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Tables rondes

Industries culturelles et créatives : sécurité et inclusivité

2 juillet 2025

Plein d'intervenants pour parler en toute franchise d'un sujet qui interpelle beaucoup.

18 intervenants, trois modératrices, trois tables rondes. Les 24 et 25 juin, la Commission océan Indien a organisé une convention au cinéma Star de Bagatelle, intitulée «Rencontre-Action : vers des industries culturelles et créatives (ICC) sûres et inclusives dans l’océan Indien», qui a accueilli des gens de Maurice, de La Réunion, des Seychelles, de Madagascar, de Mozambique, entre autres. On vous fait le topo.

On a dit énormément de choses durant ces deux longs jours, et ce, avec beaucoup de franchise. Le cinéma Star de Bagatelle était en effervescence les 24 et 25 juin, non pas pour accueillir un gros blockbuster, mais pour une convention de deux jours organisée par la Commission océan Indien (COI) et ses partenaires. Le thème : «Rencontre-Action : Vers des industries culturelles et créatives (ICC) sûres et inclusives dans l’océan Indien.» Au programme : trois tables rondes pour analyser les violences sexistes et sexuelles dans les ICC, trouver des solutions, enclencher des dynamiques et des projets, le tout avec des intervenants d’ici comme d’ailleurs (Réunion, Mozambique, Comores, Seychelles, Madagascar, etc.).

Plusieurs actions concrètes sont déjà en cours après ces rencontres : la création d’un réseau régional de femmes dans les ICC ; celle d’une plateforme sécurisée de signalement et de soutien incluant l’accompagnement juridique et psychologique, et si l’on a un handicap, une boîte à outils pour l’enseignement supérieur sur le sujet ; une observation interuniversitaire à Madagascar; la préparation d’un plaidoyer pour la Conférences des femmes d’Afrique et de l’océan Indien en septembre ; une restitution officielle aux gouvernements des pays pour l’intégration de ces recommandations dans les politiques publiques.

Trois tables rondes étaient au programme, avec en tout 18 intervenants : «Actrices du changement : Transformer les ICC de l’intérieur», «Violences et inégalités : Constat et outils pour agir» et «Genre, écologie et justice sociale». Maurice était représentée par Ishta Bhujohory du festival Move for Art, Virginie Lauret, directrice de Cap Business, Mélanie Pérès, Jasmine Toulouse, actuellement déléguée à l’UNESCO, Dhiruj Ramluggun de Business Mauritius et Kimberley Oxide de l’agence Oxide Consulting.

Et les constats étaient souvent très accablants. Beaucoup ont fait ressortir les violences sexuelles infligées par des personnes de pouvoir dans ce secteur, de même que des mises en doute, des rabaissements, des propos dénigrants. Autre constat : beaucoup de femmes afrodescendantes et/ou en situation de handicap et/ou issues de milieux marginalisés sont plus visées par ces violences. Beaucoup ont aussi dit avoir gardé le silence face aux abus, faute de recours disponibles ou par crainte d’être jugées ou stigmatisées, tout en évoquant des stéréotypes qui persistent. Il y a aussi le fait de devoir recourir à d’autres sources de revenus autre que son art. Et selon les chiffres fournis, il y a seulement 22% de femmes dans des positions de leadership dans les ICC.

À l’issue de cette conférence, Jasmine Toulouse nous a fait la déclaration suivante : «J’ai été heureuse d’entendre la voix du secteur privé, car ce sont eux qui forment les adultes et leur rôle est essentiel. Il est tout aussi important de parler des femmes noires, descendantes de personnes mises en esclavage ; c’est un point de vue crucial, qui invite à une lecture intersectionnelle de nos réalités. Et pour avancer, nous devons aussi faire venir les alliés, impliquer les hommes. Le changement ne peut se faire que collectivement.»

Selvana Moothien, de l’Indian Ocean Rim Association, souligne, pour sa part qu’il «existe clairement une transversalité entre l’industrie culturelle et l’autonomisation des femmes. C’est un sujet qui mérite d’être étudié en profondeur, car de nombreux aspects liés au genre et à la culture restent encore à explorer. Il faut en parler davantage, sensibiliser le public pour mieux comprendre les enjeux liés aux violences dans les ICC, et surtout, créer un véritable chemin vers la justice pour toutes les victimes, un espace où les abus peuvent être signalés et les personnes accompagnées sur le chemin de la guérison».

Anushka Virahsawmy, directrice de Gender Links Mauritius, qui était la modératrice pour la première table ronde, positive : «On a parlé de la violence et on a vu dans les récits de ces femmes que ces violences sont bien présentes dans les ICC. Mais on a aussi vu leur force, leur capacité à transformer la douleur en création. Ce qui ressort ici, c’est un besoin urgent de travailler ensemble, de ne pas rester dans nos silos. Il faut canaliser les expertises de la région pour que ces voix ne soient plus isolées, pour qu’elles deviennent centrales. Et surtout, il ne faut pas banaliser la violence.» 

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