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Trafic de drogue sur l’axe Madagascar-Maurice : Les droits humains des détenus malgaches bafoués ?

4 avril 2016

À la Mother and Child Unit, les tout-petits ont le droit de grandir avec leurs mères jusqu’à l’âge de 5 ans.

Léa*, 6 ans, attend sa «libération»

 

Derrière les grilles de la prison de Beau-Bassin, 33 Malgaches, dont 24 femmes et neuf hommes, sont incarcérés pour trafic de drogue. Loin de leur pays, loin des leurs. Âgés entre 25 et 70 ans, ils ont tous été arrêtés en possession de drogue sur le sol mauricien. Souvent issus des quartiers pauvres de Madagascar, certains ont accepté de transporter de la drogue tout en sachant qu’ils paieraient très cher s’ils tombaient dans les filets de la police mauricienne. Mais pour faire vivre leur famille et afin que leurs proches puissent manger à leur faim, ils ont encouru des risques énormes contre une modique somme d’argent, tout en nourrissant l’espoir de mener leur mission sans se faire arrêter.

 

C’est un peu ça l’histoire d’Andréa*. Elle avait ingurgité 97 boulettes d’héroïnes, au détriment de sa vie et de celle de l’enfant qu’elle attendait alors. À son arrivée à Maurice en juin 2009, elle avait réussi à passer les contrôles à l’aéroport de Plaisance et s’était installée dans un petit motel où elle était arrivée à restituer 40 boulettes d’héroïnes. Mais se basant sur des informations, la brigade anti-drogue avait encerclé le lieu où se trouvait la ressortissante malgache et procédé à son arrestation. Lors de son interrogatoire, Andréa avait expliqué aux enquêteurs qu’elle avait accepté d’effectuer cette sale besogne en raison de sa condition de vie très précaire dans son pays natal. Elle a finalement écopé de 20 ans de prison.

 

Derrière la condamnation d’Andréa, il y a aussi la terrible histoire de sa fille Léa*, née en milieu carcéral il y a six ans. Et bien que depuis 2009, la prison de Beau-Bassin est dotée d’une Mother and Child Unit, une structure qui a pour but d’offrir à ces tout-petits l’occasion de tisser des liens affectifs avec leur mère, leur séjour en milieu carcéral n’est plus autorisé au-delà de 5 ans. Ce, pour que les enfants puissent s’épanouir dans un environnement sain et approprié, voire une famille, et de côtoyer des enfants de leur âge.

 

Hélas, Léa, qui a récemment fêté ses 6 ans, est toujours entre les quatre murs de la prison, en attendant sa «libération». Non scolarisée, elle passe des journées entières derrière les grilles de la prison, alors que sa mère a formulé une demande aux autorités mauriciennes pour que la petite puisse rejoindre sa famille dans la Grande Île. Mais il semble que le dossier n’avance pas, comme le souligne Nadie Ratsizafy, conseillère culturelle et sociale auprès de l’ambassade de Madagascar à Maurice et responsable du dossier drogue.

 

«Depuis 2008, il y a eu un accord de transfèrement qui a été signé entre Madagascar et Maurice. De ce fait, six mois après sa condamnation, un détenu malgache peut demander à être transféré dans une prison de Madagascar où il purgera le reste de sa peine. Mais c’est à lui et à sa famille de réunir l’argent nécessaire pour financer son billet retour et payer le déplacement des escortes qui vont l’accompagner. Il faut beaucoup de temps aux familles pour réunir l’argent nécessaire car le gouvernement malgache n’a pas de budget pour cela», explique Nadie Ratsizafy. Elle précise que cette même procédure est appliquée pour les enfants des détenus malgaches qui sont en âge de quitter la prison.

 

Pour la petite Léa, dit-elle, une demande spéciale a été adressée par l’ambassade de Madagascar au Prime Minister’s Office(PMO). «Une demande spéciale de transfèrement a été envoyée mais j’attends toujours une réponse. En attendant, la petite est derrière les barreaux. Elle comprend tout ce qui se passe et se pose des questions.»Et bien que la petite Léa n’a commis aucun crime, elle devra quand même être escortée par des officiers des services pénitenciers.

