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L’habitant de Batterie-Cassée devenu diplômé musical aux USA

Jazzy Christophe, cette belle histoire de persévérance

18 mai 2025

Un jeune homme d’ici qui semble sur le toit du monde au pays de l’oncle Sam. La vie de ce musicien de l’Atelier Mo’Zar a tout d’un parcours du combattant, une histoire partagée par lui-même et tous ceux autour de lui, où il n’est pas uniquement question de musique, mais de choix, de persévérance. Un récit des plus inspirants, qui l’a porté à la prestigieuse école de musique de Berklee à Boston, où il vient tout juste d’avoir son degré en Music/Business Management…

José Thérèse (qui nous a quittés en 2014) aurait été tellement fier. Lui, et sa vision de l’Atelier Mo’Zar, convaincu que la musique et l’art pouvaient vous faire sortir de l’exclusion. Et voici qui lui donne très raison : Jazzy Christophe, 23 ans, saxophoniste depuis plus de dix ans à l’Atelier Mo’Zar (maintenant à Batterie-Cassée après avoir été longtemps à Roche-Bois) vient de décrocher son degré en Music/Business Management durant la semaine. Un long cheminement pour cet habitant de Batterie-Cassée, avec un post de remerciement très partagé sur les réseaux sociaux, où il parle de ce parcours : «Kan to sorti dan enn ti zil ki 14 000 km lwin ar Boston, ek tonn grandi dan enn fami modest dan enn kartie so, sa kapav paret imposib pou boukou dimounn. Me avek bondie, nanie pa imposib. Dizan de cela, mo ti promet momem ki mo pou al Berklee. Mo pa ti kone kouma, me mo ti dir momem ki mo pou fer li arive. Tou seki mo ti ena sa lepok-la, se lafwa ek travay dir», peut-on lire entre autres.

Et joint à Boston au téléphone, c’est un Jazzy tout content, tout fier qui nous a parlé : «Je crois qu’au fil des années, on m’a appris à toujours foncer. Je me rappelle de mes premières fois à l’Atelier Mo’Zar, quand j’ai entendu parler de l’Université de Berklee, j’apprenais en même temps, le saxo et je me rappelle que dans le quartier tout le monde trouvait ça irrationnel que j'avais une telle ambition… sauf mes parents ! Et ils ont eu raison, et moi aussi de croire dans ce rêve. Et la formule pour y arriver, c’est d’être bien entouré, de prendre les difficultés aussi comme une force et de foncer. On parle beaucoup de Batterie-Cassée comme d'un endroit difficile. Oui, ce n’est pas faux, mais on peut s’en sortir et c’est ce message que j’ai envie de dire à tous. Et comme nous sommes aussi une famille très croyante, je pense que Dieu y est aussi pour beaucoup.»

Après ses études (il a choisi le Music/Business Management pour en apprendre plus sur la gestion dans l’industrie de la musique car il veut être à la fois musicien et un professionnel du secteur), place aux projets. C’est... plusieurs choses à la fois : «Alors, déjà je vais essayer de compete pour un master, où il faut passer par des auditions. C’est très sélectif, mais dès que vous êtes dedans, cela devrait être ok et plus léger financièrement qu’un degré de plusieurs années études (NdlR : quatre ans, qu’il a bouclés en trois à cause des finances). Ensuite, je compte bien profiter du studio de l’université, qui est gratuit pour les élèves ! Le rêve ! Je compte donc sortir un premier album, qui sera un mélange de séga et de jazz. C’est pour moi ma plus value ici, et j’ai tellement fait écouter des artistes comme Kaya et Antonio Perrinne à plusieurs de mes amis ici.» Et ce qui saute aux yeux pour les connaisseurs, c’est que le saxophone de Jazzy est celui de… José Thérèse ! «Il ne veut jamais quitter ce saxo, il ne veut pas l’échanger. Je me rappelle qu’une fois, on avait dépensé une grosse somme d’argent pour le réparer (rires)», nous dit son père.

Justement, l’histoire et le destin de Jazzy sont étroitemenent liés à son éducation, le jeune homme, ancien élève des écoles Cœur Sacré de Jésus (primaire) et le collège BPS Fatima étant très complice avec sa maman Véronique et son père Dan, tous les deux aussi plutôt actifs dans l’Atelier Mo’Zar.

