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20 mai 2017 11:31
Ses yeux brillent lorsqu’elle évoque les plus beaux souvenirs de son métier. Comme le jour où, pour la première fois, elle a aidé une patiente à mettre au monde son troisième enfant. «C’était un petit garçon», raconte Jeanine Berony, sourire aux lèvres. Cette habitante de Sainte-Croix a consacré 43 ans de sa vie à accompagner les futures mamans durant leur grossesse et même au-delà. Car le métier de sage-femme, explique-t-elle, ne s’arrête pas à l’accouchement. À la retraite depuis février de cette année, Jeanine Berony, 63 ans, est toute fière d’avoir aidé à mettre au monde des «milliers de bébés mauriciens».
Tout a commencé par une passion dévorante, dès son plus jeune âge, pour le métier d’infirmier. «J’ai toujours été attirée par cette profession. À 15 ans, je me suis inscrite à la Croix Rouge. Et après mes études, j’ai postulé pour devenir sage-femme.» Elle se souvient de la date à laquelle elle a déposé sa demande d’emploi suite à une annonce du gouvernement. «C’était le 13 février 1975. Quelques semaines plus tard, j’ai décroché une interview et j’ai par la suite été acceptée.» Mais à l’époque, se souvient-elle, les conditions de travail étaient dures. Et les accouchements ne se faisaient pas uniquement à l’hôpital. Bien souvent, et parfois tard dans la nuit, il fallait se déplacer pour aller chez des futures mamans sur le point d’accoucher.
«Leurs proches venaient nous chercher dans un véhicule, munis de leur carte de santé. Lorsqu’il fallait faire un accouchement à la maison, ma mère m’accompagnait toujours. Je me souviens du premier que j’ai fait. J’avais 21 ans, on était venu me chercher tard dans la nuit et l’accouchement avait eu lieu vers 3 heures du matin. Je suis restée aux côtés de la maman jusqu’à 6 heures et je suis rentrée chez moi en autobus», raconte-t-elle avec émotion. Cette pratique a été abolie en 1986, dit-elle, par le ministre de la Santé de l’époque.
Et qu’en est-il lorsqu’une sage-femme doit elle-même accoucher ? Jeanine Berony, mère de deux filles, explique que tout est une question de confiance. «C’est une cousine qui m’a aidée à accoucher la première fois. Mais j’ai dû passer par une césarienne. Et la deuxième fois, j’ai accouché normalement et d’après les signes que je ressentais, je savais déjà, de par mon expérience, que tout allait bien se passer.» Aujourd’hui à la retraite, elle s’occupe autrement et s’est inscrite à l’université du troisième âge où elle apprend l’italien et l’hindi. Tout en chérissant l’un de ses plus beaux rêves : mettre un jour au monde son premier petit-enfant.
Ali Rajah, elle, exerce toujours comme sage-femme au centre de santé de Montagne-Blanche. Une vocation qu’elle vit depuis maintenant 21 ans. Si elle ne fait plus les accouchements, il lui faut toutefois être prête à toute éventualité. «Une sage-femme est la première personne qui est appelée à être à l’écoute de la femme enceinte. Des fois, on accompagne les patients avant même la conception. Et par la suite, on leur donne des conseils pour que leur maternité se passe bien, pour que le bébé naisse en bonne santé. On leur explique les bienfaits de l’allaitement exclusif durant les six premiers mois de la naissance, entre autres», confie Ali Raja.
Ses plus beaux souvenirs restent toutes ces fois où elle a tenu un nouveau-né dans ses bras. «On partage la joie de la maman, on pleure de bonheur avec elle. Et avant l’accouchement, pendant que la maman se tord de douleur, c’est aussi un autre combat. On partage la douleur de la maman, on fait preuve d’humanité, on la soutient. En fait, on est porteuse de vie.»
Cette profession, déplore-t-elle, n’est toutefois pas valorisée comme il se doit (voir hors-texte). Quoi qu’il en soit, sage-femme reste l’un des plus beaux et nobles métiers au monde. Et une sacrée vocation, à part entière.
Une situation qui dure depuis longtemps. Les sages-femmes regroupées au sein de la Midwife Branch de la Government Services Employees Association déplorent le manque de valorisation de leur métier. Selon leur porte-parole Meera Kallooa, présidente du syndicat, il y a notamment un manque de formation afin de suivre l’évolution dans le secteur de la santé et le fait que les recommandations du rapport PRB de 2008 n’ont jusqu’ici pas été appliquées.
«Nous sommes titulaires d’un certificat en Midwifery. Mais nous voulons toutes avoir un diplôme dans ce domaine. Et le rapport PRB a fait mention de cela dans son rapport 2008 et est venu avec des recommandations en ce sens. Mais à ce jour, rien n’a été fait», déplore Meera Kallooa. Un manque de personnel dans ce domaine se fait également cruellement ressentir. «Des postes à responsabilités ne sont toujours pas remplis. Les nominations se font attendre alors que plusieurs personnes sont en actingshipafin de remplir les fonctions en question et attendent depuis des années leur promotion.» Elle lance un appel aux autorités concernées pour que la situation soit remédiée au plus tôt.
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