 

Née de mère et de père malgaches sur le sol mauricien, Léa n’est pas considérée comme une citoyenne de la République de Maurice. Pour cause, le droit du sol, qui est la règle de droit attribuant une nationalité à une personne physique en raison de sa naissance sur un territoire donné, avec ou sans conditions supplémentaires, a été aboli à Maurice en 1995, explique un haut cadre de la Commission nationale des Droits humains. «De ce fait, l’enfant n’est pas considérée comme étant une citoyenne de l’île Maurice. Mais comme une Malgache», avance notre source à la Commission nationale des Droits humains. Le cas de Léa ne laisse pas la commission indifférente : «On suit de près le cas de cette petite fille. Il est déplorable que le traitement de son dossier prenne autant de temps. Car en attendant, elle n’est pas scolarisée, donc elle est désavantagée par rapport aux autres enfants. Dans le passé, on a déjà traité des cas similaires. Et les mères et leurs enfants ont pu regagner leur pays d’origine où l’enfant a été placé dans une famille et la mère dans une prison pour purger sa peine.»

 

Quoi qu’il en soit, entre-temps, ce sont les droits fondamentaux de la fillette qui sont bafoués, dont l’accès à l’éducation. Et ce, alors même que le protocole de la SADC sur le genre et le développement demande à ses États-membres d’adopter des stratégies et des politiques afin que les filles et les garçons aient droit à l’éducation. Même si Maurice n’a ratifié ni signé ce document, elle est signataire de nombreux autres protocoles d’accord et conventions concernant les droits des enfants.

 

Le drame de la petite Léa est d’autant plus douloureux que si elle est placée dans un abri pour enfants en détresse tout en ayant accès à l’éducation, elle sera brutalement arrachée à sa mère. Une séparation qui aura probablement de lourdes conséquences sur l’état psychologique de la petite. Quelle serait alors la solution ? À cette question, Rita Venkatasawmy, la nouvelle Ombudsperson for Children, répond : «Que les enfants restent en compagnie de leur mère à la prison est une bonne chose sur certains aspects. Par exemple, la maman pourra allaiter son enfant. Mais au-delà d’un certain âge, la prison n’est plus un endroit approprié pour l’épanouissement et le développement d’un enfant. Dans le cas présent, la solution serait que la mère purge sa peine dans une prison de son pays natal. Et que son enfant soit placée dans sa famille et que ce dernier puisse rendre visite à sa mère afin de maintenir le lien affectif.»Elle précise, par ailleurs, qu’elle va suivre ce cas de près.

 

Entre-temps, la petite Léa reste emprisonnée pour un crime qu’elle n’a pas commis.

 

*Prénoms fictifs


 

Arrestations par l’Anti-Drug & Smuggling Unit de 2010 à 2015  

 

Quatorze femmes malgaches ont été arrêtées en possession de drogue entre 2010 et 2015. Treize ont été retrouvées avec de l’héroïne et une avec du cannabis. Concernant les hommes, il y a eu dix arrestations, tous pour possession d’héroïne.

La Charte africaine des Droits de l’Homme demande à ce que n’importe quel prévenu ait droit à un traducteur lorsqu’il est présenté devant une cour de justice.

 

 

En chiffres

Détenus malgaches incarcérés à Maurice pour trafic de drogue

 

Femmes

Groupes d’âge

25 ans à 35 ans : 9

35 ans à 45 ans : 11

45 ans à 60 ans : 2

Plus de 60 ans : 2

Total = 24 femmes

 

Hommes

Groupes d’âge

25 ans à 35 ans : 4

35 ans à 45 ans : 4

45 ans à 60 ans : 1

Total = 9 hommes

 


 

 

Nomenjanahary Johannah Zafera, «piégée» et condamnée à 20 ans de prison

 

Des éléments prouvant son innocence pas pris en compte

 

Elle s’appelle Nomenjanahary Johannah Zafera et est âgée de 31 ans. Arrêtée en 2011 avec 11,62 g d’héroïne suite à une opération conjointe de l’Anti-Drug & Smuggling Unitet de la Customs Drugs Unitde la Mauritius Revenue Authority, elle est trouvée coupable lors de son procès et condamnée à 20 ans de prison. La drogue avait été retrouvée dans les poignets de sa valise. Nomenjanahary Johannah Zafera avait déclaré qu’elle n’était pas au courant que de la drogue avait été dissimulée dans ses affaires.

 

Collaborant pleinement avec les autorités locales, elle avait permis l’arrestation du cerveau derrière toute cette affaire et d’un de ses complices. La collaboration de la police malgache avait également débouché sur l’arrestation des personnes qui avaient été en contact avec la jeune femme à Madagascar peu avant son départ pour Maurice, dont un de ses compatriotes et un Mauricien. Traduits devant la Cour suprême de Tananarive, les deux avaient avoué avoir piégé Johannah. Leurs dépositions et leurs aveux avaient été versés comme preuves au dossier de Johannah Zafera à Maurice.