Sponsors, stress… et réussite

Dan se souvient des tout premiers pas de Jazzy à l’Atelier alors à Roche-Bois : «Il devait avoir 8 ans. Je l’ai emmené, car moi-même je jouais de la trompette dans l’Atelier. Et voici que Jazzy était tout intéressé avec le saxophone de José et a commencé à le toucher, et José de s’exclamer «pa touss sa», ce qui a fait rire beaucoup. Avant, il aimait aussi jouer du djembé, mais le saxophone l’a marqué (NdlR : Jazzy nous dira par la suite que le son du saxophone l’a toujours fasciné, ainsi que le charisme du saxophoniste sur scène). Et c’est comme ça que ça a commencé. Il aurait pu aller sur de mauvais chemins, mais dans la famille, pas de tabou. Ici, on dit les choses comme elles sont. Quand Jazzy et son frère étaient tout jeunes, on les a emmenés dans des endroits où il y a des drogués dans le quartier. Même des amis qui sont tombés dedans leur ont dit qu’ils ont du talent, qu’ils ne veulent absolument pas les voir traîner ici. Et c’est bien que Jazzy ait compris, qu’il ait persévéré. Il a voyagé, au Brésil, en Italie pour ses classes. La musique l’a porté très loin. Comme il l’a dit, c’est un moment pour s’en sortir et pour montrer que Batterie-Cassée, ce n’est pas que de mauvaises nouvelles ; c’est aussi de l’espoir, de la lumière. Il faut juste beaucoup bosser pour y arriver, et bien entourer son enfant.»  

Véronique revient elle sur un parcours qui n’a pas été facile. «Outre le fait qu’on l’a toujours soutenu dans sa démarche, ça n’a pas été de tout repos. Car si l’université, dans ses bourses, inclut les études, c’était tout un souci pour trouver des financements pour le logement, l’alimentation, par exemple. Et Jazzy en a eu plusieurs, pour des summer classes par exemple en Italie, ou bien pour celui de Berklee ici. Ce qui est bien, c’est que nous avons pu avoir l’aide de sponsors comme IBL Seafood, la fille d’Ernest Wiéhé, l’investisseur monsieur Christopher Aulner, entre autres, qui ont été à nos côtés. Merci.»

Un jeune aujourd'hui épanoui, très soutenu par sa famille, à qui il rend visite souvent.

Du côté de l’Atelier Mo’Zar, c’est un Philippe Thomas (le prof principal de l’atelier) tout émotionné qui nous a parlé. Philippe Thomas est lui un diplômé et habitué de l’Université de Boston, lui qui est parti avec tellement d’élèves de l’Atelier pour auditions et summer classes : «Je suis fier pour lui, et je pense qu’il va montrer l’exemple aux autres élèves. Et je suis content de voir que la formule que nous avons toujours prôné fonctionne : discipline, ouverture, pratique, pratique, pratique, et aussi être à l’aise dans sa musique, se frotter aux autres artistes aussi, découvrir, apprendre.»

La directrice de l’Atelier Mo’Zar, Valérie Lemaire, nous dira aussi qu'«on savait ici que c’était possible. Il faut juste trouver les bonnes personnes pour mettre ces jeunes talents sur les rails et ils pourront aller le plus loin possible. Il faut juste montrer à ces jeunes qu’il existe autre chose que la drogue et cette vie négative, leur dire que leurs rêves, même ceux qui paraissent surréalistes, peuvent se concrétiser si on y met beaucoup de soi, comme c’est le cas pour Jazzy, qui a été bien encadré aussi par ses parents, qui a développé sa discipline et n’a pas arrêté de bosser, de pratiquer, de se surpasser, car il avait son objectif bien précis en tête.»

Clyde Augustin, ancien président de l’Atelier, qui a aussi bien suivi le cheminement de Jazzy, nous dira que «Jazzy est une inspiration pour zenfan ghetto. Il a gardé la foi en permanence et c’est le principal ingrédient de sa réussite (…). Il a connu beaucoup d’obstacles, mais c’est ce qui rend son histoire encore plus belle et c’est cette belle histoire qu’il raconte aux jeunes de l’Atelier, de son quartier, à toute la nation mauricienne.» 

Et pour les Christophe, l’aventure est loin d’être finie, car Miles, le petit frangin, 13 ans, est lui très porté pour le dessin et l’illustration. D’ailleurs, c’est lui qui devrait concocter la pochette de l’album de Jazzy. à coup sûr, encore une source d’inspiration à venir bientôt !

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