrogène, soit de la provocation de l’accouchement avant terme par le médecin pour des raisons médicales, notamment si le fœtus est en détresse, s’il y a un problème au niveau de sa croissance, en cas d’hypertension incontrôlée ou d’une infection intra-utérine.
Pendant les premières semaines suivant sa naissance, l’enfant est exposé à plusieurs problèmes. Lesquels, par exemple ?
Un enfant né prématurément peut souffrir de différents problèmes dans un premier temps. D’abord, la température corporelle de son corps ne se régulera pas de façon naturelle, ce qui explique pourquoi il doit être placé en incubateur. Des difficultés respiratoires sont aussi possibles, dû à une déficience de surfactant pulmonaire, une substance lubrifiante qui facilite la respiration, nécessitant alors un support respiratoire et un traitement. L’enfant aura aussi des difficultés au niveau de la tension artérielle, ce qui devra être traité par des perfusions de «vasopresseurs», des agents qui provoquent une augmentation de la pression artérielle.
De plus, l’enfant aura besoin d’une prise en charge nutritionnelle particulière, avec une alimentation adaptée pour une croissance optimale. Le lait maternel reste la meilleure nutrition pour le prématuré. Il aura une meilleure tolérance digestive au lait maternel qui, de surcroît, le protégera contre les complications intestinales.
Quel est l’impact sur l’enfant et sur la maman ?
La séparation de la mère et de l’enfant est inévitable quand un bébé prématuré est en soins intensifs (NICU), ce qui peut engendrer un impact psychologique sur la maman et sur l’enfant. La prise en charge du prématuré nécessite aussi une prise en charge psychologique, en sus de la médecine de pointe. À titre d’exemple, il est important que les parents aient un contact régulier avec le bébé, le voit, le touche. Ainsi, l’on encourage la technique appelée peau à peau, aussi connue comme le kangaroo care. Cela favorise le contact physique, qui a un effet bénéfique sur le bébé né prématurément, et permettra de le rassurer.
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