 

«J’avais fait parvenir toutes ces données pouvant disculper Johannah Zafera au bureau du Directeur des poursuites publiques», déplore Nadie Ratsizafy de l’ambassade malgache. Ces preuves n’auraient toutefois pas été considérées lors de son procès aux assises. Et par manque de moyens financiers, la ressortissante malgache n’a pu faire appel de son jugement où les preuves pouvant la disculper auraient pu cette fois être retenues et conduire à sa libération.

 

Tout comme cela a été le cas pour la Française Aurore Gros-Coissy, arrêtée en août 2011 avec 1 673 comprimés de Subutex dans ses bagages. Lors de son arrestation, la jeune femme avait affirmé qu’elle n’était au courant de rien et avait montré du doigt son ex-petit ami, Tinsley Cornell, qui aurait dissimulé les cachets dans deux paquets de biscuits destinés à sa mère Giantee Ramchurn, chez laquelle la jeune femme devait séjourner. Tout comme Aurore, cette dernière avait écopé de 20 ans de prison devant la cour d’assises. Giantee Ramchurn a aussi fait appel de ce jugement, mais en attendant, elle est derrière les barreaux. De son côté, la Française a obtenu gain de cause lors de son procès en cour d’appel le 25 novembre 2015. Elle a depuis regagné son pays.

 

Très médiatisée en France, l’affaire Gros-Coissy avait débouché sur une véritable campagne de sensibilisation et d’information grâce à Séline, la mère de la jeune femme, qui, au-delà de son combat personnel, avait provoqué une prise de conscience sur ce phénomène qui était, jusque-là, assez méconnu des Français. Et c’est justement ce genre de campagne dont Madagascar a besoin afin que d’autres femmes (ou hommes) malgaches ne se retrouvent pas dans la même situation que Johannah Zafera.

 


 

 

Joël Toussaint, porte-parole du collectif Victimes du Subutex France-Maurice : «Le pays a besoin d’un département d’addictologie»

 

Maurice est le premier pays consommateur de drogue en Afrique. En tout cas, c’est ce qui ressort du rapport 2010 de l’Organe internationale de contrôle des Stupéfiants – l’International Drug Control Board–, un organisme des Nations unies. Pour Joël Toussaint, initiateur d’AIDE, l’absence d’un encadrement institutionnelle efficace laisse la voie libre à la mafia. « L’omission est un acte délibéré. Car tant que les pouvoirs publics n’admettront pas que la drogue ici est essentiellement un marché avec une réelle demande de la part des Mauriciens, le problème restera entier. Il faut reconnaître qu’il y a une population très vulnérable en termes de toxicodépendance, tous produits confondus. Et que le ministère de la Santé n’a même pas un département d’addictologie en dit long sur la manière dont les autorités abordent leurs responsabilités, qu’il s’agisse de l’obligation de soins ou de la prise en charge des toxicomanes», soutient Joël Toussaint.

 

Il déplore, par ailleurs, l’arrêt du traitement à la méthadone, un produit de substitution aux opiacés pour les personnes souffrant de dépendance à l’héroïne notamment. «C’est le programme de substitution qui est compromis depuis le début. La méthadone et le subutex ont des fonctions spécifiques ; la méthadone est ce qu’on appelle un produit de maintenance, alors que le Subutex est un produit qui convient mieux pour le sevrage.» En ce qui concerne les transporteurs de drogue, il avance que le système relève d’un jeu de dupes et que ce sont généralement des leurres qui se font arrêter. Il explique : «Ceux qui tombent dans les filets de l’ADSU ont, pour la plupart, été balancés à l’avance. Alors que les autorités prétendent qu’il s’agit de trafiquants, ce sont généralement des leurres qui se font arrêter»,lance-t-il. Nadie Ratsizafy, de l’ambassade de Madagascar, partage cet avis. «Lorsqu’une personne est arrêtée avec de la drogue, il y a généralement deux ou trois passeurs qui réussissent à traverser la douane sans encombre», fait-elle ressortir.

 

Questionné à ce propos, un haut gradé de l’ADSU, sous le couvert de l’anonymat, avance lui, que ce n’est absolument pas le cas. «On travaille en collaboration avec le service des affaires liées aux produits stupéfiants de Madagascar, donc l’équivalent de l’ADSU dans la Grande Île. On échange des informations. On ne peut toutefois pas dévoiler notre manière de travailler»,précise ce dernier.

 


 

Les femmes malgaches : des «proies faciles» pour transporter de la drogue

 

Pour expliquer la féminisation du transport de drogue, Haja Ramamonjisoa, le président de l’ONG Ny Sahy et coordonnateur régional du réseau pour la prévention des conduites addictives de l’océan Indien (CJSOI), a une analyse propre à lui. «Dans les années 80, l’importation des effets vestimentaires de Maurice à Madagascar et l’exportation des produits artisanaux de Madagascar à Maurice étaient en vogue. La plupart des gens qui faisaient ce business étaient des femmes. Petit à petit, les produits chinois ont commencé à inonder les deux marchés et les femmes malgaches ont dû changer de produits», explique le président de Ny Sahy (qui signifie «qui ose»), une ONG qui lutte contre la drogue, le tabagisme et l’alcool à Madagascar.

 

Cette association, l’une des rares à œuvrer dans ce domaine, s’occupe essentiellement de la prévention au niveau des établissements scolaires. «Cela se fait pendant l’année scolaire, de septembre à juillet. Mais il est un fait qu’il n’y a pas vraiment de campagne pour sensibiliser les Malgaches quant aux risques qu’ils peuvent encourir lorsqu’ils transportent de la drogue», reconnaît Haja Ramamonjisoa.

 

Nadie Ratsizafy, elle, souligne que la pauvreté reste la raison principale qui pousse les femmes malgaches à transporter de la drogue. «Il est triste de le dire, mais les femmes issues des quartiers pauvres sont très vulnérables, donc faciles à duper, à manier. Et la plupart d’entre elles sont des mères célibataires», précise-t-elle. Toutefois, ajoute-t-elle, les actions prises par le gouvernement afin de conscientiser les Malgaches sur ce problème commencent à porter leurs fruits. Les deux dernières arrestations de ressortissants malgaches retrouvés en possession de drogue à Maurice remontent à 2015.

 

«Il y a une campagne d’information qui a commencé au niveau de l’aéroport. Des affiches sont placardées un peu partout concernant les risques encourus si un Malgache est arrêté avec de la drogue. Et les précautions à prendre quand on voyage. Par exemple, il est conseillé de préparer soi-même ses valises, entre autres», confie Nadie Ratsizafy. 

 

Si selon l’ambassade malgache, les cas sont en baisse, il y a quelques années, les Malgaches étaient arrêtés en nombre. Le 9 décembre 2007, par exemple, la police anti-drogue à Maurice arrête cinq passagères malgaches voyageant à bord du navire Mauritius Trochétia : Ranalisoa Marthe Sidy, Davia Faratiana, Rosa Denise Rakotonirina, Ameline Renee Ravelonatoandro et Suzette Raharimalala. Plus de 20 kilos de cannabis et de haschisch sont retrouvés dans des tabourets en leur possession. Des meubles qui leur auraient été confiés par une proche, une certaine Bernadette. Au final, les cinq femmes ont été condamnées à 34 ans de prison chacune.

 

Même si Madagascar ne produit pas de drogues dures, le trafic entre la Grande Île et d’autres pays d’Afrique existe bel et bien. Et ce sont des femmes qui se retrouvent au premier plan. D’où la nécessité de les conscientiser sur le sort qui les attend lorsqu’elles se livrent au trafic de drogue entre leur pays et Maurice ou ailleurs. Mais existe-il vraiment une volonté politique de faire bouger les choses en ce sens ? Le gouvernement malgache a-t-il suffisamment de ressources pour conduire ce genre de campagne au niveau national ? Les questions restent hélas en suspens…

 


 

Quatre détenus malgaches bénéficient d’une réduction de peine

 

Ils avaient été condamnés à purger 33 ans de prison pour possession de drogue. Toutefois, selon la Commission nationale des Droits humains, ces détenus ont bénéficié d’une réduction de peine après qu’une demande a été adressée à la Commission de Pourvoi en grâce. «Leurs peines d’emprisonnement sont passés de 33 ans à 15 ans. Comme ces détenus malgaches reçoivent très peu de visites, on fait souvent appel à la Commission de Pourvoi en grâce pour qu’ils obtiennent une réduction de peine. Mais cela ne marche pas dans tous les cas. Car chaque affaire est différente et la gravité des offenses commises est à des degrés différents», explique notre source à la Commission nationale des Droits humains.

 


 

Les droits de visite des détenus pas respectés ?

 

En prison, les détenus malgaches ne recevraient que les visites de trois membres de l’ambassade de leur pays. Et ce, une fois tous les trois mois. Les demandes de visite essuieraient, selon nos informations, un refus dans la majorité des cas. Sudesh Ramchurn, Principal Welfare Officerà la prison de Beau-Bassin, explique que l’administration pénitentiaire n’est pas autorisée à accorder les droits de visite.

 

«C’est le PMO qui donne son accord pour les visites après avoir étudié les demandes. Par exemple, si un membre de la famille d’un détenu étranger vient à Maurice pour visiter ce proche, il doit en premier lieu adresser une correspondance à son ambassade à Maurice. Et, à son tour, l’ambassade transmet la demande à qui de droit. Toutefois, au cas où le détenu n’est pas représenté par son ambassade à Maurice, les proches peuvent à ce moment-là adresser leur demande au PMO directement ou à l’administration pénitentiaire qui fera suivre la demande à qui de droit. Par exemple, si le parent est à Maurice pour une durée d’une semaine, on lui accorde le maximum de visites sur une base humanitaire. Mais seul le PMO a le pouvoir d’accorder un droit de visite.»

 

Qu’en est-il des demandes de visite des proches des détenus malgaches ? Sont-elles réellement refusées à chaque fois ? Sudesh Ramchurn avance que l’administration pénitentiaire ne détient aucune donnée en ce sens. Notre courrier électronique envoyé au PMO pour connaître le nombre de visites accordées ou refusées aux proches des détenus malgaches durant ces cinq dernières années est resté sans réponse.

 

Quoi qu’il en soit, au niveau de l’ambassade de Madagascar, on persiste et signe : les détenus malgaches ne recevraient pas de visites de leurs proches. «Il n’y a que trois officiers de l’ambassade, dont moi-même, qui vont visiter nos compatriotes. Car leurs demandes ne sont pas approuvées. Par exemple, il y a une détenue dont le fils était venu travailler à Maurice uniquement pour pouvoir rendre visite à sa mère. Mais sa demande de visite a été refusée on ne sait pourquoi», déplore Nadie Ratsizafy.

 

Pour elle, la solution serait que les détenus malgaches regagnent la Grande Île pour y purger le reste de leur peine. «C’est possible grâce à l’accord de transfèrement signé en 2008 entre Madagascar et Maurice. Depuis, cinq prisonniers malgaches sont rentrés au pays pour purger leur peine. Actuellement, cinq demandes officielles de transfèrement ont été formulées et c’est en bonne voie. Bientôt, trois femmes, dont une gravement malade, et deux hommes quitteront les prisons de Maurice. Une dizaine d’autres prisonniers ont aussi exprimé le souhait d’être transférés», soutient Nadie Ratsizafy.

 

Mais là aussi, la lenteur administrative mauricienne et malgache est à déplorer. Les demandes de transfèrement prennent beaucoup de temps à aboutir. Entre-temps, les fonds publics mauriciens servent à subvenir aux besoins quotidiens des détenus étrangers. Et les sommes dépensées ne sont pas des moindres. L’État mauricien débourse Rs 630 par jour par détenu, soit environ Rs 230 000 par an. Alors qu’un billet retour pour un détenu malgache coûte Rs 9 825 et le billet aller-retour d’une escorte mauricienne coûte Rs 15 975 pour ce genre de mission qui ne dure en général pas plus de trois jours.

 

Pour le transfèrement, il faut au minimum deux escortes, ce qui amène le prix des billets à Rs 31 910. Si le détenu malgache veut se faire escorter par des officiers des services pénitenciers de son pays, le coût du billet Tana-Maurice-Tana est plus élevé, soit Rs 19 185 par escorte. Il est donc dans l’intérêt des Malgaches de se faire escorter par des Mauriciens pour un coût total de Rs 41 735. «Mais le gouvernement malgache n’a pas de budget pour encourir ses dépenses. C’est au détenu de réunir l’argent. Et cela prend beaucoup de temps», précise Nadie Ratsizafy. Si le gouvernement mauricien acceptait de prendre en charge cette dépense, cela lui ferait quand même économiser Rs 189 000 par an. De l’argent prélevé sur le salaire du contribuable mauricien… De quoi faire réfléchir.

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